Coralie Rachet (Robert Walters) : "En 2023, les cadres veulent plus"
Décideurs. L’année 2022 a-t-elle été à la hauteur des prévisions de l’an passé ?
Coralie Rachet. Deux mots pourraient qualifier l’année qui vient de se terminer : euphorie et inédit. Euphorie tout d’abord car le niveau d’offres d’emploi a été particulièrement élevé cette année, et même supérieur au niveau d’avant crise en 2019, année déjà qualifiée de plein-emploi. Inédit ensuite car jamais nous n’avions observé un tel volume, associé à une pénurie de compétences et de talents.
Pourtant, le contexte économique et géopolitique n’a pas été rassurant, et l’année a été marquée par des difficultés de recrutement, et une tension extrême ressentie sur la majorité des secteurs. Dans notre étude, 85 % des entreprises interrogées se disent préoccupées par les pénuries de compétences et de talents, soit neuf points de plus qu’en 2021. Dans ce contexte durable d’instabilité, les entreprises devront donc relever un nouveau challenge en 2023 : celui de l’attraction et de la rétention des talents. En effet, 2022 a également été synonyme de nouvelles tendances comme le quiet quitting, ou encore la grande démission. Plus que jamais, les cadres ont priorisé leurs besoins, allant parfois jusqu’à démissionner lorsque leur entreprise ne répondait pas à leurs attentes. Ce sont 87 % des cadres interrogés qui ont ainsi déclaré avoir envisagé de démissionner lors de ces douze derniers mois.
Quelles sont les nouvelles attentes des cadres pour 2023 ?
Nous parlions justement du phénomène de grande démission, et cette étude met en avant les différents facteurs poussant les cadres à la démission : désaccord avec le management ou la culture d’entreprise, rémunération, ou encore évolution de carrière. 71 % d’entre eux déclarent également également vouloir changer d’emploi dans les deux prochaines années, soit trois points de plus que l’an passé. Plus que jamais, les cadres seront attentifs aux valeurs de leur entreprise, à ses engagements, mais aussi aux initiatives en faveur du bien-être et de la flexibilité, ainsi qu’au sens de leurs missions. Si l’on entend régulièrement parler de quiet quitting, il faut avant tout le voir comme une réévaluation de la place du travail dans la vie quotidienne des cadres. Ils optimisent désormais leur temps, à travers le télétravail par exemple, ce qui leur permet d’être plus efficaces sur le temps de travail qu’ils s’accordent.
Toutefois, la rémunération restera le critère de satisfaction numéro un pour les cadres en 2023, notamment dans ce contexte inflationniste. En effet, la hausse du coût de la vie poussera plus de sept cadres sur dix à demander une augmentation significative, quitte à démissionner si celle-ci n’est pas au-dessus du niveau de l’inflation.
"Jamais nous n’avions observé un tel volume d’offres d’emploi"
Comment les entreprises peuventelles faire face à ces nouvelles exigences ?
Les organisations ont bien pris conscience de l’enjeu du bien-être au travail et de la rémunération. 65 % d’entre elles ont d’ailleurs mis en place de nouvelles initiatives cette année, soit 24 % de plus en un an. Cependant, elles devront poursuivre leurs efforts pour l’année à venir, en proposant davantage de flexibilité à leurs collaborateurs lorsque cela est possible, ou des aménagements de temps de travail pour les postes se prêtant moins au télétravail. La rémunération sera évidemment clé, et là encore, les entreprises l’ont bien compris. Ainsi, nous constaterons des augmentations de 4 % pour les collaborateurs déjà en poste, et de 17 % pour ceux prenant le risque de changer d’entreprise. Cependant, les salaires ne pourront pas augmenter aussi vite que la dynamique des prix, et les entreprises ne pourront pas éternellement revoir leurs grilles de rémunération à la hausse. Elles devront donc se montrer innovantes en proposant de nouveaux dispositifs et avantages.
Package, flexibilité, formations : plusieurs possibilités s’offrent aux entreprises pour attirer et retenir les talents. D’autres encore comme le step increase font leur apparition, soit le fait de revaloriser les salaires des cadres plusieurs fois dans l’année, permettant à la fois aux entreprises de répartir les coûts sur une année entière, et aux collaborateurs de mieux se projeter pour les années à venir. En 2023, ce sont 90 % des entreprises qui prévoient ainsi d’accorder des révisions de salaire deux fois par an.
"Les entreprises devront se montrer innovantes en proposant de nouveaux dispositifs et avantages
L’an dernier nous parlions de nomadisme numérique et d’envies d’ailleurs des cadres, qu’en est-il aujourd’hui ?
Un tiers des cadres souhaitant déménager a bel et bien concrétisé ce projet, confirmant ainsi l’attractivité des régions dont nous faisions état dans notre précédente édition de l’Étude de rémunération. Lyon, Bordeaux, Marseille et Nantes sont ainsi les principales villes ayant accueilli les cadres quittant l’Île-de-France, une tendance confirmée par nos consultants présents dans nos bureaux en région.
Dans la majorité des cas, l’enjeu pour eux, en quittant Paris, est de maintenir leur niveau de rémunération. Et d’après notre Étude, 70 % d’entre eux parviennent à le faire, signe d’une réduction croissante des écarts de salaires entre l’Île-de-France et les régions.