Passage obligé pour tout produit de santé avant sa mise sur le marché, la mise en conformité réglementaire répond à enjeu de taille : la sécurité des patients. Trois acteurs majeurs de la santé se sont réunis avec un organisme de certification pour aider à naviguer au mieux dans ce cadre normatif.

Au sein des locaux de PariSanté Campus, la nouvelle session des Cercles Santé accueillait Laurence Comte-Arassus (General Manager chez GE HealthCare et présidente du Snitem), Julien Payen (CEO de Lattice Medical), Céline Saint Olive Baque (CEO de Noraker) et Siham Vidard (CEO de SGS-ICS). Leur échange a permis d’explorer les différents enjeux liés à la certification des dispositifs médicaux ainsi que les stratégies d’accès aux marchés internationaux.

Anticiper dès la conception

"Progrès, espoir, innovation", c’est par ces mots que Laurence Comte-Arassus, également présidente du Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (Snitem), ouvre la discussion pour définir et évaluer un dispositif médical.

Appelés à répondre à des normes réglementaires strictes, les dispositifs médicaux sont au cœur de l’innovation dans la santé. En 2021, entrait en vigueur le règlement MDR (Medical Devices Regulation), qui vient renforcer les critères à remplir avant d’apposer le marquage CE. Laurence Comte-Arassus rappelle que ces normes ne se limitent pas aux formalités administratives : "On ne peut pas faire de dispositifs médicaux sans une réglementation forte. Il en va de la sécurité des patients et elle peut être structurante pour les entreprises." En resserrant les exigences en matière d’essais cliniques, le MDR devient un marqueur fort de confiance et d’efficacité pour les produits lancés sur le marché.

Céline Saint Olive Baque, dirigeante de Noraker, fondée en 2005 et spécialisée dans les biomatériaux synthétiques pour la substitution osseuse, a eu le temps de voir venir ce changement dans la réglementation. En 2017, lorsque le MDR est publié, son entrée en vigueur est retardée par le Covid. Aujourd’hui, elle confirme que ces nouvelles normes ont permis à Noraker d’être reconnue sur des indications thérapeutiques plus précises et complexes : "Le MDR exige une preuve clinique pour chaque revendication thérapeutique et nous avons pu apporter la preuve, à nos clients et partenaires, de la validité de nos produits." De son côté, Lattice Medical développe une bio-prothèse résorbable qui favorise la reconstruction mammaire après une mastectomie. Née en 2017, la start-up a dû dès le départ traiter avec cette nouvelle réglementation. Julien Payen, son co-fondateur souligne l’importance d’intégrer la dimension réglementaire dès les premières étapes du développement : "c’est une ressource clef. Bien qu’elle génère des contraintes de coûts, elle permet des résultats cliniques solides qui facilitent la commercialisation par la suite."

"On ne peut pas faire de dispositifs médicaux sans une réglementation forte. Il en va de la sécurité des patients et elle peut être structurante pour les entreprises"

La certification comme moteur de l’innovation

Au-delà de l’aspect légal, le processus de certification peut ainsi devenir un levier stratégique pour les entreprises. Le marquage CE et le MDR apportent des arguments de poids auprès des usagers et des investisseurs. Pour Siham Vidard, présidente de SGS-ICS, organisme de certification leader sur le marché, "la clef, tant pour les start-up que pour les grands groupes, réside dans la capacité des dirigeants à anticiper ces contraintes réglementaires et à les transformer en business model." À ce titre, Julien Payen insiste sur la nécessité d’incorporer des expertises réglementaires et marketing afin d’identifier les axes vers lesquels s’orienter. Cette approche assure une adéquation entre le produit final et les besoins du marché. Laurence Comte-Arassus l’affirme : « La question de la réglementation est structurante. »

Former les experts de demain

Les dirigeants sont aujourd’hui poussés à intégrer plus de paramètres en amont que par le passé. La rigueur des réglementations les a amenés à une montée en gamme du niveau d’expertise de chacun. Mais elle a aussi mis en évidence un déficit de ressources, notamment au sein des agences gouvernementales et européennes, alors que le nombre de start-up dans le secteur de la santé ne cesse de croître.

Céline Saint Olive Baque et Julien Payen témoignent tous deux des difficultés à recruter des profils experts en réglementaire. Laurence Comte-Arassus déplore, quant à elle, que trop peu de personnes soient formées au sein des entreprises pour anticiper les évolutions de la réglementation. Du côté du certificateur, Siham Vidard voit cette pénurie de talents comme un impératif d’ouverture à plus d’innovation : "il faut rendre les métiers plus attractifs pour attirer les talents et ne pas les enfermer dans une expertise unique."

"La clef réside dans la capacité des dirigeants à anticiper ces contraintes réglementaires et à les transformer en business model"

Made in Europe

Poussant plus loin la démonstration, Siham Vidard présente l’enjeu autour du MDR. Celui de rassembler le marché européen autour d’un même contrôle qualité afin de créer les conditions d’une "intelligence collective créatrice de valeur". Elle est rejointe par la présidente du Snitem qui met en avant la nécessité de favoriser un made in Europe pour défendre l’innovation sur le Vieux Continent.

Il est des cas où l’Europe offre une entrée plus rapide sur les marchés internationaux. Dans le cas de Noraker, le MDR a notamment facilité l’exportation de ses produits vers des marchés en dehors des États-Unis et de l’Europe. À l’image du MDSAP (Medical Device Single Audit Program), qui facilite l’accès à des marchés comme l’Australie, le Japon et le Brésil.

Une vision de l’international encore trop américano-centrée

La perception couramment admise veut que les États-Unis représentent le segment privilégié pour le développement d’une entreprise à l’international. Julien Payen nuance son propos en prévenant des risques associés : "il peut être plus difficile de vendre sur le marché américain, en raison de différences culturelles marquées." En outre, les invités font savoir que la certification FDA a parfois des exigences pré-cliniques plus lourdes qu’en Europe. Siham Vidard conseille aux entreprises qui ciblent les marchés étrangers de se saisir du ressort de la certification qui permet de s’adresser à des interlocuteurs plus diversifiés que les Américains uniquement et de s’ouvrir à d’autres zones géographiques moins protectionnistes et tout aussi attractives.

À l’issue de cette table ronde, les quatre intervenants ont ainsi mis en lumière les bénéfices d’une réglementation qui revêt un sens tant pour les entreprises que pour le reste de la société. Elle assure ainsi la fiabilité des dispositifs, en exigeant un niveau d’expertise, qui fait encore défaut en Europe, mais qui ouvre de nouvelles perspectives d’innovation et de valorisation. Autant de paramètres que les dirigeants doivent prendre en compte au plus tôt dans leurs projets. À quoi s’ajoute une maxime partagée par nos interlocuteurs et qui leur tient à cœur pour favoriser une dynamique propice à l’innovation et la transformation du secteur de la santé : "Soyons fiers de l’environnement dans lequel on travaille."

Sasha Alliel

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