Marc Menasé fait partie des premiers entrepreneurs à avoir professionnalisé le métier de business angel. Le fondateur et CEO de Founders Future fédère particuliers, familles et institutionnels pour aider les start-up à se financer mais aussi à se structurer.

Décideurs. Comment êtes-vous passé d’entrepreneur de la tech à investisseur ?

Marc Menasé. J’ai commencé ma carrière chez Kelkoo, entreprise qui a inventé le comparateur de prix et a été revendue à Yahoo ! pour 475 millions d’euros en 2004. À l’époque, l’écosystème start-up était naissant en Europe et le marché souffrait encore de la crise de 2001. Les personnes qui bénéficiaient d’un savoir-faire opérationnel et d’un réseau étaient encore peu nombreuses. Après la cession de Kelkoo, j’ai cofondé l’entreprise technologique Nextedia et, très vite, j’ai été consulté par des amis, proches et moins proches, qui souhaitaient créer leur entreprise dans la tech. L’idée d’apporter aux entrepreneurs mon expérience en même temps qu’un apport financier, a commencé à émerger. C’est la quintessence du business angel : l’argent n’est pas une fin en soi. Il faut aider les entrepreneurs à créer la colonne vertébrale de leur business.

Quelles sont les particularités de Founders Future ?

Il y a un peu plus de cinq ans, nous étions parmi les premiers à rassembler des entrepreneurs à succès et des familles pour financer l’amorçage de start-up. Aujourd’hui, Founders Future a bien grandi : avec 300 millions d’euros sous gestion qui viennent pour moitié d’investisseurs institutionnels, nous sommes devenus l’un des fonds les plus importants de France et d’Europe sur ce segment.

Comment accompagnez-vous les entreprises ?

Le coeur de notre accompagnement réside dans une combinaison entre capital humain et financier. Nos "tickets" oscillent entre 750 000 euros et 1,5 million, soit des sommes importantes par rapport à celles investies par des business angels classiques. Ce qui fait toute la différence ? Nous accompagnons les entreprises dans leur structuration sur les plans juridique, financier, recrutement, organisation, etc. Nous employons 14 personnes à temps complet. Par ailleurs, nous sommes suffisamment structurés pour investir dans l’amorçage qui peut être très risqué tout en offrant le meilleur rendement financier possible. Nous sommes diversifiés, nous connaissons bien les secteurs sur lesquels nous misons et nous gérons la liquidité. Quand on est seul à investir dans une entreprise, on manque généralement de temps pour parfaitement optimiser son investissement. C’est un marché qui devient de plus en plus mature mais sur lequel il peut être dangereux de s’aventurer.

"L’amorçage est un marché de plus en plus mature mais sur lequel il peut être dangereux de s’aventurer"

Comment sélectionnez-vous les entreprises dans lesquelles vous investissez ?

Notre métier, c’est avant tout de miser sur une équipe. Nous préférerons toujours une excellente équipe avec un business moyen que l’inverse. Nous veillons à ce qu’un dialogue de qualité soit en place, dans le respect et l’écoute afin de créer les conditions d’un alignement des intérêts. Certains business angels, qui n’ont plus d’activité professionnelle, peuvent parfois étouffer le fondateur et l’empêcher de mener à bien ses projets. Notre mission consiste à instaurer un climat de confiance et de transparence afin de pouvoir partager nos convictions et de faire valoir nos intérêts. C’est un fait : une entreprise qui bénéficie du soutien d’un fonds professionnel à son capital a en moyenne six fois moins de risque de défaut qu’une entreprise accompagnée uniquement par des business angels particuliers… Mais nous ne prendrons jamais le stylo à la place des fondateurs !

L’écosystème start-up français est-il solide ?

Notre pays a beaucoup d’atouts pour faciliter l’entrepreneuriat : les salariés qui veulent se lancer sont soutenus par les pouvoirs publics, le marché compte 65 millions de consommateurs, nous avons des parcours pédagogiques d’excellence, des business angels... Nos défauts ? Le coût du travail et la lourdeur administrative bien qu’il y ait un mouvement de simplification. Bpifrance a permis de soutenir de manière exceptionnelle l’écosystème lorsqu’il était naissant. Je pense maintenant que l’argent devrait être davantage fléché vers les grandes transitions et l’investissement de long terme, comme le climat. À un moment donné, les entreprises n’ont plus besoin d’être sous perfusion car le contexte leur permet d’être financées autrement que par l’argent public. Celui-ci doit servir à faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs.

Sur quels secteurs misez-vous ?

Beaucoup de choses ont été faites dans certains secteur comme celui de la Fintech. Nous restons en veille sur le sujet mais il ne sera pas le marché le plus dynamique dans les années à venir. Autre secteur intéressant mais difficile, car très gourmand en investissements, ce sont les nouvelles formes d’industrie. Il y a aussi l’intelligence artificielle bien sûr, et son application aux différents secteurs, comme la recherche financière, la photo, la traduction, le service client. Enfin, le climat s’avère une thématique sur laquelle les Européens peuvent faire mieux que les Américains ! Les réglementations poussent à innover sur le sujet de la transition énergétique. Cela crée des vocations entrepreneuriales.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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