L’équipe fiscale de Mayer Brown, qui accompagne une clientèle majoritairement composée de fonds d’investissement et de grands groupes industriels, revient sur les dossiers qui les ont occupés en 2021 et sur l’actualité de la fiscalité des entreprises qu’ils conseillent.

 

DÉCIDEURS. Quels dossiers marquants avez-vous traité ces derniers mois ?

Benjamin Homo. Le rapprochement, en novembre 2021, des grands courtiers français Siaci Saint-Honoré et Burrus Courtage était une opération complexe qui a donné naissance à un groupe international comprenant plus de 150 sociétés. Le groupe Siaci était détenu par son management et par le fonds d’investissement Charterhouse qui souhaitait quitter le capital. Siaci Saint-Honoré a ainsi été acheté par le groupe Burrus, accompagné d’un consortium de cinq fonds d’investissement. Nous avons réalisé la structuration de la transaction pour tous les acteurs : le management français, le groupe Burrus et les nouveaux fonds d’investissement.

Laurent Borey. Ajoutons que notre cabinet est intervenu aux côtés du fonds CVC sur la structuration de son entrée dans le capital de la société commerciale créée par la Ligue de Football Professionnel pour l’exploitation des droits audiovisuels des championnats français de Ligue 1 et Ligue 2. Cette transaction est une des opérations phares de l’année 2022 tant par sa valeur, sa forte exposition médiatique et sa nouveauté, avec l’application d’un nouveau cadre législatif adopté à cette fin. Comme tous les ans, nous avons également accompagné le groupe Altice dans ses nombreuses opérations de refi nancement et de M&A notamment dans ses partenariats sur les infrastructures télécoms (fibre et tours) imposant des investissements massifs et très structurants pour les groupes de télécoms. Les solutions mises en oeuvre dans ce domaine dans lequel le groupe Altice a été précurseur ont été depuis dupliquées par d’autres groupes télécoms en France et à l’étranger.

Olivier Parawan. L’acquisition par Charterhouse d’une participation minoritaire dans un groupe d’enseignement supérieur nous a aussi beaucoup occupés. La complexité résidait dans le fait que l’un des actionnaires majoritaires bénéficiait d’un pacte Dutreil portant sur des montants significatifs. Ainsi, il n’était pas possible de toucher au capital et les instruments à notre disposition étaient limités. L’opération était en conséquence particulièrement complexe.

"Ces trois dernières années, sur les dossiers sur lesquels nous avons été amenés à travailler, nous avons réussi à toujours éviter le contentieux"

Christopher Lalloz. Côté contentieux, le sujet du moment est la remise en cause quasi-systématique par l’administration fiscale de la déductibilité des charges financières attachées aux emprunts contractés par les holdings d’acquisition dans les LBO. Ces trois dernières années, nous avons été amenés à travailler sur une dizaine de dossiers de ce type, soit pour aboutir à l’abandon du redressement soit pour conclure une transaction, mais en réussissant toujours à éviter le contentieux, long et aléatoire.

Quelles sont les grandes tendances fi scales que vous identifi ez en 2022 ?

L. B. La remise en cause de la déductibilité des intérêts par l’administration dans le cadre d’opérations de LBO est un sujet, même si l’impact sur le rendement de la transaction est tolérable. Très actifs sur ce type de dossier, nous apportons une grande attention à la sécurisation de cette déductibilité. Dans le cas de l’intervention de la direction générale des finances publiques sur ces sujets, il est d’ailleurs essentiel d’être bien entouré. Prendre le risque de se défendre seul, à l’aide d’un conseil local, ou simplement d’un expert-comptable, c’est souvent faire face à des issues moins favorables.

"L’évolution de la jurisprudence sur les managements packages reste un gros sujet d’actualité"

B. H. L’évolution de la jurisprudence sur les managements packages reste par ailleurs un gros sujet d’actualité depuis les décisions du Conseil d’État de l’été 2021. La position de l’administration fiscale a été confortée par l’assimilation des gains résultant des managements packages à des éléments de salaire dans ces décisions, et tous les réflexes construits ces dernières années doivent être revus. Nous repartons tous d’une feuille blanche, nous allons devoir prendre en compte les avertissements du Conseil d’État pour structurer différemment les nouveaux managements packages. Nous devons aussi nous apprêter à défendre les anciens. Nous constatons aussi un durcissement des financements par rapport à l’intense activité de 2021. Avec toutes les incertitudes prévues en 2022, nous prévoyons un ralentissement au deuxième semestre. Si les banques ont moins d’appétit pour les grosses transactions, cela peut néanmoins repartir en septembre. L’augmentation des taux ne freinera pas outre mesure les opérations, en revanche la chute des valeurs des grands groupes et l’ampleur des incertitudes économiques est plus problématique.

C. L. Nous constatons également une évolution des pratiques de l’administration fiscale et, par voie de conséquence, de celles des conseils car certains dossiers fiscaux d’ampleur vont plus vite, et plus souvent, au pénal. Nous avons l’exemple d’un dossier récent de réorganisation intragroupe pour lequel l’opération a été appréhendée comme un abus de droit par les autorités. Cette décision impliquait des pénalités et une présentation automatique au parquet engageant des enjeux réputationnels. Afin d’éviter d’aller au pénal, et le risque réputationnel en résultant, les clients ont préféré dans ce dossier conclure une transaction rapide avec l’administration, qui impliquait le maintien d’une partie significative du redressement, nonobstant l’existence d’un contre-argumentaire technique fort.

La fiscalité des cryptoactifs est en pleine construction, quels sont ses enjeux ? Comment envisagez-vous leur arrivée sur le marché ?

Nicolas Danan. Nous n’avons pas encore été confrontés à ce type de dossier. Certains fonds investissent dans ce domaine mais les transactions ne se font pas encore massivement en cryptomonnaie. Ce sont des développements à horizon plutôt lointain notamment car le cadre fiscal n’est pas harmonisé en plus de ne pas être clair. Il y a par exemple des questionnements sur le minage des cryptoactifs et le moment où ils peuvent être comptabilisés comme des revenus. Nous n’avons pas encore vu beaucoup de contrôles dans ce domaine.

Quels sont vos projets de développement pour la rentrée ?

Élodie Deschamps. Nous visons une forte croissance de l’équipe et nous souhaiterions nous étendre sur le marché du M&A. Santoni & Associés, spécialiste du restructuring, et Mayer Brown ont conclu une alliance récemment afin de compléter notre offre en LBO avec l’expertise de spécialistes. Et puis, plus largement, l’objectif est de faire toujours mieux que l’année précédente.

C. L. Nous avons récemment été sollicités par un grand groupe industriel européen dans le cadre d’un nouveau redressement fiscal de plusieurs dizaines de millions d’euros. Le redressement est mené par une autorité administrative étrangère (non européenne) et ne soulève d’ailleurs aucune problématique fiscale française. Notre expertise en fiscalité internationale est ici recherchée, le redressement portant sur la problématique d’ "établissement stable". La gestion et la négociation de ce type de contentieux fiscaux internationaux sont aujourd’hui un axe de développement fort de notre cabinet, qui peut compter sur la profondeur du réseau international Mayer Brown et la technicité des équipes le composant.

 

De gauche à droite sur la photo : Benjamin Homo, Laurent Borey, Christopher Lalloz, Élodie Deschamps, Nicolas Danan, Olivier Parawan

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