Campagne européenne, dissolution surprise, alliances stratégiques, situation économique et internationale tendue, début de course à la présidentielle… L’année qui s’achève a été riche en actualité et en petites phrases. Si certaines font sourire, d’autres sont cyniques voire dangereuses pour la démocratie. Florilège.

Rachida Dati et sa recette de kebab

En politique, le chien est une arme de séduction massive. Ce n’est donc pas un hasard si, moins d’un mois après sa nomination à Matignon, Gabriel Attal a adopté un chow-chow. Baptisé Volta, il a très vite été mis en avant sur les réseaux sociaux. En mars, le jeune premier ministre doit trouver des économies et souhaite tailler dans le budget du ministère de la Culture. De quoi susciter l’ire de Rachida Dati. Selon Le Monde, elle aurait envoyé des SMS fleuris à Gabriel Attal, dont celui-ci: "Je vais transformer ton chien en kebab." Les deux responsables ont par la suite négocié un accord et Rachida Dati a invité Volta à un apéro canin qu’elle a pris l’habitude d’organiser tous les deux mois dans la mairie du 7e arrondissement de Paris.

Jean-Luc Mélenchon, nouvelle plume de Rivarol

Un article n’est pas suffisant pour recenser tous les appels du pied de LFI à l’électorat antisémite. Si les Insoumis multiplient les sorties nauséabondes, c’est parce que le Patron lui-même donne le ton. Dans une tribune publiée dans L’Insoumission le 29 avril, Jean-Luc Mélenchon règle ses comptes avec le député PS Jérôme Guedj, un ami de trente ans. Celui-ci prône la social-démocratie et est en désaccord avec la stratégie de LFI, notamment sur la situation à Gaza. Pour le chef des Insoumis, cela s’explique par son origine séfarade qui le pousse à des "contorsions" et des "couinements". "L’intéressant est de le voir s’agiter autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions." Bien entendu, l’auteur est trop subtil pour utiliser le terme juif. Mais tout le monde a compris que la fameuse "adhésion" n’est pas celle au parti à la rose. Un écrit digne de Vichy et de l’extrême droite antisémite. Ou le retour du fameux juif avant d’être français cher à Charles Maurras.

Bruno Le Maire donne le bâton pour se faire battre

Fin mai, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie depuis 2017, est dans la tourmente : Standard&Poor’s dégrade la note de la France, le déficit et la dette explosent. Interviewé par BFM TV le 1er juin, l’ancien LR reste droit dans ses bottes. La situation est mauvaise ? "C’est parce que j’ai sauvé l’économie française", assène-t-il. L’argument est en partie recevable, beaucoup d’argent public ayant été dépensé pour faire face à la crise sanitaire et aux conséquences de la guerre en Ukraine. Mais la phrase alimente le procès en suffisance, en arrogance et en déconnexion du macronisme.

Emmanuel Macron, le grenadier

Le 9 juin, à la surprise générale, Emmanuel Macron décide de dissoudre l’Assemblée nationale. Presque personne n’était dans le secret de Jupiter et, dans la classe politique, la panique est de mise. La situation semble amuser le président de la République : "Je leur ai balancé ma grenade dans les jambes. Maintenant, on va voir comment ils s’en sortent", jubile le chef de l’État auprès d’un grand patron le lendemain. Les propos rapportés par Le Monde sont niés par l’Élysée. Mais le quotidien de référence confirme leur véracité. Quelques semaines plus tard, le lanceur de grenade a perdu des dizaines de députés, est contraint à une "collabitation" inédite, lâché par une partie de son camp et atteint des sommets d’impopularité. Visiblement, il est touché par quelques éclats de la grenade qu’il a lui-même lancée…

Éric Ciotti franchit le Rubicon

Coup de tonnerre. Le 11 juin, au 13h de TF1, le président de LR Éric Ciotti affirme qu’il faut "nouer une forme d’alliance avec le RN". Cette décision prise de façon unilatérale est une rupture dans l’histoire de la droite française qui a toujours respecté la logique du cordon sanitaire. Le Niçois affirme que "des dizaines de parlementaires" sont prêts à le suivre ? En réalité, il se retrouve isolé, suivi par une députée seulement. Mis à l’écart du parti, il est contraint au départ. Il parviendra néanmoins à un accord avec le RN, lui permettant de faire élire 16 députés RN-LR. En septembre, il se met officiellement à son compte en lançant son propre mouvement, l’Union des droites pour la République (UDR), inféodé au RN.

Ce quidam de Léon Blum

Le 15 juin, en pleine incertitude politique, les Insoumis espèrent toujours faire leur entrée au gouvernement et placer un de leurs responsables à Matignon. Dans une interview accordée à 20 Minutes, Jean-Luc Mélenchon estime même que les jeunes responsables de son mouvement sont meilleurs qu’un certain Léon Blum, fondateur du Front populaire : "Quand Léon Blum devient chef du gouvernement en 1936, il n’est pas au niveau de Manuel Bompard, ni de Mathilde Panot ou de Clémence Guetté, il était critique d’art et dirigeant marxiste du parti socialiste." Les alliés socialistes apprécieront. Pour le reste, comme le chantait Serge Gainsbourg : "No comment".

Michel Barnier se paie Gabriel Attal

1er octobre, Michel Barnier prononce son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Après une heure et demie vient le temps des questions posées par les chefs de chaque groupe parlementaire. Pour le camp macroniste, c’est Gabriel Attal qui s’y colle. Celui-ci se fait le chantre des économies budgétaires et formule quelques propositions. Réponse de son successeur ? "Je serai très attentif à vos propositions d’économies supplémentaires". Puis après quelques secondes : " … pour faire face à un déficit que j’ai trouvé en arrivant." Le visage du trentenaire d’abord souriant vire au cramoisi. Pour une petite phrase, Michel Barnier a froissé une partie de sa majorité qui lui en tient rigueur.

Claude Malhuret, Monsieur punchlines

Les amateurs de langage sans filtre et de formulations imagées ont deux chouchous, Rachida Dati et Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, membre d’Horizons et président du groupe macroniste au Palais du Luxembourg. Le 2 octobre, à l’occasion du discours de politique générale de Michel Barnier, il se fend d’une prise de parole caustique et mordante sur les travers du Nouveau Front populaire. Presque chaque phrase mériterait sa place dans cet article. Mais, pour résumer sa pensée, l’ancien maire de Vichy clame : "Si vous avez compris le NFP, c’est qu’on vous l’a mal expliqué."

Olivier Faure et le facteur Hollande

Depuis son retour à l’Assemblée nationale, François Hollande se plaît à jouer le rôle de simple député de Corrèze. Mais en réalité, il voit plus loin et a un agenda politique à peine caché : mettre en minorité Olivier Faure, reprendre la main sur l’appareil et, pourquoi pas, se représenter à une élection présidentielle. Prudent comme un Sioux, madré, il multiplie les propos sibyllins sur ses ambitions (dans le jargon politique cela s’appelle les cartes postales). Cette méthode irrite le premier secrétaire qui ne manque pas de le faire savoir dans une interview parue le 21 octobre dans L’Opinion : son rival "n’a jamais cessé d’être candidat à la présidentielle. Il fait un livre tous les six mois. Ce ne sont plus des cartes postales, c’est le facteur en personne."

Le bon copain d’Éric Coquerel

Elias d’Imzalène a un mérite : il n’avance pas masqué. Ce militant islamiste à la longue barbe noire se démène depuis des années pour que la communauté musulmane vive le plus séparé possible des Français. L’homme dispose d’un sacré CV : fiché S, prêcheur dans la mosquée de Torcy fermée pour radicalisation, proche d’Alain Soral et de Dieudonné. Présent dans toutes les manifestations de soutien à la Palestine, il a notamment appelé à l’Intifada dans les rues de Paris en septembre. Depuis quelques mois, il est devenu l’égérie de LFI qui multiplie les courbettes publiques à son égard. La députée Ersilia Soudais est même venue le soutenir en garde à vue. L’acte isolé d’une députée isolée ? Pas vraiment puisque le 15 novembre sur RMC Éric Coquerel affirmait qu’Elias d’Imzalène était "plus respectable que Retailleau".

OSS 118, Rififi à Haïti

Engoncé dans une cohabitation qui ne dit pas son nom, Emmanuel Macron en profite pour soigner sa stature présidentielle et son aura internationale… à sa façon. Le 19 novembre il est à Rio de Janeiro pour assister au G20. Le président de la République est interpellé par un ressortissant haïtien dont le pays est en proie à l’instabilité politique et au narcotrafic. Pour lui, les Haïtiens sont "complètement cons. Franchement, ce sont les Haïtiens qui ont tué Haïti (…) le premier ministre était super, moi je l’ai défendu, ils l’ont viré (…) Moi je ne peux pas le remplacer, ils sont complètement cons." Langage de vérité pour les uns, mépris et paternalisme pour les autres : la saillie n’a laissé personne indifférent. Elle fait furieusement penser à une réplique dont OSS 117 a le secret.

Lucas Jakubowicz

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail