Camille et Damien Vever (Vever) : l'Art nouveau nouvelle génération

En 2021, Vever reprend vie. La maison de joaillerie qui avait baissé le rideau depuis 1982, rouvre un showroom au 9 rue de la Paix, en face de son ancienne boutique qui abrite désormais Fred. Tout est parti de Camille Vever, la représentante de la septième génération. À 16 ans, elle reçoit de sa grand-mère un bijou. "Lire mon nom de famille sur l’écrin, avec écrit à côté 'rue de la Paix', fut une révélation. Je me suis promis de relancer la maison." Après des études en finance et stratégie, elle se spécialise en fusions et acquisitions. Puis elle prend la direction d’une société de recherche clinique en difficultés dont elle redresse la barre. "C’est à ce moment-là que je me suis dit que je pouvais vraiment me lancer." Un an après, Camille Vever est rejointe par son frère triplé Damien.

De prix en prix

Le défi est de taille. D’autant plus que la marque a été déposée partout dans le monde par un fonds. Camille Vever arrive à remettre la main dessus. Sur quelle base s’appuyer pour rouvrir les portes de la boutique ? "Je voulais préserver l’ADN de la maison, un subtil mélange d’audace et d’innovation." Ce goût de l’inédit a surtout été insufflé par Henri Vever, l’homme de la troisième génération. Il a rédigé un ouvrage, La Bijouterie française au XIXe siècle, surnommé la "bible Vever". Ce créatif a fait de la maison l’un des symboles de l’Art nouveau, dont les thèmes centraux sont les 3F, pour la faune, la flore et les femmes. Il permet à l’entreprise de remporter cinq grands prix aux expositions universelles entre 1889 et 1925.

Le nouveau Vever a reçu en 2024 la palme d’or de la joaillerie française décernée par le Comité de France. "Elle récompense 200 ans d’histoire et consacre une nouvelle joaillerie fabriquée en France", souligne la présidente. Dès ses débuts, l’entreprise fait le pari de proposer une marque écoresponsable. L’or utilisé pour les bijoux est recyclé, les diamants sont issus de laboratoires ou sont de seconde main, les écrins sont fabriqués à partir de matériaux recyclés. Vever est la première entreprise à mission dans la joaillerie. "Comme nous repartions d’une page blanche, nous pouvions faire d’entrée les bons choix, voire des choix osés", explique Damien Vever, directeur général délégué.

Première présidente

Les nouveaux fondateurs travaillent avec la directrice artistique Sandrine Delage, une ancienne de chez Cartier. Ils ne s’interdisent pas de faire appel à d’autres artistes. "En cassant les codes et les frontières entre les différents arts, on s’inscrit dans la philosophie de la maison qui n’hésite pas à sortir des sentiers battus afin de nourrir sa créativité", note la dirigeante, première femme à la tête de la maison, pour qui le sujet de l’égalité entre les genres est un cheval de bataille.

"Nous sommes une start-up riche de 200 ans d’histoire"

Camille Vever résume : "Nous sommes une start-up riche de 200 ans d’histoire. Nos défis sont ceux d’une jeune entreprise : des moyens limités, des géants face à nous. Pourtant, nous connaissons une forte croissance et sommes déjà présents dans une dizaine de pays et de points de vente." Si le frère et la soeur ont compté sur leurs fonds propres et de la "love money" pour remonter Vever, ils ont depuis ouvert leur capital à des investisseurs en 2021. Ils peuvent ainsi s’appuyer sur les bons conseils de leur partenaire Pauline Duval qui connaît bien les entreprises familiales pour avoir pris la relève au sein du Groupe Duval. 

Famille investie

Camille et Damien Vever peuvent compter sur le soutien de leurs parents qui ont vu disparaître la maison. Leur mère n’a pas hésité à mettre la main à la pâte avant un grand événement pour redonner un coup de frais aux plantes du balcon du showroom, et une de leurs nièces est venue en stage. Quant à leur père, il n’est pas peu fier de ce renouveau. Difficile de faire plus familial !

Olivia Vignaud