Pauline Boucon Duval (Groupe Duval) : "L’idéal ? Que les générations se complètent"

Décideurs. Comment votre histoire au sein de l’entreprise s’articule-t-elle avec celle du groupe Duval ?

Pauline Boucon Duval. Mon père a créé le groupe en 1994. À l’origine, le cœur du métier était la promotion immobilière. Parallèlement, à travers une autre entreprise, il investissait dans l’immobilier. En 2000, il rachète Odalys, aujourd’hui numéro 2 européen des résidences de tourisme en Europe. Neuf années plus tard, il prend le contrôle de l’exploitant de golfs UGolf. J’ai mis un pied dans l’entreprise en devenant administratrice. Je suis arrivée officiellement en 2012. J’ai fusionné les deux entreprises, car disposer de deux structures n’offrait pas une bonne visibilité. Depuis, nous nous sommes aussi développés en Afrique et nous exerçons dans de nouveaux métiers, tels que la microfinance et l’assurance.

Pourquoi marcher sur plusieurs jambes ?

Mon grand-père a fait faillite dans le bâtiment. Mon père savait donc qu’il fallait intégrer toute la chaîne de valeur des métiers de l’immobilier. Nous sommes concepteurs, promoteurs, investisseurs. Nous gérons notre propre patrimoine et sommes opérateurs exploitants, par exemple avec les résidences seniors. Avoir plusieurs activités est aussi une question d’envie. Dans la famille, nous avons cette envie de faire et développer plusieurs métiers.

Selon vous, qu’est-ce qu’une entreprise familiale a de plus que les autres ?

Je suis fan du modèle familial, pour plusieurs raisons. Les processus de décision passent par des circuits courts. Nous sommes indépendants. Nous disposons d’un actionnariat stable qui permet de proposer une vision de long terme. Nous avons aussi des valeurs humaines fortes, ce qui attire des personnes avec les mêmes valeurs. Je dirais aussi que nous sommes proches du terrain. Enfin, une entreprise familiale est structurellement profilée pour avoir un impact social et environnemental positif. Pour nous, il est très important d’avoir une performance financière et extra-financière.

"Une entreprise familiale est structurellement profilée pour avoir un impact social et environnemental positif"

Avez-vous toujours voulu rejoindre le groupe familial ?

Non. Avant que je rejoigne le groupe, ce n’était pas une entreprise familiale. C’était l’entreprise de mon père. De facto, je n’avais pas ce projet en tête. J’avais envie de vivre encore un peu à New York où j’avais fait mes études. J’avais envie d’être indépendante. À la fin de mes études, mon père m’a demandé de le rejoindre et de l’aider à développer le groupe. Nous sommes désormais trois membres de la famille au Comex, aux côtés de trois personnes de l’entreprise en qui nous avons entièrement confiance. Ce qui nous permet d’être entourés de gens meilleurs que nous, qui, parfois, peuvent nous départager. Pour ma part, je travaille davantage sur le patrimoine immobilier, les golfs ou les sujets transverses comme la RSE et les RH en tant que directrice générale. Quant à mon frère, qui a rejoint le groupe il y a deux ans, il œuvre sur la promotion immobilière ou encore l’Afrique en tant que DG adjoint.

Comment définiriez-vous le rôle de votre père ?

C’est un développeur. Mais il est à l’écoute. Ce qui est assez rare pour un fondateur. Il nous a transmis son ADN d’entrepreneur, cette curiosité et cette ouverture au monde qui permet d’avancer et d’être résilient, même en temps de crise. Dans une transmission, il y a celui qui transmet, celui qui reçoit et l’objet de la transmission. Celui qui transmet doit faire preuve d’une certaine humilité. Je pense que, pour mon père, son plus beau succès ce n’est pas la taille du groupe, c’est de travailler avec ses deux enfants et de passer du temps ensemble. Pour celui qui reçoit, c’est une responsabilité. Comme pour n’importe quelle personne qui exerce des responsabilités, il faut travailler dur, savoir oser, innover tout en gardant l’ADN de ce que l’on a reçu. Il convient aussi de l’adapter aux enjeux de l’époque comme en portant une stratégie RSE ambitieuse. L’idéal ? Que les générations se complètent.

"Il faut savoir innover tout en gardant l'ADN de ce que l'on a reçu"

Comment innovez-vous au sein du groupe ?

Un exemple parmi d’autres : en 2014, j’ai rencontré Cyril Chiche, le fondateur de Lydia. J’ai dit à mon père que ce serait bien d’y investir et de se lancer dans le capital-investissement. Il m’a laissé la liberté de le faire et, depuis, j’ai investi dans 40 start-up, sans privilégier un secteur. Avant de rejoindre le groupe Duval, j’ai travaillé dans le private equity. C’était très enrichissant de passer d’un métier à un autre, d’avoir cette gymnastique intellectuelle que nous maintenons par ailleurs dans notre entreprise puisque celle-ci regroupe plusieurs métiers. Les jeunes entreprises ont la même culture entrepreneuriale que nous. Il faut pouvoir s’adapter et se réinventer. Nous avons mutuellement des choses à nous apprendre.

Propos recueillis par Olivia Vignaud