Jérôme Barthélemy (Essec) "Fidéliser les équipes en renforçant leur employabilité"
Décideurs. Quels changements avez-vous constatés dans les fonctions de management ces deux dernières années ?
Jérôme Barthélemy. Le phénomène observé aujourd’hui, qui avait été théorisé il y a quelques années, est celui de la guerre des talents. Et la vraie problématique pour les DRH actuellement est de savoir comment attirer et fidéliser les talents. Dans une approche classique, quatre leviers peuvent être actionnés : la rémunération, les conditions de travail, le modèle de management et le sens. Mais il existe aussi un levier sur lequel il faut insister auprès des entreprises. Des études ont démontré que ce qui permet le plus de fidéliser les équipes, c’est de leur permettre de partir. Plus l’entreprise va accroître l’employabilité des collaborateurs, plus grande est la chance qu’ils restent et qu’ils soient impliqués. Et l’une des meilleures façons de donner de l’employabilité, c’est de former.
La formation est utilisée à des fins de rétention
N’est-ce pas un peu paradoxal ?
Complètement. Certains peuvent penser qu’ils vont investir pour perdre leurs collaborateurs après. Or, plus on investit dans la formation plus on retient les talents. De ce fait, des entreprises commencent aujourd’hui à mettre en place des formations diplômantes pour leurs salariés sur une durée de deux ans. Si le collaborateur quitte l’entreprise avant la fin de la formation, il ne sera ni certifié, ni diplômé. La formation est donc utilisée à des fins de rétention. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit qu’une personne bien formée lors de son expérience professionnelle, qui quitte son entreprise pour une nouvelle opportunité, sera toujours prescripteur de l’ancienne. Garder de bonnes relations en cas de départ est important.
Quelles sont les compétences que le manager doit avoir aujourd’hui ?
Ce que demandent aujourd’hui les entreprises à leurs collaborateurs c’est de savoir subtilement mélanger les hard skills et soft skills. D’après une enquête que nous avons menée à l’Essec, la ventilation serait autour 60 % pour les premières et 40 % pour les secondes. Manager demande d’apprendre et de maîtriser les techniques. Un bon manager doit permettre à ses collaborateurs d’être autonomes, il va leur donner du sens, et surtout, leur donner les moyens de progresser et de s’améliorer. Le paradoxe pourtant, c’est que la plupart des managers ne font pas ça.
Comment expliquer ce décalage entre ce qu’ils devraient faire et ce qu’ils font réellement ?
Les managers sont parfois tentés d’exercer un contrôle strict sur leurs collaborateurs, de garder les informations essentielles pour eux, et de sanctionner impitoyablement leurs erreurs. À leur décharge, c’est la peur de ne pas atteindre leurs objectifs qui les empêche de faire confiance à leurs équipes. Certains d’entre eux restent également persuadés que le micro-management est la technique la plus efficace dans le domaine du management. La seconde caractéristique du bon manageur consiste à reconnaître les contributions de ses collaborateurs. Ici le principal problème est l’ego des managers, qui peut les conduire à minimiser les autres, voire à s’attribuer leur réussite. Comme pour le lâcher prise, c’est souvent la peur de ne pas être suffisamment bien évalué par leur supérieur hiérarchique qui pousse les managers à se mettre en avant et à minimiser le rôle de leurs collaborateurs. En bref, la plupart des managers savent ce qu’ils devraient faire pour devenir de bons managers. Malheureusement, être un bon manager est tout sauf naturel.
Que va pouvoir alors délivrer la formation adéquate aux managers ?
La formation permet d’abord de pouvoir interroger le manager sur sa posture professionnelle, sa dynamique et ses performances. Une fois ces éléments actés, ses aptitudes de stratège et de leader sont stimulées. De nouvelles techniques de gestion seront au programme avec un renforcement, notamment des pratiques fonctionnelles du manager. Enfin, un point important est donné au pilotage de la conduite du changement, élément indispensable pour les entreprises aujourd’hui.