À la tête des usines EMEAI de Lubrizol, Isabelle Striga dirige une organisation comprenant 900 salariés dans le monde. Si elle ne souhaite pas mettre son genre en avant, s’engager dans les réseaux féminins ou instaurer des quotas, elle s’efforce au quotidien de faire en sorte que les femmes s’engagent et s’épanouissent.

Décideurs Magazine. La parité est loin d’être acquise à la tête de grands groupes, c’est encore moins le cas dans l’industrie. Comment l’expliquer ?

Isabelle Striga. L’industrie a une particularité : pour prendre la tête d’une entreprise, il faut souvent une expérience technique, ce qui suppose un diplôme d’ingénieur, de chimiste ou en tout cas un cursus à dominante scientifique. Or, dans les formations préparant à ces métiers, les femmes sont moins nombreuses que les hommes en sortie d’école à choisir l’industrie. Comme ce sont les compétences qui doivent primer, la proportion de femmes capables de diriger une usine ou une entreprise est plus faible que dans d’autres activités. J’ajoute que, dans la chimie, il y a souvent des activités 24h/24 avec des quarts du soir ou du matin, ce qui rebute de nombreuses candidates.

Malgré tout, Lubrizol France compte 30 % de femmes sur 700 collaborateurs, une proportion qui augmente lentement mais sûrement. Nous remporterons une victoire lorsque, sur un poste d’ingénieur, il y aura autant d’hommes que de femmes, mais c’est un travail à effectuer en amont qui ne dépend pas seulement du secteur privé.

Chez Lubrizol, menez-vous des stratégies RH destinées aux femmes ? Par exemple du mentoring, de la communication RH, des opérations dans les écoles ou des quotas ?

Je suis assez sceptique sur les quotas car une entreprise doit toujours recruter le meilleur CV. Mais nous essayons au quotidien de faire attention à des "petits détails" qui peuvent attirer les femmes. Par exemple, lors des visites de site organisées pour les étudiants ou dans les opérations de communication dans les écoles, nous essayons d’instaurer un maximum de parité chez les personnes en charge de ces actions. Ainsi, les étudiantes peuvent très tôt avoir des exemples à suivre et se dire "travailler comme ingénieur dans la chimie ? C’est possible". En somme, je dirais que la volonté de s’ouvrir aux femmes fait partie de la culture d’entreprise mais n’est pas institutionalisée.

Vous considérez-vous comme un role model ?

C’est très étrange car je ne me suis jamais vraiment posé la question. Je me vois comme une patronne comme les autres et non comme un role model. On me contacte souvent pour faire partie de cercles ou de réseaux féminins, je n’arrive pas à sauter le pas. Mais je n’exclus pas de le faire un jour.

"On me contacte souvent pour faire partie de cercles ou de réseaux féminins, je n'arrive pas à sauter le pas. Mais je n'exclus pas de le faire un jour"

En revanche, je sais ce que c’est que d’être une femme dans l’industrie chimique. Au quotidien, je m’efforce de lever les appréhensions de mes collaboratrices pour qu’elles ne s’autocensurent pas dans leur vie professionnelle, puissent évoluer sereinement, osent prendre la parole en public.

Dans votre parcours, avez-vous eu l’impression d’avoir été confrontée à un plafond de verre ?

Cela fait trente ans que je suis chez Lubrizol et je suis arrivée à une fonction de direction. Mais j’ai clairement été traitée différemment des hommes lorsque j’étais jeune diplômée.

À quoi pensez-vous ?

On me posait des questions comme "Qu’est-ce que tu fais là ?", "C’est une place pour une femme ?". J’ai subi une sorte de bizutage que mes homologues masculins n’avaient pas comme des défis physiques ou techniques. Du fait de ma voix, de ma posture, on ne me prenait pas au sérieux. Peu à peu, sur les sites de production ce type de clichés tend à se réduire. Si le fait d’avoir une femme à la tête du groupe a pu aider, je m’en félicite.

Propos recueillis par Lucas Jakubowicz

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