En France, LexisNexis est l’acteur leader des solutions d’information et d’analytics pour les professionnels du droit, en particulier les avocats. L’entreprise s’appuie sur l’expertise de ses éditeurs et auteurs, associée à des technologies comme le machine learning, le traitement du langage naturel (NLP) et la sémantique, pour concevoir des produits permettant de prendre des décisions éclairées et d’optimiser la sécurité juridique, la productivité et la performance. Sophie Coin-Deleau, directrice de l’activité avocats au sein du groupe, nous dévoile les secrets de la mutation du papier vers le digital.

Décideurs. Comment LexisNexis, un acteur majeur de l’édition juridique, ­a-t-il su transformer son modèle en passant du papier au digital ?

Sophie Coin-Deleau. Au fil du temps, LexisNexis a acquis une expertise dans le traitement et l’enrichissement de sources documentaires juridiques, de jurisprudence et de législation, et une autorité en matière de doctrine, dans tous les domaines du droit, constamment enrichie grâce à son réseau de près de 10 000 ­auteurs : les meilleurs universitaires mais aussi des praticiens d’excellence. La transition du papier vers Internet s’est opérée au lancement du site LexisNexis Jurisclasseur au début des années 2000. En 2012, nous avons lancé la première plateforme intégrant la recherche sémantique, Lexis 360®. Cette accélération digitale s’est accompagnée de la création de plusieurs milliers de contenus, plus opérationnels : des synthèses, des fiches pratiques et des modèles d’actes ont ainsi été mis en ligne. LexisNexis a toujours adapté son offre aux besoins de ses clients, tout en adoptant les dernières technologies.

Qu’est-ce qui vous distingue de vos concurrents, tant éditeurs juridiques que start-up du droit positionnés sur le segment de la création de documents et de la recherche juridique ?

D’abord, nous nous distinguons des autres acteurs tant par l’importance et la qualité de notre fonds documentaire, que par notre expertise éditoriale et en matière de traitement et d’enrichissement de la donnée juridique, déjà rapidement évoquées. Notre deuxième atout, c’est notre connaissance intime des métiers du droit. Nos équipes éditoriales sont composées de juristes spécialisés, et de praticiens. Je suis moi-même une ancienne avocate.

"Les avocats souhaitent produire plus vite et de façon totalement fiable"

Enfin, LexisNexis appartient au groupe international RELX, l’un des premiers à avoir investi dans les technologies de pointe en matière d’aide à la décision et d’analytics juridiques. D’un point de vue technologique, c’est un atout considérable pour nous.

Quelles sont les préoccupations des ­avocats aujourd’hui et pourquoi ?

En premier lieu, les avocats cherchent à gagner en productivité sans perdre en ­sécurité juridique. Ils ne veulent plus passer du temps à faire de longues recherches, ils doivent pouvoir trouver rapidement la réponse à leur problématique au sein d’un volume toujours croissant d’informations juridiques. De même, les avocats souhaitent produire plus vite et de façon totalement fiable. En matière de rédaction contractuelle, LexisNexis leur propose un outil de gestion d’activité et de rédaction d’actes qui intègre des modèles fiables et robotisés, Lexis ­PolyOffice®. Les avocats ont aussi le souci d’accéder à des outils d’aide à la décision leur permettant de définir la meilleure stratégie pour leurs clients. En ce sens, JurisData Analytics, intégré dans Lexis 360, permet dans le domaine du contentieux indemnitaire, d’évaluer très simplement le montant de l’indemnité que l’avocat peut demander pour son client. À partir de l’exploitation des données quantifiées de la jurisprudence, l’outil permet de restituer dans des graphes dynamiques une analyse statistique de l’ensemble des décisions pertinentes pour aider l’avocat à déterminer le montant le plus adapté au dossier particulier. Cet outil rencontre un véritable succès auprès de nos clients.

Travaillez-vous avec certains de vos utilisateurs à l’amélioration des produits qui leur sont destinés ou lors de la création de nouvelles solutions ?

Tout à fait. Nous avons toujours placé nos clients au centre de l’évolution des produits, à travers les clubs utilisateurs notamment. Cette tendance s’est encore renforcée ces dernières années avec l’adoption de méthodes agiles pour le développement des produits. Pour les améliorer et concevoir de nouvelles solutions, nous organisons régulièrement des rencontres avec nos clients. Nous les recevons au sein de notre Lab, qui accueille nos équipes R&D, et nous leur proposons des tests de prototypes. Nous allons aussi à la rencontre de nos clients, comme récemment à ­Bordeaux. C’est un travail main dans la main.

De quelle manière innovez-vous sur le marché des legaltechs (utilisation de l’IA, de la blockchain, etc.) ?

Nous sommes nous-mêmes une legaltech et au cœur de cet écosystème, à travers les partenariats que nous avons noués avec des legal start-up, comme c’est le cas avec LegalStart. Dans le cadre de notre programme R&D Lexis Intelligence, nous utilisons les technologies d’IA pour imaginer les solutions de demain. Dans la phase initiale, nous avons consulté plusieurs dizaines de clients pour déterminer les difficultés qu’ils rencontraient dans leur pratique quotidienne. Ce premier travail nous a permis de dégager plusieurs domaines pour lesquels il fallait innover en priorité car il y avait un vrai besoin. Les contrats, tout d’abord, pour faciliter les analyses et la rédaction. Les outils d’analytics jurisprudentiels sont également très attendus pour exploiter tout le potentiel des données de jurisprudence, notamment avec le prochain déploiement de l’open data juridique.

"Il ne faut pas voir les technologies comme une menace mais plutôt comme une opportunité d’affiner une stratégie, de gagner en productivité et en efficacité"

Dans le domaine du contrat, nous avons élaboré un prototype d’analyse de contrats avec IA, actuellement en bêta privée, sur la thématique du contrat de bail. Grâce à l’algorithme, l’outil procède à l’analyse du contrat, et alerte le professionnel du droit sur un certain nombre de points d’attention : clauses sensibles, à forte actualité, obsolètes, celles qui sont en double ou qui manquent… À long terme, nous travaillons à couvrir d’autres types de contrats. En parallèle, nous poursuivons le développement de l’analytics jurisprudentiel en cocréation avec nos clients, pour leur permettre de mieux appréhender les tendances jurisprudentielles et mieux décider, sans parler de justice prédictive, concept qui nous paraît à la fois illusoire et réducteur. Notre équipe R&D s’est dotée depuis deux ans de data scientists, nous modifions les profils des experts qui composent nos équipes pour exploiter au mieux les apports des nouvelles technologies.

Pensez-vous qu’un jour le robot remplacera l’avocat ?

Pour ma part, je n’y crois pas du tout ! Je pense que cela restera un fantasme. Dans certains domaines, les technologies sont déjà bien intégrées, à l’instar du domaine médical dans lequel le médecin peut s’appuyer sur des outils de pointe pour établir son diagnostic. Et pourtant, le médecin reste maître de la décision finale. Je pense que c’est pareil pour les avocats. Inévitablement, leurs tâches sont amenées à évoluer, certaines vont peut-être même disparaître mais sans changer le cœur de leur mission pour leurs clients. Il ne faut pas voir les technologies comme une menace mais plutôt comme une opportunité d’affiner une stratégie, de gagner en productivité et en efficacité. C’est notre conviction profonde et c’est pourquoi nous les utilisons au service du juriste décisionnaire.

Propos recueillis par Marine Calvo

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