CEO du spécialiste de la formation à l’anglais My English School qu’elle a racheté au moment de la crise du Covid, Déborah Guillotin est également business angel. L’entrepreneuse accorde une importance toute particulière aux valeurs véhiculées par les projets et leur impact.

Décideurs. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’entreprendre ?

Déborah Guillotin. J’ai toujours aimé "faire" dans les entreprises pour lesquelles je travaillais, qu’il s’agisse de grands groupes ou de start-up. Lors de la crise du Covid, j’ai eu la possibilité de racheter My English School où j’étais employée. À l’époque, la société perdait de l’argent mais elle avait du potentiel. Pour redresser la barre, j’ai changé toute la méthode notamment en réduisant les délais de paiement et en renégociant des contrats. En revanche, nous n’avons pas fait appel au chômage partiel.

Vous avez affirmé sur LinkedIn être "totalement d’accord" avec le fait d’être taxée à 70 % sur vos entreprises. Pourquoi cela ?

J’ai grandi dans une cité. J’ai perdu ma mère quand j’avais 9 ans et mon père ne m’a pas reconnue. J’ai été pupille de l’État, lequel m’a tout payé. Mon malheur a aussi été une chance. Seulement 2 % des gens qui naissent dans des familles pauvres arrivent à s’élever grâce à la méritocratie. Ma compagne est enceinte de jumeaux et j’ai demandé qu’on ne touche pas les 2 200 euros de prime de naissance car d’autres en ont plus besoin que nous. L’administration m’a répondu que ce n’était pas possible. Je pense que l’on devrait être soutenu et payer nos impôts à la hauteur de nos revenus et de nos besoins réels. Par ailleurs, je veux aussi tendre la main à ceux à qui on refuse de l’aide.

Est-ce pour cela que vous êtes devenue business angel ?

Oui. J’ai envie de bien mettre à profit mon peu de temps sur Terre en étant un employeur qui contribue à rendre heureux ses collaborateurs et leur permet de vivre décemment de leur travail car ce sont eux qui font tourner l’entreprise. Mais aussi en finançant des projets. À 34 ans, je dispose de 30 millions d’euros de patrimoine. Je n’ai pas besoin d’être multimillionnaire. Je respecte les grandes fortunes françaises car elles apportent beaucoup au pays. Je ne suis pas pour ce qui divise. Me concernant, je souhaite redistribuer ma richesse. Je finance des start-up capables de créer des business qui fonctionnent. Pas celles qui vont forcément devenir de très grandes sociétés. Avec ma compagne, nous avons créé un fonds. En France, lorsqu’on investit dans une start-up, qu’on y reste au moins deux ans, qu’on est au board et qu’on s’engage à vraiment accompagner les fondateurs, notre investissement est déductible des impôts et les plus-values ne sont pas taxées. Je réinvestis ensuite cet argent. Pas pour devenir de plus en plus riche mais pour nourrir ce cercle vertueux. Je suis pour un capitalisme communiste en quelque sorte !

"Je mise sur des fondateurs qui portent des projets capables d’aider les gens"

Quelles entreprises accompagnez-vous ?

Je mise sur des fondateurs avec qui un lien se crée et qui portent des projets capables d’aider les gens. Je veux partager mon état d’esprit avec ces entrepreneurs et qu’ils s’engagent, s’ils arrivent un jour à dégager de l’argent, à le réinvestir dans d’autres entreprises. N’ayant pas d’expertise dans le hardware, ce n’est pas mon secteur privilégié. En revanche, je dispose d’expérience dans le digital. J’ai investi dans Icon, qui permet à des personnes arrivant dans une ville de faire des rencontres, mais également dans la solution de financement Karmen, qui accompagne les petites start-up. Mon fonds a aussi des parts dans Life ! qui aide les personnes dont le budget est serré à trouver le bon centre funéraire en cas de décès d’un proche. J’ai également financé Lipitt qui effectue des traductions dans toutes les langues en temps réel avec la voix de la personne. C’est une entreprise qui participe à l’ouverture au monde.

Quelle est votre ambition ?

Je suis peut-être un peu utopiste mais je pense que si les petites entreprises, qui représentent la majeure partie du PIB français, mettaient leur intelligence collective au service des autres, on pourrait changer les choses rapidement. Par ailleurs, j’ai un projet en tête qui consisterait à racheter de beaux bâtiments dans les centres-villes pour héberger des SDF moyennant un euro symbolique par mois pendant un an afin de leur permettre de se réinsérer dans la société. Cela coûtera des millions mais je pense que j’y arriverai. En tout cas, j’agis à mon niveau, par étape, et je fais des choses qui vont dans la direction que je me suis donnée.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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