Robertet a su s’adapter aux goûts locaux pour se développer à l’international et devenir le numéro un mondial des matières premières naturelles à destination de la parfumerie, des arômes et des cosmétiques. L’entreprise familiale mise également sur la croissance externe afin de s’implanter plus rapidement à l’étranger.

Décideurs. Robertet a par essence un ADN l’international. Pourquoi ?

Jérôme Bruhat. Robertet a un profil assez atypique pour une ETI familiale de 720 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 82 % hors de France et 65 % hors d’Europe). C’est le fruit de la conjonction d’un ADN et d’une volonté familiale. Nous avons un métier qui intrinsèquement fait que nous achetons des matières premières dans le monde entier : des roses en Turquie ou en Bulgarie, du Santal en Inde, du tagète en Afrique du Sud, etc. Nous avons une curiosité internationale pour créer les meilleurs senteurs et arômes. Nous proposons plus de 1700 produits naturels issus de 70 pays différents que nous transformons dans notre usine à Grasse.

Et pour l’export ?

La famille Maubert, aux commandes depuis 1850, s’est très tôt dit qu’il y avait hors de France des clients intéressés par des matières premières naturelles sophistiquées, comme l’étaient les grandes maisons de parfums hexagonales. Petit à petit, Robertet a envoyé des salariés dans différents pays et noué des accords locaux. Depuis trente ans, le groupe localise des forces commerciales et créatives à l’étranger pour imaginer des compositions, non plus copiées sur ce qu’on faisait en Europe, mais pour s’adapter aux goûts locaux. Enfin, Robertet achète des acteurs locaux bien implantés afin de disposer d’une empreinte locale plus forte et de gagner du temps dans ses projets d’expansion.

Quels sont vos points d’attention à l’export ?

Nous nous assurons qu’il n’y ait pas d’écart de valeurs entre l’équipe à l’étranger et ce que Robertet veut construire. Ensuite, nous voulons bien comprendre les goûts régionaux. Après la phase de mondialisation que nous avons connue, de nombreux pays souhaitent retrouver leur identité culturelle à travers les goûts locaux. Le démarrage d’un business se fait à travers ses clients. Il ne faut pas arriver avec des solutions toutes faites. Robertet s’adapte mieux que d’autres aux situations de marché. Nous vivons l’export davantage comme un modèle de régionalisation que comme un modèle de globalisation. Nous faisons en sorte que les écosystèmes locaux soient le plus autonomes possible.

"Nous faisons en sorte que les écosystèmes locaux soient le plus autonomes possible"

Les clients n’achètent donc pas du "made in France" ?

Cela dépend. Dans certains cas, ils achètent du "made in France" dans le sens du savoir-faire raffiné. Mais certains clients en Chine exigent du "made in China" et de revisiter leur culture. A contrario, on peut nous demander au Vietnam un arôme pour une lessive qui fera penser aux grands parfums français.

Malgré le développement du synthétique, vous êtes resté spécialisé dans les produits naturels. Cela parle-t-il à tous les pays ?

Notre positionnement fait partie de notre moteur de croissance à l’international. Nos clients ont un besoin de produits bons pour la santé et une envie d’authenticité. Ensuite, tout est une question de timing. Ce qui est vrai pour un pays aujourd’hui ne le sera pas forcément demain. Depuis trente ans, la Chine s’appuie sur la massification pour faire accéder la classe moyenne à un certain niveau de vie. Les produits standardisés et synthétiques répondent à ces besoins. Aujourd’hui, émerge dans le pays une clientèle sophistiquée, mieux éduquée sur les produits, qui s’ouvre au naturel. Ce mouvement est aussi facilité par la culture du naturel très importante dans la médecine traditionnelle.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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