Le 3 octobre dernier, les partenaires sociaux français et européens et la direction de SUEZ ont signé à l’unanimité un accord collectif ambitieux relatif à la santé et la sécurité. Soizic Machado-Verheye, directrice HSE et risques industriels de SUEZ, nous présente les principaux engagements du groupe, qui a déjà réduit la fréquence des accidents du travail de 35 % entre 2019 et 2023.
Soizic Machado-Verheye (Groupe SUEZ) : “Toute personne, peu importe son niveau hiérarchique, est responsable de sa propre sécurité et de celle des autres“
Décideurs RH. Pourquoi est-ce que SUEZ a souhaité adopter un nouvel accord relatif à la santé et la sécurité ?
Soizic Machado-Verheye. La négociation d’un nouvel accord collectif européen, qui succède à celui de 2014, a démarré en novembre 2023. Nous partagions avec tous les acteurs la volonté de nous engager en faveur de l’amélioration continue de la santé physique et mentale de nos équipes, incluant aussi nos prestataires et intérimaires. Cette préoccupation du groupe est quotidienne et portée au plus haut niveau de la direction, du fait notamment de nombreuses activités qui peuvent présenter des risques d’accidents graves : travaux en hauteur, interventions dans des tranchées, déplacements sur la route, etc. Un groupe de travail a été mis en place au sein du Comité d’entreprise européen, afin d’assurer le succès de cet accord. Son rôle sera de veiller au respect du principe et des engagements qui ont été pris et de suivre l’évolution des performances du groupe concernant la santé et la sécurité.
Pouvez-vous détailler les mesures retenues pour assurer la sécurité de toutes et tous ?
L’accord vise à rendre les conditions de travail encore plus sûres, et insiste sur la formation pratique pour certaines opérations particulièrement à risque. Nous avons également intégré dans l’accord l’initiative Speak up and Stop, déployée depuis avril dernier, qui donne la responsabilité à chacun de prendre la parole et d’arrêter les situations dangereuses pour soi ou pour les autres, et ce quelles qu’en soient les répercussions financières. Nous estimons en effet que toute personne, peu importe son niveau hiérarchique, est responsable de sa propre sécurité et de celle des autres. En cela le rôle des managers est clé pour créer les conditions de cette liberté de parole. Nous menons donc des actions spécifiques pour les y aider.
Nous avons par ailleurs souhaité renforcer certains standards communs à l’ensemble du groupe. Par exemple, le standard relatif aux machines et outils à haut risque va être complété pour prendre en compte l’environnement dans lequel ces appareils sont utilisés. Afin que nos collaborateurs puissent avoir accès aux informations sécurité partout, même au plus près des sources de risques, des fiches de sécurité propres à chaque machine et facilement consultables vont être installées dans tous nos sites.
Deux nouveaux standards vont être également instaurés : l’un relatif au travail dans des conditions climatiques extrêmes, qui tiendra compte des taux d’humidité, des horaires de travail, des EPI utilisés, du stress thermique et de l’accès à l’eau potable ; l’autre concernant les expositions professionnelles aux bruits et aux vibrations.
Qu’en est-il des enjeux autour de la santé mentale des salariés ?
La santé mentale tient une place centrale dans notre politique de prévention, qu’il s’agisse du droit à la déconnexion, de la prévention des risques psychosociaux – RPS – ou des violences commises par des tiers, qui sont particulièrement fréquentes dans nos déchetteries par exemple. Nous allons, dans cette perspective, cartographier les menaces d’agressions et les besoins spécifiques en fonction des sites lors de visites qui seront réalisées d’ici à la fin du premier trimestre 2025.
Nos filiales européennes se sont engagées à inclure les RPS dans leur évaluation des risques. Nous souhaitons en effet aller plus loin que les exigences réglementaires. Nous sommes ainsi en train de déterminer les principales situations à risque, qu’il s’agisse d’un deuil, d’une maladie ou de difficultés professionnelles, et définissons les outils que les RH et les managers peuvent déployer dans ces situations.
Enfin, l’accord grave dans le marbre le principe de prohibition du harcèlement et prévoit la mise en place d’une procédure d’enquête interne, dans toutes les filiales européennes et dans les six mois à compter de son adoption. Elle permettra à toutes et tous de s’exprimer et d’identifier les éventuelles situations de harcèlement.
“Nous allons mettre un ‘violentomètre’ à disposition des personnes qui exprimeraient des difficultés”
Pourquoi avoir pris des engagements en faveur des victimes de violences conjugales ?
L’entreprise peut participer à libérer la parole sur ce sujet, et aider à protéger les collaborateurs et collaboratrices subissant des violences au sein de leur couple. C’est pourquoi nous avons souhaité prendre des engagements forts, qui sont inscrits dans l’accord. Nous allons ainsi former les équipes RH pour qu’elles soient en capacité d’écouter les personnes concernées, et de les orienter vers des services d’écoute – une ligne téléphonique permettant l’accès à un soutien psychologique a été mise en place sur tout notre périmètre européen – et des associations spécialisées.
Nous allons mettre un “violentomètre” à disposition des personnes qui exprimeraient des difficultés, afin qu’elles puissent comprendre si elles sont concernées par des faits de violence conjugale, en leur posant des questions simples relatives à leur quotidien. Chaque victime pourra demander une avance sur salaire, l’arrêt du télétravail à domicile ou son organisation dans un lieu tiers, ainsi qu’un changement du lieu de travail, après avoir justifié d’une décision de justice d’éloignement du conjoint.
Propos recueillis par Caroline de Senneville