L’entreprise sociale 4jours.work, qui propose un accompagnement payant des entreprises dans plusieurs pays pour passer à la semaine de 4 jours, lançait en 2024 le premier pilote national en France. Les résultats seront analysés par des universitaires dès cette année.

"La semaine de 4 jours, c’est comme le Bitcoin : tout le monde en parle, très peu en ont et savent comment en avoir." La comparaison est signée Philippe du Payrat, le cofondateur de 4jours.work qui a lancé en 2024 le premier pilote national de la semaine de 4 jours en France en partenariat avec l’EM Lyon Business School. Son objectif ? "Démocratiser cette organisation du travail en passant du débat d’opinion à des faits." Comment ? "Grâce à un accompagnement le plus complet sur le sujet : conseils RH et juridiques, ateliers de formation, mentors, cours en lignes, recherche académique, etc."

Or, de l’idée à sa réalisation, il y a un fossé difficile à franchir faute d’informations et de cadre sur le sujet même si 400 entreprises auraient sauté le pas dans l’Hexagone. C’est là qu’intervient l’entreprise sociale 4 jours.work en proposant une méthodologie aux sociétés quels que soient leur secteur et leur taille afin de tester la semaine de 32 heures réparties sur 4 jours, sans diminution de salaire pour leurs collaborateurs. "En faisant évoluer les entreprises vers la semaine de 4 jours, on libère du temps pour les gens, qui vont le réinvestir sur d’autres thématiques, ce qui permet de modifier la société pour le meilleur", assure Philippe du Payrat.

Objectiver

Mais le fondateur veut éviter l’écueil idéologique. "Nous sommes là pour objectiver ce sujet. Afin d’être pérenne, la semaine de 4 jours doit répondre aux impératifs économiques des entreprises." Il rappelle que la semaine ramenée à 5 jours est le fait de Henry Ford. Lancée dans ses usines en 1926, elle avait pour but d’améliorer la productivité des employés, de les inciter à rester et de leur donner du temps libre notamment pour les inciter à consommer. "À l’époque, beaucoup s’étaient montrés sceptiques, souligne Philippe du Payrat. Depuis, on n’a jamais réinterrogé la semaine de travail alors même que la société et les technologies ont évolué."

Connu pour son obsession de la productivité, Henry Ford a réduit le nombre de jours travaillés afin de répondre à des impératifs économiques et à un besoin de fidélisation des troupes. Or, en 2024, les entreprises font face aux mêmes défis, rappelle Philippe du Payrat. Aujourd’hui, les employeurs ont des difficultés de recrutement et de rétention des talents, notamment avec la génération Z, et ils doivent répondre aux inégalités hommes/femmes dans leurs murs.

À bas les clichés

4jours.work considère que c’est faire preuve de peu de foi dans l’humanité que de crier à la fainéantise lorsqu’on parle de diminuer le temps de travail. D’autant qu’il faut prendre en compte l’évolution de la société. "Avant, les hommes travaillaient 5 jours par semaine et les femmes s’occupaient gratuitement de la maison et des enfants. Actuellement, le plus souvent les deux travaillent. Les tâches non rémunérées sont devenues un sujet de tensions et on ne peut pas tout externaliser (temps avec les enfants, rôle d’aidants dans la famille, etc.)."

Quatre cents entreprises auraient sauté le pas dans l’Hexagone

Si les entreprises françaises demeurent frileuses, c’est notamment parce qu’elles n’ont pas toujours bien vécu le passage aux 35 heures. Pour Philippe du Payrat, il y a bien eu un traumatisme mais les chiffres montrent que les 35 heures font l’objet de nombreuses exceptions : "Aujourd’hui, selon les chiffres de l’Assemblée nationale, les personnes qui sont à temps plein travaillent en moyenne 38,9 heures par semaine."

Philippe Payrat ajoute qu’une grande partie des temps partiels est subie et que les femmes, à leur premier enfant, réduisent leur activité. "Souvent, elles voient leur salaire diminuer mais conservent en réalité les tâches qu’elles effectuaient jusque-là. Ce qui montre qu’on peut garder la même charge de travail et travailler moins." 4jours.work insiste sur les possibilités offertes par le développement de l’intelligence artificielle pour faciliter le passage de 5 à 4 jours. "Je lie la semaine de 4 jours et l’IA, postule Philippe du Payrat. Les dirigeants peuvent pousser leurs salariés à s’emparer des développements technologiques en leur montrant que les bénéfices qu’ils en tireront seront partagés."

Les pionniers

Le sujet de la semaine de 4 jours n’est pas nouveau. En 1993, Antoine Riboud, fondateur et ancien patron de Danone, estimait qu’"il faut passer à 32 heures sur 4 jours sans étape intermédiaire car cela obligera toutes les entreprises à créer des emplois." Ce n’est qu’en 2018, en Nouvelle-Zélande, que les premiers essais analysés ont lieu. Perpetual Guardian teste la semaine de 4 jours avec 240 de ses employés. Le dirigeant de cette société de gestion de patrimoine repense son organisation en se fondant sur une étude qui affirme que les humains ne sont réellement productifs que deux à trois heures par jour. Des universitaires ont évalué les évolutions obtenues au sein de sa société : une productivité en hausse de 20 %, une baisse du stress, des prises d’initiative supplémentaires ou encore une meilleure conciliation entre vie professionnelle et privée.

De son côté, 4jours.work revendique avoir accompagné plus de 350 entreprises dans 20 pays. Or, 91 % ont souhaité maintenir la semaine de 4 jours à l’issue de 6 mois d’expérimentation. Et pour cause, de nombreux risques ont diminué, comme les burn-out (-68 %) et l’absentéisme (-72 %). Au Royaume-Uni, 42 % de démissions en moins ont été enregistrées sur 6 mois. Et la productivité n’est pas revue à la baisse. En Allemagne, celle des sociétés testées a été maintenue dans un contexte de récession en 2023 et 2024.

Paradoxalement, "la productivité ne dépend pas du volume d’heures, insiste Philippe du Payrat. Le Mexique est le pays où l’on travaille le plus et ce n’est pas celui qui a le PIB par habitant le plus important. En mai et en novembre, les Français ont eu des semaines de 4 jours et cela n’a pas porté atteinte à l’économie." Et de préciser que lorsque l’esprit se repose, il revient au travail davantage productif.

Huit mois de programme

La méthode de 4jours.work se décompose en deux phases : 2 mois de préparation et 6 mois d’expérimentation. En amont de la mise en place de la semaine de 4 jours, les entreprises sont invitées à répondre à de nombreuses questions. Pourquoi veulent-elles franchir le cap, quels sont leurs impératifs économiques et humains, leurs attentes ? Elles doivent établir un tableau d’indicateurs qui permettra d’évaluer le succès ou non de l’opération. Ce qui conduit parfois à révéler des carences. Par exemple, difficile de juger l’évolution du niveau de contentement des clients si les sociétés n’évaluaient pas auparavant formellement leur satisfaction. Il est également important que les entreprises fassent évoluer leur manière de travailler.

Neuf pour cent des entreprises pilotes n’ont pas souhaité poursuivre le dispositif

"Mettre en place la semaine de 4 jours ne consiste pas seulement à modifier les agendas mais aussi ses façons de travailler pour que la nouvelle organisation fonctionne", poursuit Philippe du Payrat. Les temps de sociabilisation et de réunions doivent être évoqués, la place du télétravail ainsi que celle que prendra l’écrit pour faciliter le partage d’informations sont autant de sujets sur lesquels se pencher.

Échecs, les raisons

Pour quelles raisons 9 % des entreprises testées n’ont pas souhaité poursuivre le dispositif ? Trois réponses sont avancées : elles ont connu un changement managérial, la trop mauvaise santé des sociétés ne leur permettait pas d’absorber ce changement ou cela ne leur a pas convenu. Dans ce dernier cas, la situation s’expliquerait notamment par une mise en place de la semaine de 4 jours sans évolution des modes de travail. "La semaine de 4 jours n’est pas une recette miracle, prévient Philippe du Payrat. Si vous venez de monter votre entreprise ou que vous n’êtes pas loin de mettre la clé sous la porte, ce n’est pas une bonne idée de se lancer. La semaine de 4 jours fonctionne comme un révélateur chimique des points de blocage de l’entreprise, en révélant ce qui est fluide ou non."

Du côté des collaborateurs, les résultats sont clairs : 100 % des parents souhaitent rester à la semaine de 4 jours. D’ailleurs, ces derniers ne prennent pas forcément leur jour off le mercredi pour être avec leurs enfants mais à d’autres moments de manière à se dégager du temps pour eux ou effectuer les tâches comme les courses en dehors des horaires d’affluence.

Sociétés pilotes

Parmi les sociétés qui testent la méthode en France dans le cadre du partenariat avec l’EM Lyon : un cabinet de recrutement, un bureau d’études, une boulangerie, une agence de design, une association, une entreprise dans la formation, une usine, etc. Un mélange donc d’entreprises qui doivent fonctionner 6 jours sur 7, certaines emploient des cols blancs, d’autres des cols-bleus. Certaines assurent un service client en continu quand d’autres n’en ont pas besoin.

L’accompagnement est payant (à partir de 4 600 euros pour les entreprises de moins de 20 personnes). Les résultats sont étudiés par des universitaires qui mesurent la performance économique, la qualité de vie au travail, l’usage du temps libéré ainsi que l’impact environnemental. Par ailleurs, 4jours.work propose un questionnaire pour les entreprises qui songeraient à passer le cap. Les premiers résultats des tests pour celles qui se sont lancées sont attendus fin 2025.

Olivia Vignaud

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