Encore qualifiés de seniors, les plus de 50 ans allient pourtant expérience et forme physique et intellectuelle. Mais, toutes les entreprises ne l’ont pas assimilé, surtout concernant les femmes. Charlotte Montpezat, ancienne de chez Canal+, psychanalyste et coach, qui a consacré un livre au sujet - Les Flamboyantes, qui veut la peau des femmes de 50 ans et plus ? - revient sur cette discrimination d'un autre âge.

Décideurs. Dans votre livre, vous mettez en avant les discriminations que subissent les femmes en entreprise après 50 ans. Ne vous répond-on pas que les hommes sont dans la même situation ?  

Charlotte Montpezat. La première réaction des dirigeants consiste à dire que tout le monde est discriminé à partir de 50 ans. Or, les femmes le sont un petit peu plus car à l’âgisme vient s’ajouter le sexisme, souvent présent depuis le début de leur carrière. Ce qui fait que les femmes disparaissent petit à petit de l’organigramme. Deuxièmement, on s’attache davantage au vieillissement des femmes qu’à celui des hommes. À 50 ans, on imagine ces derniers au sommet de leur gloire et on ne le reproche pas de perdre leurs cheveux blancs ou de prendre du ventre. Alors que l’idée qu’à 50 ans une femme est vieille et périmée s’avère tenace.

Vous vous appuyez sur des chiffres afin d’étayer votre propos. Quels sont ceux qui vous ont le plus marqués ? 

MontpezatLes femmes ne commencent pas leur vie professionnelle dans les mêmes conditions que les hommes. Avant 26 ans, l’écart salarial est de 4,2 % et il bondit à 26,2 % après 50 ans. Cela veut dire qu’il y a une déperdition au cours de leur carrière, notamment à cause des parcours dits perlés, sources d’inégalités profondes. Les statistiques indiquent également que 71 % des travailleurs en temps partiel qui le subissent sont des femmes. Or cela sous-tend qu’elles gagnent moins, qu’elles ont moins de responsabilités mais aussi moins de reconnaissance. Par ailleurs, leur pension de retraite de droit direct est inférieure en moyenne de 40 % à celle des hommes, d’après le Dress ! Je ne dis pas que c’est uniquement la faute des hommes. Les femmes ont aussi leur part de responsabilité. Elles doivent questionner leur façon de faire quand il s’agit de se positionner sur un poste à responsabilités ou de négocier une augmentation de salaire.

Les enquêtes montrent également que l’apparence physique des femmes reste un sujet en deuxième partie de carrière. À quel point ? 

Par exemple, l’association Force Femme a demandé aux cabinets de recrutement français et à leurs clients pourquoi engager des femmes de cet âge-là les embarrassaient. 37 % répondent que ces femmes ne s’adaptent pas bien aux changements, notamment aux nouvelles technologies et 78 % pensent que leur apparence laisse à désirer ! On renvoie toujours les femmes à leur physique.

À 45 ans, vous avez reçu une lettre de votre entreprise vous informant de votre nouveau statut de senior et de la nécessité de commencer à se préoccuper de gérer ce cap. Vous écrivez que cela vous a coupé les jambes. Pourquoi les DRH envoient-elles ce type de courrier ? 

C’est une directive du ministère du Travail appliqué à toutes les entreprises qui ont passé un accord senior. À partir de 50 ans, le milieu du travail devient compliqué et il est préconisé de prévenir les salariés cinq ans avant. Le but ? Les protéger. Or, à 45 ans, si vous avez fait des études vous êtes en milieu de carrière. Ce qui est très intéressant, c’est la différence des réactions entre les hommes et les femmes face à cet avertissement. Les DRH que j’ai interrogés sur le sujet disent que les hommes réagissent souvent très bien car ils s’imaginent plus de responsabilités tandis que les femmes ont le sentiment d’être renvoyées à leur date de péremption.

"Il y a une nécessité criante de former les femmes" 

Alors même que beaucoup de femmes sont désormais en plein âge d’or ? 

Les femmes sont valorisées de façon archaïque. Il y a 40 ans, les femmes de 50 ans étaient vieilles. Alors qu’à 45-50 ans maintenant elles ont acquis de l’expérience et n’ont souvent plus d’enfant en bas âge à gérer, ce qui leur laisse du temps pour leur carrière. Les progrès de la société et de la médecine ont fait bouger les lignes. On constate l’apparition d’une nouvelle classe d’âge. Les femmes de mon âge font partie de la première génération à être en pleine possession de leurs moyens intellectuels et physiques. Il est normal que la société ne l’ait pas encore intégré. Mais si on ne prend aucune mesure pour faire évoluer les mentalités, cela va prendre du temps. 

Quelles solutions préconisez-vous ? 

Je ne suis pas dans une position victimaire. Je pointe du doigt les inégalités et encourage un questionnement collectif. Pour moi, les réponses sont de trois ordres. D’abord politique : les pouvoirs publics doivent s’emparer de la question et obliger les entreprises à agir. Une entreprise, c’est une organisation. Si elle ne constate pas de gêne, elle ne change rien. Deuxièmement, les entreprises doivent mener des audits intelligents sur la pyramide des âges pour voir comment évoluent les parcours des femmes et repérer les décrochages. Il y a une nécessité criante de former les femmes. Si celles-ci le sont déjà moins au moment des études, l’écart continue de se creuser au cours de la vie. Car les femmes se disent : à quoi bon me former si les bons postes vont aux hommes. Vieillir c’est perdre de sa curiosité et de son envie d’apprendre. La troisième solution est d’ordre individuel : les femmes doivent demander leur place et assumer nos envies de progression.

Propos recueillis par Olivia Vignaud 

 Les flamboyantes. Qui veut la peau des 50 ans et plus ?, de Charlotte Montpezat, Equateurs, 199 pages, 21 euros

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