Louis de Gaulle (De Gaulle Fleurance & Associés) : « Il est possible de transmettre le pouvoir, pas le leadership »
Décideurs. Qu’est-ce que le leadership ? Quelle en est l’essence ?
Louis de Gaulle. Le leadership implique une vision à long terme et la capacité de savoir la faire partager aux autres. C’est aussi le pouvoir de catalyser les hommes, les femmes et les énergies. Un leader doit avoir une appréhension politique et/ou économique. Porté par ses convictions, il est souvent un précurseur capable de bousculer les habitudes et d’avoir le courage de ses décisions. D’ailleurs, le leadership est souvent associé aux notions d’anticonformisme ou d’innovation.
Décideurs. Quelle différence faitesvous entre un leader et un manager ?
L. de G. Le manager évolue dans une dimension beaucoup plus opérationnelle qui requiert de grandes qualités d’organisation et de délégation. Un leader peut être aussi un manager, mais cela n’est pas indispensable. Le leader est un visionnaire qui suscite l’adhésion et souvent l’enthousiasme. Cependant, il ne vaut que par sa vision et le projet qu’il porte.
Décideurs. Quel est l’usage de l’autorité et du pouvoir pour un leader ?
L. de G. L’autorité est avant toutmorale, elle vient de la légitimité de la vision de celui ou celle qui l’exerce et de son acceptation par les tiers. Autorité et légitimité sont liées mais varient selon l’environnement : dans le monde politique, l’autorité est morale, alors que dans le monde des affaires, elle repose plutôt sur une assise technique. La légitimité du pouvoir vient de là. Le pouvoir est nécessaire mais doit être exercé uniquement dans les limites nécessaires à la finalité, c’est-à-dire au projet. Toute disproportion entre le pouvoir et sa finalité constitue un abus.
Décideurs. Être un leader et être un homme de pouvoir, est-ce distinct ?
L. de G. Le leader gagne en pouvoir au fur et à mesure que son leadership grandit. Le pouvoir est la conséquence du leadership. Mais ce dernier induit du pouvoir : il n’existe pas sans lui. Pourtant, les deux notions sont distinctes. Aujourd’hui, il existe beaucoup plus de dirigeants charismatiques que de leaders, car il est possible de transmettre le pouvoir, pas le leadership. Si on prend l’exemple des entreprises de service, comme les cabinets d’avocats, la notion de pouvoir des dirigeants est très relative car l’intuitu personae entre un avocat et son client est fort. En effet, le pouvoir réside dans l’anticipation, l’impulsion du sens, la canalisation des énergies et la capacité de prendre des décisions. La force réside dans la capacité à créer des richesses économiques et humaines, à partager les fruits du succès. Certes, il y a des outils pour maintenir, renforcer le pouvoir malgré les carences de leadership ou de management. Cependant, s’ils peuvent pallier un temps ces insuffisances et en amortir les conséquences, ils ne pourront jamais remplacer sur le long terme le leadership et la vision qui l’accompagne.
Décideurs. Quels sont les trois leaders qui vous inspirent et pourquoi ?
L. de G. En premier lieu, je citerai le Général de Gaulle. Guidé par une mission et une vision supérieure de son pays, il a dépassé les partis et incarné la France. Dans le contexte international de l’époque, il a osé et réussi à s’imposer dans la négociation avec Roosevelt pour défendre ses convictions et la place de la France. Sa personne a toujours été un outil au service de sa mission.Je pense ensuite à Nelson Mandela, en sa qualité d’homme politique et d’avocat. Il a sacrifié sa vie, dépassé ses intérêts immédiats en faveur des idéaux auxquels il a cru et auxquels il a fait adhérer le peuple sud-africain, et au-delà le monde entier. Enfin, mon troisième choix se porte sur Emmanuel Faber, directeur général délégué du groupe Danone. Il a réorienté la marque vers un développement durable en remettant l’économie capitaliste au service des hommes (programmes de micro-usines financées par le microcrédit, accompagnement des éleveurs dans les pays africains, etc.). Il a réussi à combiner les ressorts du capitalisme rentable avec un bénéfice pour la population. Et cela à grande échelle.