Par Florence Painchaud, consultante senior, et Ludivine Maestre, directrice d’Adelphis-Lille. Ferrein & Associés
Sujet sensible par excellence, la rémunération est aussi un élément incontournable de la relation employeur-collaborateur. Selon plusieurs études (Monster en 2011, Deloitte et Nomination en 2012…), elle serait la première attente et motivation du salarié. Bien que définie par des règles – et en premier lieu celle court-termiste de l’offre et de la demande - sa structuration n’en reste pas moins souvent perçue comme floue et subjective, attisant convoitise et frustration.

Un des rôles du cabinet de conseil en ressources humaines, est de se positionner comme intermédiaire entre l’individu et l’entreprise et favoriser ainsi les échanges. Que ce soit auprès des décideurs opérationnels du recrutement, des candidats lors des entretiens ou des bénéficiaires que nous accompagnons dans leur repositionnement professionnel surgit, à un moment ou à un autre, la question brûlante de la rémunération. Les motivations sous-jacentes contenues dans la revendication de rémunération sont multiples : élément de reconnaissance sociale pour les uns, récompense d’un travail fourni pour d’autres, contrepartie légitime de la relation de travail. Comment l’aborder et l’intégrer dans le process de recrutement ? Quels en sont les critères de construction et d’évaluation ?

Money, money, money
C’est lors du processus de recrutement externe que les cadres pensent avoir le plus d’opportunités de « faire la bascule » sur leur salaire. Qu’ils soient en manque de reconnaissance dans leur propre structure ou simplement attirés par l’appât du gain, l’enjeu de la rémunération devient central. Cette préoccupation somme toute importante peut occulter chez le candidat et futur collaborateur la nécessité d’identifier et de travailler sur le vrai fondement de cette collaboration : une communauté de projet avec l’entreprise. En effet, il est clair que les profils de mercenaires intègrent l’entreprise aussi vite qu’ils en sortent. Ils viennent pour de l’argent et repartent pour de l’argent. Mais qu’apportent-ils vraiment à l’entreprise ? Quelle est leur contribution ? D’une façon générale, ces profils vont mettre en avant non pas un projet de carrière construit sur l’acquisition de compétences, de responsabilités et d’autonomie, mais sur la connaissance d’un secteur d’activité et de ses acteurs. Or, si l’on considère que chaque secteur compte 5 ou 6 acteurs majeurs et que le collaborateur reste environ deux ou trois ans dans chacune de ses entreprises, cela lui laisse une espérance de vie professionnelle d’une quinzaine d’années, avant de se retrouver enfermé ou hors marché. Il est de ce fait primordial pour l’entreprise de repérer ces profils et de concentrer ses efforts sur la construction d’une relation équilibrée où la rémunération serait la juste compensation d’une contribution au projet collectif.

If you give peanuts, you get monkeys

De même que le commerce équitable rémunère chaque acteur de la chaîne à son juste prix et lui permet de s’épanouir et de se développer, l’entreprise doit veiller à l’équilibre entre les aspirations individuelles du candidat (motivation, valeurs, reconnaissance, intérêt du poste…) et les attentes de l’entreprise (résultats qualitatifs et quantitatifs). Le changement dans la relation au travail des nouveaux entrants sur le marché - mis en exergue par la génération Y, rend nécessaire cet équilibrage. Si, comme le dit André Comte Sponville, « le travail n’est plus une valeur morale », il faut à plus forte raison trouver un sens à son travail, sous peine de forte démotivation et de risques psychosociaux. Donner un sens, c’est dans un premier temps obtenir pour le salarié de la visibilité sur son futur. Avant même son intégration, il s’agit pour lui d’acquérir une vision claire du poste et des attentes de l’entreprise (rôles, missions, responsabilités), de son positionnement dans l’organigramme (rattachement hiérarchique, fonctionnel, transverse) ainsi que les éléments clés de la stratégie, de la culture et des valeurs du futur employeur. Doté de ces éléments, l’individu peut les confronter, comparer et intégrer à son propre parcours et ses propres attentes pour se projeter dans l’entreprise. Dans ce contexte de découverte réciproque et de « séduction », l’employeur va valoriser sa propre contribution au projet individuel du collaborateur au travers d’une politique RH et notamment de rémunération. Il existe différentes formules pour construire le « package » mais le plus important pour le salarié sera d’en comprendre la logique et l’équité de traitement. Jugée comme injuste ou non comprise, la rémunération est un facteur de refus d’un poste et de démotivation à terme. En revanche, un positionnement clair sur sa composition et son évaluation est un véritable outil de motivation et de management. Encore faut-il qu’elle soit au niveau du marché. D’une façon générale la construction de la rémunération est la suivante : la compétence – le savoir-faire - est rémunérée par le salaire fixe. Elle correspond aux attentes de l’entreprise sur l’apport du collaborateur. La partie variable vient elle récompenser la performance et l’efficacité de l’individu dans sa fonction. Plus sa contribution à la réussite de l’entreprise est importante, plus la rétribution est conséquente. Peuvent s’ajouter à cela les avantages en nature (véhicule de fonction, logement…) qui marquent généralement une position, un statut dans la structure. Viennent compléter ces éléments individuels les éléments « collectifs»  (PEE, Intéressement, participation…), qui mettent en avant la dynamique et la réussite du groupe.

La rémunération comme investissement et retour sur investissement
Mais ce que nous notons c’est qu’une politique de rémunération juste et équitable n’est qu’un des outils d’une politique de motivation, de fidélisation et de développement RH. Il s’agit pour l’entreprise d’intégrer le salarié comme un élément complet et complexe de son organisation. Accompagner le salarié dans son développement, c’est lui permettre d’accroître non seulement ses compétences mais aussi son autonomie, sa responsabilité et son investissement. C’est initier sa proactivité, optimiser son potentiel et, donc, développer sa contribution à la richesse d’entreprise.
L’intelligence projective permet d’intégrer les éléments constituant l’individu au travail (aptitudes, compétences, motivations) dans le projet d’entreprise et d’en entretenir la dynamique. En faisant preuve d’intelligence projective*, l’entreprise investit dans son capital humain dès le recrutement. Elle favorise et soutient la progression de l’individu sur le triptyque ACM (aptitudes, compétences, motivations), c’est-à-dire alimente sa stratégie de route et lui permet de se positionner sur la carte de l’entreprise. Les stratégies de route et de carte sont les deux fondamentaux de l’Intelligence projective.

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