Les études se succèdent et se concluent de la même façon : dans toutes les disciplines, nos élèves sont de plus en plus mauvais. Même les têtes de classe et les enfants de milieux aisés voient leur niveau baisser. Un drame pour notre démocratie et notre souveraineté.
Alerte, la France devient une idiocratie !
Et hop, encore une preuve que notre système scolaire prend l’eau ! Une étude menée par Jérôme Fourquet et les derniers résultats du classement Timms ne laissent guère de place au doute : le niveau d’instruction des jeunes Français est en chute libre.
Chute de la maîtrise du français
Baptisé La France hydroponique et réalisé pour la Fondation Jean Jaurès, le travail du célèbre auteur de L'Archipel français pointe une dégradation inédite de la maîtrise de la langue parmi les jeunes générations. "La proportion d’élèves de CM2 faisant 15 fautes ou plus à la même dictée de 67 mots a littéralement explosé. Alors qu’en 1987, seul un tiers de élèves effectuait 15 fautes ou plus, ce très faible niveau de maîtrise de l’orthographe est devenu quasiment généralisé en 2021 puisque 90% des élèves se trouvent dans cette situation".
Concrètement, cela signifie que même les futures élites écriront avec des fautes d’orthographe, s’exprimeront avec un vocabulaire appauvri, parsemé d’erreurs de syntaxe. "Le vocabulaire employé est moins fourni et la langue relâchée. Des études l’ont mesuré, mais on le constate empiriquement quand on compare par exemple des reportages réalisés auprès de Français ordinaires dans les années 1960 et ceux tournés aujourd’hui", souligne Jérôme Fourquet.
En 1987, 30% des élèves de CM2 faisaient 15 fautes ou plus à une dictée. Sur le même texte, en 2024, la proportion monte à 90%
Mathématiques et logique : la France au niveau du tiers-monde
En mathématiques et en logique, ce n’est guère plus brillant. En septembre 2023, le Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) avait révélé que seulement la moitié des élèves entrant en sixième répondaient correctement à la question suivante : "Combien y a-t-il de quarts d’heure dans trois quarts d’heure ?" De même, sur une ligne graduée de 0 à 5, seuls 22 % placent correctement la fraction ½. Point intéressant, il n’existe pas de différence notable entre le public et le privé, les établissements REP+ et les autres.
Le dernier classement Trends in International Mathematics and Science Study (Timms) ajoute encore des mauvaises nouvelles. Il mesure le niveau en sciences et en mathématiques des élèves de 9 et 13 ans dans les pays de l’OCDE. Dans l’Hexagone, ce sont les enfants scolarisés en CM1 et les adolescents de quatrième qui sont testés. Le système scolaire français se distingue par ses mauvaises performances : dernière place d’Europe pour les CM1 et avant-dernière (devant le Portugal) au niveau du collège.
Par rapport aux derniers résultats datant de 1995, le décrochage est vertigineux. Pire encore, si la moyenne nationale est très basse, les têtes de classe dotées de la bosse des sciences sont désormais une espèce en voie de disparition. Seuls 3 % de nos jeunes sont considérés comme avancés contre 45 % en Corée du Sud, 37 % au Japon, 14 % aux États-Unis ou 11 % en Grande-Bretagne. Au registre des mauvaises nouvelles, l’écart entre les filles et les garçons est en constante augmentation.
La moitié des élèves entrant en sixième ne sait pas combien il y a de quarts d'heure dans trois quarts d'heure...
Idiocratie ?
Pourtant, chaque année, les gouvernements se félicitent de la proportion de plus en plus élevée de bacheliers. Plus que jamais, le diplôme perd de sa valeur. Les faits sont têtus et confirmés par de nombreuses études : la jeunesse française est de moins en moins instruite et les "premiers de la classe" sont en voie de disparition. Dans une enquête récente qui a fait grand bruit, Décideurs Magazine s'était fait l'écho des recruteurs alarmés par le faible niveau des élèves de Sciences Po Paris, temple des "élites de la nation".
Le nombre de jeunes capables d’incarner les futures élites scientifiques, intellectuelles devrait tendre à la baisse. Et leur qualité pourrait laisser à désirer. D’une certaine manière, cela a commencé. Il suffit de jeter un œil sur les résultats des concours du Capes de mathématiques. En 2022, le jury n’a été en mesure de titulariser que 816 professeurs pour 1 186 postes. Les examinateurs ont pourtant été contraints de baisser un peu le niveau et ont averti que les copies des nouveaux enseignants "comportaient beaucoup d’erreurs de logique grossières".
Danger pour notre démocratie
Une baisse globale du niveau d’éducation va se traduire par plusieurs choses : diminution du niveau de vocabulaire, difficulté à s’exprimer, à débattre, à trier et à comparer l’information, retrait du cartésianisme…
Cela aura à moyen terme un impact sur la démocratie. Une société idiocratique sera plus violente. Prime sera donnée aux partis qui promettront de "remettre de l’ordre" à l’aide d’un "leader fort". De même, les foules plus stupides seront plus manipulables et sensibles aux fake news et aux populistes de tout bord qui auront peut-être lu cette phrase de Condorcet : "Plus un peuple est éclairé plus ses suffrages seront difficiles à surprendre (…). Même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est un esclave". Cette situation sera également une aubaine pour les gourous et autres extrémistes religieux. Le tout dans un monde de plus en plus complexe.
Une masse peu instruite sera plus manipulable, sensible aux fake news et aux extrémistes
Danger pour notre souveraineté
Un monde complexe dans lequel un pays puissant et souverain sera capable de maîtriser les innovations de rupture telles que l’IA, les nanotechnologies, les biotechnologies… Pour le moment, la France tient son rang puisqu’elle se repose sur les cerveaux formés dans les années 1990, soit avant la chute catastrophique de notre niveau scolaire. Ces "grosses têtes" s’inscrivent dans la tradition scientifique de notre nation, celle de René Descartes, Nicolas de Condorcet, Henri Poincaré ou plus récemment Cédric Villani et Luc Julia.
Tout indique que la relève ne sera pas forcément au rendez-vous. Conséquence : d’autres pays prendront une avance notable sur toutes les innovations, nous condamnant à un rôle de spectateur. Un gouvernement faisant appel à des techniques de surveillance de la population conçues à l’étranger pour éviter les débordements de violence d’une population devenue stupide est un scénario qui, en l’état actuel, ne relève pas de la science-fiction.
Depuis 2022, il y a eu 5 ministres de l'Éducation nationale...
Instabilité politique
Pour changer la donne, l'idéal serait de faire de l'éducation une priorité et de nommer au ministère de l'Éducation nationale une personnalité qualifiée qui aura le temps d'agir, de réformer. Pour le moment, le poste est encore plus instable que celui de professeur de défense contre les forces du mal dans Harry Potter. Depuis la dernière présidentielle, cinq ministres se sont succédé rue de Grenelle : Pap Ndiaye (1 an et 4 mois), Gabriel Attal (5 mois et 20 jours), Amélie Oudéa-Castera (28 jours), Nicole Belloubet (7 mois et 13 jours), Annie Genetet (2 mois et 17 jours). Un nouveau ministre est attendu après la censure du gouvernement Barnier.
Lucas Jakubowicz