Chaotique, incertain, instable… Notre monde est bien entré en turbulence il y a près de dix ans déjà. Et aucune accalmie n’étant à prévoir à horizon immédiat, mieux vaut, désormais, apprendre à gérer l’incertain.

La crise financière de 2008, les Printemps arabes, la crise grecque et maintenant le Brexit À ceux qui en auraient encore douté, l’affaire est désormais entendue : oui, nous sommes bien dans un monde de turbulences. Pire, nous ne sommes pas prêts d’en sortir à en croire les prévisions des météorologues d’Aix qui, pour la plupart, s’accordent à maintenir l’avis de tempête sur quelques années encore. Plus inquiétant : nombreux sont ceux qui admettent une incapacité à prévoir l’avenir et à envisager tout retour, à proche ou moyen terme, à une période d’accalmie… Parmi eux, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine. « Le contexte de compétition générale crée de l’instabilité durable puisqu’aucune force stabilisatrice n’émerge, estime-t-il. Et ce n’est pas fini ! Les turbulences que nous connaissons vont perdurer dans tous les domaines. » Conséquence directe de cette volatilité généralisée, les cycles qui rythmaient traditionnellement l’industrie ont disparu, accentuant la perte de visibilité dans tous les domaines, et créant, pour tous les acteurs de l’économie, une incertitude permanente. Et comme le rappelle Rodolphe Saadé, directeur général de CMA CGM : « L’économie comme le commerce détestent les incertitudes »

 

Un monde incertain

 

Aux origines du phénomène, des causes multiples et variées - instabilité inhérente au développement économique mondial (liées aux États, aux marchés pétroliers…), turbulences de long terme (imputables aux changements technologiques, à l’irruption de nouveaux acteurs dans le jeu économique, à l’explosion des inégalités), crises sectorielles… - dont l’accumulation entraîne les turbulences macroéconomiques que l’on sait et qui, elles-mêmes, perturbent  les équilibres politiques et démocratiques en favorisant la montée de ce que le politologue Marcel Gauchet qualifie d’une « démagogie des valeurs ».

 

« Le populisme est un symptôme, pas une cause. Et ce symptôme traduit un gigantesque sentiment de déception et d’abandon envers le système démocratique »

Hubert Védrine

 

Le risque ? Voir les États réagir à cette perte de visibilité en cédant à la tentation du repli et du protectionnisme. Une tendance à éviter à tout prix juge Rodolphe Saadé pour qui la seule solution consiste désormais à « apprendre à vivre avec ces incertitudes » et avec les dysfonctionnements qui, selon Hubert Védrine, frappent les systèmes démocratiques dans la quasi-totalité des pays européens.

 

« Les perdants de l’Europe »

 

D’où la nécessité en attendant le retour au calme et, avec lui, une certaine visibilité, de ne pas « penser ces turbulences sous un angle parcellaire », estime l’ancien ministre des Affaires étrangères pour qui condamner la montée des populismes, notamment, est à la fois vain et dépourvu de sens. « Cela équivaut à condamner la fièvre, assène-t-il. Le populisme est un symptôme, un effet. Pas une cause. Et ce symptôme traduit un gigantesque sentiment de déception et d’abandon envers le système démocratique. » Ce « broken political system », comme le qualifie Suzanne Berger, professeure au MIT, qui pousse certains – « les perdants de l’Europe » - à voter Brexit ou Trump. À opposer une réponse politique aux turbulences d’une mondialisation qui les dessert et qui, résume-t-elle, « les poussent à se dire : ?Je crois que je vais voter pour ce loup, ça fera réfléchir le berger? ».

 

Par Caroline Castets

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