Les dépenses pour les flottes de véhicules de fonction s’envolent. Face à cette inflation, les entreprises peuvent rechercher d’autres économies sur le coût complet d’utilisation.
5 pistes pour contenir l’augmentation des coûts des flottes
Le tour de vis de Bercy n’épargnera pas les flottes. Au moment où nous mettons sous presse, les discussions en cours sur le budget 2025 augurent d’un abaissement des seuils du malus écologique, de celui au poids et d’un déplafonnement du malus. Les gestionnaires redoutent également une remise en cause inédite du calcul des avantages en nature (AEN), qui se caractériserait par une augmentation de 30 à 50 % de la part fiscalisée du coût de la location ou de l’achat d’un véhicule de fonction. Ces dépenses supplémentaires s’ajouteront à une inflation, de l’ordre de 30 % à 40 % depuis 2021, dans la gestion des véhicules.
Pour compenser, en partie, cette hausse, il s’agit désormais de rechercher des optimisations de dépenses. À cet égard, le "TCO Scope 2024", publié par Arval Mobility Observatory, identifie quelques pistes. Au-delà du prix des véhicules, qui constitue la composante la plus importante du coût global de détention (TCO), le carburant constitue le deuxième poste de dépenses (21,6 %), devant la fiscalité (18,1 %) et d’autres prestations dont l’assurance (17,1 %). Dans le cas d’un véhicule électrique, dont l’énergie et la fiscalité restent moins onéreuses, les prestations viennent en deuxième position des dépenses à optimiser.
1. Cartes multi-énergies, des fonctions à exploiter
Permettre aux collaborateurs de faire le plein de carburant, sans avance de frais, est un service que rendent depuis longtemps les cartes accréditives. Celles des pétroliers d’abord, qui ont été rejoints par la grande distribution et, plus récemment, par d’autres acteurs de la mobilité. Leur intérêt ne se limite pas au prix des carburants: elles offrent des fonctionnalités de contrôle et de suivi. La plupart des cartes permettent aux gestionnaires de fixer des limitations pour éviter les abus, notamment, en interdisant de faire le plein à certains horaires, le weekend, ou hors du périmètre d’exercice de l’activité. Des alertes sont également paramétrables. Ainsi, ces cartes font remonter de multiples informations, qui signalent des écarts utiles pour piloter sa flotte de véhicules, par le biais d’un portail clients. Chez Shell, par exemple, le portail Shell Fleet Hub donne accès à ces données et génère l’envoi de rapports périodiques.
Avec sa carte, Mobility Corporate, TotalEnergies propose pour sa part une interface de gestion de flotte, Mobility Business, utile car les cartes de carburant agrègent désormais bien d’autres prestations telles que le télépéage, le paiement des parkings, le lavage ou encore l’accès à des bornes de recharge. Cette dernière évolution fait d’ailleurs émerger de nouvelles offres. Tel est le cas de Bump dont la carte s’adresse aux flottes de véhicules électriques. Ce prestataire a développé des outils de supervision de la flotte avec des paramétrages (alertes, restrictions…) ainsi que la possibilité de "centraliser le suivi des consommations en entreprise, en itinérance, et au domicile du collaborateur, offrant une visibilité complète sur les coûts et les habitudes de recharge", comme annoncé lors du lancement de l’offre, en février dernier.
2. Logiciels de gestion de flotte, gagner en capacité d’audit et de suivi
Au-delà des portails des cartes carburant, qui apportent un premier niveau d’information, approfondir la recherche d’économies implique de recourir à un logiciel de gestion de flotte. "Même les flottes de moins de cent véhicules s’y intéressent car la gestion devient de plus en plus complexe, pour de multiples raisons, et la question de leur coût a un impact pour les entreprises", souligne Géraud Porteu, directeur général de GAC Technology. Son logiciel, GAC Car Fleet, gère 535000 véhicules de toutes tailles, "de la commande jusqu’à la restitution en se connectant aux fournisseurs des clients: cartes énergies, loueurs péages...", explique le dirigeant.
La force d’un tel outil provient de sa capacité à agréger des données à la fois financières et relatives à l’utilisation des véhicules pour calculer un TCO et signaler tout dérapage. Ainsi, sur une flotte de véhicules hybrides rechargeables, GAC Car Fleet croise plusieurs sources pour établir leur consommation réelle, souvent bien éloignée de celle annoncée par les constructeurs. Des données de gestion d’autant plus précises lorsque le véhicule est équipé d’une solution de géolocalisation, qu’elle provienne d’un autre prestataire ou des constructeurs. À cet égard, GAC Technology a déjà signé des accords avec Renault et Stellantis afin de récupérer les données natives à bord de leurs modèles.
3. L’expertise d’un fleeter pour éclairer sa gestion
"Le point de départ est d’identifier pour quelles raisons les véhicules coûtent de plus en plus cher", évoque Bertrand Lamarche, directeur de Traxall Sud-Est, la branche lyonnaise du fleeter Traxall France, qui gère plus de 50000 véhicules et 320 M€ de facturation par an pour le compte de ses clients. La gestion de flotte déléguée s’est d’abord imposée en soulageant les entreprises de l’exécution de tâches de gestion courante, consommatrices de ressources en interne.
Elle a cependant gagné ses lettres de noblesse en apportant une capacité d’analyse et de conseil. "La première brique est la gestion de parc, le suivi et l’analyse des contrats: est-ce que les contrats sont bien alignés avec mon usage?", interroge Bertrand Lamarche. La deuxième "brique" est le suivi des coûts complets de gestion au moyen d’un logiciel dédié. "Aujourd’hui, la gestion de parc est avant tout une gestion de flux dont nous industrialisons les processus qui peuvent être chronophages", évoque ce fleeter. Il intervient par ailleurs à un troisième niveau, en proposant du consulting aux entreprises pour leurs stratégies d’achats. "Les hybrides rechargeables sont à oublier en 2025 en raison du malus au poids. Il va rester les full hybrid, même si certains ont aussi un handicap de poids, ou les véhicules électriques", décrypte le spécialiste. Traxall France accompagne ses clients dans cette transition "avec une analyse des usages, de la zone d’utilisation et des outils liés à la recharge pour assurer la continuité de l’activité avec un véhicule électrique sans la pénaliser", évoque Bertrand Lamarche.
Au-delà de la maîtrise complète de la chaîne du TCO, "il faut également satisfaire le DRH, le DAF, le directeur achats", relève-t-il. En définitive, le fleet management permet des économies "en mettant sous contrôle l’intégralité des services et des processus liés aux véhicules", comme l’exprime Bertrand Lamarche. Il n’est cependant pas universel car une taille critique est requise pour industrialiser les processus de gestion. Chez Traxall France, elle représente 150 véhicules en parc. Cependant, les plus petites flottes conservent une possibilité de faire appel à un fleeter, ponctuellement, pour des missions de consulting sur des sujets ciblés.
4. Un courtier pour optimiser son montage en assurance
Les enseignements du TCO Scope 2024 montrent bien l’importance croissante de l’assurance dans les dépenses de flottes, particulièrement les électriques. "Les entreprises ont des attentes tarifaires mais aussi de gestion car c’est très chronophage", reconnaît Philippe Guetta, directeur général de Finaxy Group. En 2021, ce courtier en assurances, classé dixième en France, s’est doté d’un pôle réservé aux flottes automobiles, Finaxy Fleet. "Nous intervenons sur des flottes de moins de cent véhicules avec des solutions standard et, au-delà, avec des programmes sur mesure", indique le dirigeant qui compte dans son portefeuille près de 100000 voitures, utilitaires, poids lourds et engins. "Nous avons développé une méthode qui consiste à réaliser une analyse du parc automobile (typologie, âge des véhicules…) puis de sa sinistralité pour définir le meilleur schéma de couverture", précise-t-il.
Un des leviers les plus efficaces est le recours à l’auto-assurance, autrement dit l’entreprise couvre, sur ses propres deniers, une part des sinistres matériels. Dans le langage des assureurs, on parle d'augmentation du niveau de rétention. L’expertise du courtier devient ici indispensable: "Il faut arriver à chiffrer l’intégralité des coûts pour avoir l’impact de cette augmentation de franchise et déterminer le bon seuil", évoque Philippe Guetta.
Par ailleurs, Finaxy Fleet propose des économies complémentaires avec d’autres prestations telles que la consignation: un fonds de roulement permet au courtier de régler directement les petits sinistres de son client. Autre subtilité, une facturation sous forme d’honoraires qui permet de récupérer la TVA. "En moyenne, nous parvenons à optimiser le budget assurance de 15 % et parfois bien au-delà", avance le dirigeant qui insiste sur la combinaison d’économies tarifaires et la maîtrise des coûts de gestion et de réparation des sinistres. Le courtier propose d’ailleurs une application, avec Autogriff, de chiffrage des dégâts à distance et de réparation dans un réseau de carrossiers aux tarifs maîtrisés.
5. Une application pour ne pas laisser dériver les coûts de réparation
Un gestionnaire de flotte n’étant pas, en permanence, derrière chacun de ses conducteurs il arrive que les dommages aux véhicules s’accumulent sans être réparés. C’est d’ailleurs un sujet de crispation au moment de leur restitution au loueur qui facture la remise en état. De ce constat est né Autogriff, une application qui permet au conducteur de procéder à une photo inspection de son véhicule au moyen de son smartphone. Les images sont ensuite analysées pour obtenir un chiffrage avant d’orienter le conducteur vers un carrossier partenaire. "Le taux normal de sinistralité d’une entreprise est de 1 à 2 % donc pas assez pour qu’elle négocie des prix avec un carrossier. Nous sommes un tiers de confiance pour le client en proposant un taux horaire identique sur toute la France et des montants forfaitaires", affirme Franck Keller, président et fondateur d’Autogriff. En outre, ce prestataire privilégie la réparation plutôt que le changement de pièces de carrosserie.
Une approche plus durable qui prend tout son sens depuis que l’inflation s’est emballée dans la réparation automobile. "En trois ans, le marché a pris presque dix points d’augmentation contre 3 à 4 % chez nous", affirme l’entrepreneur qui a réorienté son offre vers l’"accident management". "Sur 5 000 dossiers de restitution à plus de 1 500 €, nous avons constaté que dans 50 % des cas, le sinistre n’avait pas été traité or il aurait pu faire l’objet d’une déclaration à l’assurance", confie Franck Keller. Ces réparations en souffrance constituent un coût caché pour une entreprise mais encore elles risquent d’annihiler tout le bénéfice des montages en auto-assurance.
Pour les entreprises concernées, une identification des sinistres et leur chiffrage précis deviennent indispensables pour arbitrer entre la réparation, en deçà du niveau de franchise choisi, et la déclaration à l’assureur, au-delà. Cette gestion au plus juste des réparations allégera également le stress des gestionnaires au moment de rendre les véhicules aux loueurs. Il pourrait même prévenir un autre dérapage annoncé des dépenses de flottes lié à leur électrification : comme les véhicules électriques font l’objet de contrats de location plus courts, ils doivent être mis sur le marché de l’occasion dans un état plus proche du neuf. Une exigence que les loueurs ne manqueront pas de rappeler aux entreprises oublieuses en leur présentant la facture, évidemment salée.
Jean-Philippe Arrouet