Parmi les « success-stories » de l’immobilier, s’il fallait en choisir une, Apsys figurerait certainement en bonne place. En vingt ans, le pure-player de l’immobilier commercial est devenu un acteur majeur du secteur. L’aventure entrepreneuriale de Maurice Bansay, démarrée en Pologne en 1996, est aujourd’hui un portefeuille de 28 centres commerciaux, dont l’iconique parisien Beaugrenelle. À l’occasion du Siec, le salon de l’immobilier commercial, Maurice Bansay nous fait partager sa vision du commerce de demain.

Décideurs. Projetons-nous vingt ans en arrière. Aviez-vous une idée du développement qui attendait Apsys, ou au moins l’intuition que vous faisiez le bon choix en vous implantant en Pologne ?

Maurice Bansay. J’ai eu un vrai coup de cœur pour ce pays. L’énergie de ses habitants, le niveau de formation de sa jeunesse ou le potentiel de développement incroyable que j’y décelais… Avec tous ces atouts, la Pologne offrait un contexte bien plus favorable à une jeune entreprise que tous les autres pays que j’avais étudiés. Développer Apsys en Pologne était donc un peu plus qu’une bonne intuition. Avec 22 actifs en gestion qui représentent 840 000 m2, Apsys représente maintenant 10 % de la surface commerciale de Pologne. Une prouesse pour une entreprise partie de rien il y a vingt ans !

 

Décideurs. Vous avez croisé un bon nombre d’architectes et de créateurs tout au long du développement de votre société et de ses réalisations. Quels sont les univers qui vous ont le plus marqué ?

M. B. Il est vraiment difficile de les citer tous : depuis plusieurs  années, nous inscrivons au cœur de nos projets la volonté de travailler avec de très grandes signatures architecturales. S’il fallait choisir une réalisation où j’ai eu le sentiment de vraiment partager une forme d’ambition utopique avec l’architecte, je citerai Beaugrenelle avec Valode et Pistre. Partant du constat que les Parisiens n’aimaient pas les centres commerciaux, nous nous sommes posés, il y a treize ans déjà, la question de ce que pourrait être le grand magasin du XXIe siècle. J’ai d’ailleurs gardé le croquis griffonné à la main par Denis Valode à ce moment-là. Les univers d’artistes, tels que Xavier Veilhan, ou de designers tels que Ora-ïto, participent à ce que nous considérons comme une des parts les plus passionnantes de notre métier qui est d’agréger les talents et les imaginaires les plus diversifiés. Et de dérouler une histoire…

 

Décideurs. L’heure est à la mixité avec des immeubles mêlant commerces, logements et bureaux. Allez-vous développer des programmes en ce sens ?

M. B. Absolument. Nous avons créé un projet mixte, les Rives de l’Orne, à Caen, qui a ouvert en 2013. Celui-ci comprend un hôtel, des logements, du commerce bien sûr, et des bureaux. Ce faisant, nous avons relié la gare au centre-ville de Caen. Muse, qui ouvrira à Metz à l’automne 2017, en face du Centre Pompidou Metz, est également un projet mixte et un morceau de ville à part entière. Là encore, la multifonctionnalité sera à l’honneur, avec un hôtel construit par Philippe Starck, des logements, des bureaux, un centre de congrès… L’architecte Jean-Paul Viguier qui pilote l’ensemble a invité d’autres confrères à intervenir sur le site. Cela le rend encore plus mixte formellement puisque les usages de chaque bâtiment sont ainsi interprétés de manière diverse. La multifonctionnalité rend les villes vivantes et vibrantes. Notre nouvelle signature est d’ailleurs «  Rendre la ville et la vie plus belles »

 

Décideurs. Vous dites que le digital incite à plus de créativité ? En quoi spécifiquement ?

M. B. L’ e-commerce est notre concurrent, et comme toute concurrence, celle-ci est stimulante. Derrière notre ordinateur, quand nous achetons en tant que consommateur, nous avons le sentiment d’être dans une démarche efficace, pratique, voire économe avec la possibilité de comparer les prix. Mais au niveau de l’émotion, il n’y a en revanche aucune satisfaction personnelle. Nous devons rendre l’expérience shopping inoubliable, riche émotionnellement. En somme, être capable de la théâtraliser pour qu’une relation affective se mette en place. Le modèle de nos centres n’est plus basé uniquement sur la consommation. À la vocation d’achat s’ajoutent celles de la rencontre, de la détente, du loisir. Cela, l’e-commerce ne peut le proposer. Les nouvelles technologies sont néanmoins un levier crucial pour mieux connaître et cerner les attentes de nos utilisateurs.

 

Décideurs. L’émotion et la sensibilité sont-elles finalement compatibles avec le business ?  

M. B.  Dans le secteur de l’immobilier commercial, ce sont même elles qui créent le business et le créeront de plus en plus dans les années à venir. Le consommateur est en quête de sens et de valeur. À nous de trouver les moyens d’ajouter le supplément d’âme à nos créations. Par ailleurs, la dimension éthique et locale, également de plus en plus importante pour les consommateurs, est forcément au cœur de nos préoccupations.

 

Propos recueillis par Laetitia Sellam

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