La dévolution du patrimoine immobilier de l’Université de Bordeaux touche à sa fin. Manuel Tunon de Lara, son président, revient sur les différentes étapes du processus, nous dévoile la stratégie immobilière qui a été élaborée et révèle les pièges à éviter.

Décideurs. Que représente le patrimoine immobilier de l’Université de Bordeaux ?

Manuel Tunon de Lara : Nous avons un des patrimoines les plus vastes d’Europe avec 198 hectares et 585 000 mètres carrés de bâtis. L’essentiel se trouve dans l’aire de la métropole bordelaise mais nous avons aussi des antennes à Agen, Périgueux, Dax… Nous sommes présents dans différents départements de la région Nouvelle-Aquitaine.

Où en est le processus de dévolution de ce patrimoine ?

Il est pratiquement achevé. Après différentes évaluations préliminaires, nous avons élaboré notre schéma d’orientation stratégique avec une planification à long terme qui a été validé par les différents ministères concernés.  La convention de dévolution du patrimoine est finalisée et a été adoptée par le conseil d’administration. Nous avons prévu de la signer avant l’été avec la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Restera alors une étape qui prendra du temps en raison de la taille de notre patrimoine et de la mixité des statuts : la signature des actes notariés. Nous espérons les entériner d’ici la fin 2019.   

Comment prépare-t-on sa dévolution ?

Elle doit faire l’objet au préalable d’une étude spécifique pour identifier les risques et opportunités. Nous avons été accompagnés par Colliers International afin de connaitre précisément le patrimoine concerné par la dévolution, analyser la situation de l’environnement dans lequel il s’inscrit et étudier les modèles économiques possibles pour le valoriser. Ce travail a duré deux ans. Il nous a permis de constater que l’essentiel du patrimoine immobilier date des années 50-70. Environ 30 % va finir d’être rénové d’ici 2023 grâce à l’opération Campus. Reste donc 70 % nécessitant une intervention. Nous avons défini deux périmètres : celui académique qui est dévolu aux fonctions régaliennes de l’université (formation, recherche et vie universitaire) et celui qui peut être valorisé grâce à des baux à construction, des cessions parfois… Le produit généré par ce dernier pourra être réinjecté dans le périmètre académique afin d’assurer la grosse maintenance et à lancer à plus long terme de nouvelles opérations. Une fois ce travail préparatoire effectué, il convient de le partager. D’abord avec notre communauté, les conseils, les personnels et les syndicats puis avec la métropole, les maires des villes sur lesquelles nos campus sont implantés. Il convient aussi de s’inspirer des expériences de projets similaires, à l’image des aéroports et des hôpitaux, et des collègues étrangers.

"Nous comptons mixer notre programmation et nous ouvrir sur la ville"

Quelles sont les différentes étapes et qu’impliquent-elles ? 

Après une réflexion stratégique et une étude préliminaire menées par l’établissement universitaire, l’Etat se penche sur un certain nombre de prérequis comme la qualité du système d’information, la connaissance de son environnement, la maîtrise de son budget… C’est le moment du Go/no go. Si le feu vert est donné, un schéma directeur immobilier de long terme doit être mis en place et inclure un aspect de valorisation du patrimoine. C’est une nouveauté car les premières universités qui ont conclu une dévolution sont accompagnées financièrement par l’Etat ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Vient ensuite une étape de validation par les pouvoirs politiques locaux et nationaux.

Quelle sont les grandes lignes de la stratégie immobilière élaborée par l’Université de Bordeaux ?

Le patrimoine identifié est vaste mais peu dense, ce qui évitera tout déséquilibre entre les constructions et le foncier. Nous avons individualisé une trentaine d’hectares pouvant donner lieu à des actions de valorisation. Nous avons également pris en compte le contexte territorial dans notre stratégie. Bordeaux est une métropole en pleine croissance et nous devons contribuer à son attractivité. Nous avons un écosystème dédié à l’innovation qui est propice pour accueillir des activités économiques. Nous pouvons également conduire des projets de logements pour répondre aux problématiques auxquelles font face nos étudiants. Et développer des activités commerciales dans certaines parties du campus aurait du sens. Nous comptons donc mixer notre programmation et nous ouvrir sur la ville.

Quid de la dimension développement durable ?

Elle est essentielle. Avec nos équipes d’enseignants et de chercheurs qui sont spécialisées dans ce domaine, nous avons beaucoup de compétences en interne. De plus, l’université constitue une sorte de ville dans la ville avec 70 000 personnes sur un vaste campus et des installations de recherche qui consomment beaucoup d’énergie. Nous sommes donc en mesure d’expérimenter des projets avant-gardistes. Nous faisons également partie d’un réseau international d’universités dédié à la ville durable et qui a été mis en place par l’ancien secrétaire général des Nations unies Ban Ki Moon.

"Tous les patrimoines universitaires ne se prêtent pas à la dévolution" 

Quels sont les pièges à éviter ? 

Tous les patrimoines universitaires ne se prêtent pas à la dévolution. Il convient de bien l’analyser avant de se lancer. Certaines universités ont ainsi été amenées à demander une dévolution partielle et non totale. Ensuite, les établissements ne doivent pas construire un modèle économique global basé sur l’immobilier. Si la valorisation d’une partie du patrimoine permet à une université d’entretenir le bâti existant et de se mettre au niveau des standards internationaux, c’est déjà une belle avancée. En parallèle, les établissements peuvent être tentés de conclure des opérations immobilières rentables à court terme mais qui n’exploitent pas tout le potentiel de création de valeur à long terme. La vigilance est donc de mise. Enfin, nous ne devons pas perdre de vue notre mission première consistant à former les étudiants, faire de la recherche et transférer le savoir aux bénéfices des entreprises et des citoyens. 

Comment améliorer le processus de dévolution selon vous ? 

Pour rendre un projet de dévolution soutenable, les universités doivent avoir la capacité d’emprunter. Ce n’est pas le cas aujourd’hui alors que d’autres opérateurs publics peuvent le faire. L’Etat doit faire davantage confiance aux établissements. La puissance publique pourrait également faciliter l’étape de la signature des actes notariés qui prend du temps.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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