Application anticipée du Digital Services Act et amendes pouvant aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial pour les « très grandes plateformes » et les « très grands moteurs de recherche ». L’Union européenne durcit les règles du jeu pour les Gafam, sans pour autant jamais les nommer.

Protéger les citoyens et les consommateurs européens des dérives du Web… Et des Gafam. Tel est l’objectif à peine voilé du nouveau règlement dont vient de se doter l’Union européenne. Officiellement, la Commission européenne cherche à encadrer les activités des services intermédiaires (services de "simple transport", de "mise en cache" ou "d’hébergement") pour "assurer un environnement en ligne sûr, prévisible et fiable" aux internautes européens. Le texte a été publié jeudi dernier au Journal officiel européen, quelques jours après le Digital Markets Act.

Plus d’une centaine de considérants détaillent les ambitions européennes de prévention des risques liés à l’utilisation quotidienne des services numériques par des millions de citoyens de l’UE. Sont visées les atteintes à la dignité humaine, le cyberharcèlement, les risques pour les mineurs, la haine en ligne, la désinformation, les appels à la violence, les tentatives de déstabilisation des élections... Les fournisseurs de services intermédiaires, soit les fournisseurs d’accès à Internet, les messages, les places de marché, les sites de vente en ligne et les réseaux sociaux devront prévenir les utilisateurs des contenus illicites en ligne et leur permettre de signaler des contenus illicites. Le texte, en grande partie applicable à partir du 17 février 2024, devra être respecté avant cette date par les fournisseurs de très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche en ligne. Ils auront quatre mois après la notification de leur désignation comme tels par la Commission européenne pour s’y conformer. L’exécutif européen publiera et tiendra à jour la liste de ces fournisseurs rassemblant un minimum de 45 millions d’utilisateurs (10% de la population européenne). Ce traitement particulier est justifié par les risques "systémiques" aux effets "disproportionnés" que ces entreprises peuvent générer pour la société au regard du nombre d’utilisateurs.

Recherche de transparence et lutte contre les contenus illicites

Des signaleurs de confiance – des organes, associations ou individus labellisés au sein de chaque État en vertu de leurs compétences –, pourront soumettre des notifications relatives à ces contenus aux plateformes qui devront les traiter en priorité. Les fournisseurs du Web devront en outre prévoir un système interne de traitement des réclamations permettant aux utilisateurs dont le compte a été suspendu ou résilié, sans pour autant les priver de la possibilité de contester cette décision auprès d’organismes indépendants et certifiés ou de juges nationaux.

Les systèmes de recommandation qui renforcent la visibilité de certains contenus pour un utilisateur en fonction de ses intérêts personnels devront être mis en lumière et expliqués aux internautes. Les très grandes plateformes et les très gros moteurs de recherche auront à proposer un autre système de recommandation, non fondé sur le profilage. Enfin, les publicités ciblant un public pour des raisons illégales (religion, préférences sexuelles, information sur leur santé ou leurs convictions politiques, l’âge – les mineurs) sont interdites par le DSA, au même titre que les dark patterns, ces interfaces truquées qui amènent l’internaute à cliquer, et donc consentir, à son insu. Chaque pays de l’Union européenne aura son propre "coordinateur des services numériques" (l’Arcom pour la France) tandis que les entreprises implantées dans un pays tiers fournissant des services en ligne aux Européens seront tenues de désigner un représentant légal au sein de l’UE capable de coopérer avec les autorités en place. Les coordinateurs se retrouveront au sein d’un Comité européen avec pour mission : analyser les effets de la nouvelle réglementation et décider de mesures d’astreinte ou de sanctions à l’encontre des entreprises numériques réfractaires au DSA. Quant aux sanctions, chaque État membre les déterminera dans la limite de 6 % du revenu ou du chiffre d’affaires annuel de la société, et de 1% en cas d’informations incorrectes ou de refus d’enquête sur place. En cas de violations graves ou répétées du règlement, un fournisseur de services intermédiaires pourrait se voir interdire son activité.  

Twitter en fera-t-il les frais ? Le nouveau patron de Twitter, qui a célébré son acquisition avec le tweet "the bird will fly" (l’oiseau volera), a reçu dans la foulée un avertissement de Thierry Breton. "In Europe, the bird will fly by our EU rules #DSA", a tweeté le commissaire au marché intérieur. Affaire à suivre.

Anne-Laure Blouin

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