Arnaud Péricard et Maximilien Mattéoli, fondateurs du jeune cabinet Arma créé début 2021, et anciennement associés chez Pech de Laclause Bathmanabane & Associés, reviennent sur l’accompagnement sur mesure de leurs clients, principalement issus de professions réglementées.

Décideurs. Votre cabinet a été créé début 2021, quelles sont vos spécialisations ?

Arnaud Péricard. Arma est un cabinet de droit des affaires principalement dédié à une clientèle de professions réglementées.

Notre cabinet ne fêtera son premier anniversaire qu’au 1er janvier 2022, mais les professions réglementées constituent notre clientèle historique depuis près de vingt ans.

Les professionnels que nous accompagnons sont essentiellement des cabinets de commissaires aux comptes (Big Four et indépendant), d’experts-comptables, de conseil en investissement financier, en propriété intellectuelle, des courtiers et des agents d’assurance et plus récemment des avocats.

À l’origine, nous assistions cette clientèle dans le cadre de contentieux de responsabilité civile, pénale et réglementaire (ordres professionnels, AMF…). Puis, nos clients nous ont demandé de les accompagner plus globalement dans leurs problématiques juridiques, notamment dans leurs contentieux haut de bilan, y compris dans leurs litiges entre associés (ce qui nous amène à traiter ponctuellement de questions de droit social), mais également en corporate puisque nous développons aussi cette pratique au sein du cabinet.

Au-delà des professions réglementées, nous intervenons également aux côtés d’acteurs économiques plus classiques, tels que des entreprises industrielles ou du secteur tertiaire, confrontés à des problématiques qui peuvent être similaires à celles auxquelles nous sommes habitués avec les professions réglementées. Nous intervenons ainsi dans le cadre de la défense de mandataires sociaux, dans le cadre de conflits d’associés, de contentieux post-acquisitions, de litiges contractuels, ou impliquant des questions de droit des assurances.

Maximilien Mattéoli. Les typologies des dossiers que nous traitons sont dictées par les professions que nous défendons ou les acteurs économiques que nous accompagnons.

Ainsi, les conseils en investissements financiers sont souvent sujets à des contentieux de type sériels. C’est ainsi que nous défendons actuellement les intermédiaires mis en cause dans le cadre de la souscription de produits d’investissement qui ont été largement commercialisés, et notamment les produits financiers émis par les groupes Maranatha, Aristophil ou Bio c’ Bon.

Ces dossiers impliquent à chaque fois la gestion de près d’une centaine de contentieux individuels initiés dans la France entière par des investisseurs mécontents, et bien que ces dossiers s’apparentent à des dossiers sériels, chacun doit être travaillé individuellement. Nous refusons la standardisation de la défense de nos clients et préférons le sur-mesure, ce qui est apprécié par nos clients.

Arnaud Péricard. Par ailleurs, comme nous faisons du contentieux pénal et AMF, il nous arrive périodiquement de défendre des conseillers en investissement financier poursuivis par la Commission des sanctions de l’AMF, ou des professionnels du chiffre placés en garde à vue ou mis en examen à l’occasion de dossiers mettant notamment en cause la sincérité des comptes sociaux.

Pour les commissaires aux comptes et les experts-comptables, nous intervenons principalement, sur le plan civil, dans le cadre de contentieux post-acquisition ou d’actions en insuffisance d’actif initiées par des liquidateurs judiciaires.

Actuellement, nous traitons un dossier pour le compte d’un important cabinet d’audit qui a reçu 25 assignations de sociétés ayant déposé le bilan pour un enjeu de 230 millions d’euros.

Maximilien Mattéoli. Pour citer quelques autres exemples d’intervention :

- Nous venons d’assister un cabinet d’avocats et un réseau national d’experts-comptables mis en cause au titre de leur implication dans plusieurs opérations d’acquisitions ;

- Nous avons récemment accompagné un groupe de sociétés d’expertise-comptable et de commissariat aux comptes dans leurs opérations de spin off ;

- Nous avons défendu un conseil en propriété intellectuelle mis en cause au titre d’un dépôt de marque au Moyen-Orient et un autre mis en cause à la suite de la nullité d’un brevet.

Quelles sont vos perspectives pour Arma ?

Arnaud Péricard. Depuis le début de l’année, nous avons une activité très soutenue, qui nous a amenés à recruter une nouvelle collaboratrice au bout seulement de quatre mois, et nous sommes encore en phase de recrutement.

Nos axes de développement sont triples :

- Nous voulons d’abord capitaliser sur notre clientèle actuelle pour continuer à développer notre offre de service, au-delà de l’activité historique de défense que nous réalisons pour elle ; nous avons une réelle connaissance des métiers de nos clients, et des réglementations qui leur sont applicables. Notre objectif est donc de capitaliser sur ce savoir-faire et de devenir un cabinet full service pour ces métiers de niche que nous accompagnons depuis des années ;

- Nous souhaitons également continuer à développer notre activité sur des structures importantes afin de multiplier les dossiers à forts enjeux et à forte valeur ajoutée pour le client. Les dossiers qui nous sont confiés depuis la création du cabinet par de nombreux acteurs institutionnels démontrent que cet objectif est en passe d’être réalisé ;

- Enfin, nous n’excluons pas de diversifier le nombre de professions que nous accompagnons, que nous avons multiplié par six en quelques années.

"En contentieux, aucun dossier n’est gagné ou perdu d’avance."

Arnaud Péricard. La situation est variable en fonction des professions. Par exemple, pour les commissaires aux comptes, il n’y a pas eu de hausse des dossiers, au contraire. En effet, avec la loi Pacte, la profession a fait face à une chute de 40 % de son chiffre d’affaires, ce qui a influé mécaniquement sur le nombre de réclamations. Toutefois, cette baisse est compensée par les montants des demandes : les dossiers sont moins nombreux qu’avant, mais les montants des réclamations sont beaucoup plus importants. Rien qu’en 2021, nous avons été saisis de deux dossiers portant sur des demandes de 85 millions d’euros pour l’un et de 230 millions pour l’autre.

En revanche, nous avons constaté un accroissement des dossiers pour les conseillers en investissement financier, ce qui est lié à l’ingéniosité des monteurs de produits, proposant des investissements atypiques, mais sans que les risques ne puissent être correctement appréhendés par les investisseurs et les intermédiaires. Or, ces produits peuvent être commercialisés à des centaines, voire des milliers d’investisseurs, donc le jour où le produit échoue, le contentieux explose, que ce soit en responsabilité civile, mais également pénale, disciplinaire et en droit des assurances, avec la question de la globalisation des sinistres.

Selon l’un de vos articles, le manquement professionnel ne vaut pas faute civile. Pouvez-vous nous en toucher quelques mots ?

Arnaud Péricard. Il nous arrive de défendre au civil des conseillers en investissements financiers qui ont été condamnés par la commission des sanctions de l’AMF sur le fondement de manquements professionnels prévus par le CMF et le RGAMF. Enfin, nous n’excluons pas de diversifier le nombre de professions que nous accompagnons, que nous avons multiplié par six en quelques années.

Les avocats des investisseurs déçus ne manquent pas de se prévaloir devant le juge civil de ces condamnations pour justifier la caractérisation de la faute à l’origine des pertes de leurs clients, et réclamer une indemnisation à ce titre.

Or, le raisonnement est plus complexe au regard des règles de la responsabilité civile professionnelle : ce n’est pas parce que l’on est condamné à l’AMF que l’on est automatiquement condamné au civil, ce qui s’explique par le fait que les conditions de la responsabilité ne sont pas les mêmes : manquement professionnel ne vaut pas faute civile, laquelle doit avoir été à l’origine d’un préjudice. Nous réussissons d’ailleurs à obtenir de la part des juridictions civiles des décisions de justice favorables au bénéfice de nos clients, alors même que ces derniers ont été condamnés par la commission des sanctions de l’AMF (ou ont signé un accord de composition administrative), parce que nous démontrons que le manquement commis par le professionnel n’a pas empêché son client d’investir dans un produit qui répondait à ses besoins en toute connaissance des risques encourus. En contentieux, aucun dossier n’est gagné ou perdu d’avance. L’analyse approfondie de l’argumentation adverse, le travail des pièces, et les arguments de procédure permettent très souvent de transformer une situation apparemment défavorable en une situation gagnante.

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