Hubert Fabre : "Les notaires sont des chefs d'entreprise qui conseillent des chefs d'entreprise"
Décideurs Juridiques. Quel message adressez-vous, en votre qualité de président de l'association Notaires Conseil d'Entreprise, aux chefs d’entreprise ?
Hubert Fabre. Aujourd’hui et depuis plusieurs années déjà, l’association poursuit deux objectifs phares : promouvoir la pratique du droit des affaires chez les notaires mais également faire connaître le rôle du notaire auprès des entreprises. L’association engage un vrai travail de sensibilisation de sa clientèle de dirigeants. Leur régime matrimonial est-il adapté à leur situation professionnelle ? Que se passe-t-il en cas de divorce ? Comment organiser une succession ? Pour nous, toutes ces questions sont celles auxquelles seuls les notaires peuvent répondre.
La fonction de notaire est très souvent assimilée au droit immobilier et au droit de la famille. En quoi le droit des affaires fait-il partie intégrante de la profession ?
H. F. Il est inhérent à la profession de notaire depuis bien longtemps. Avant la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1960, de nombreux actes de droit des sociétés passaient obligatoirement par le notaire, comme c’est encore le cas en Espagne ou en Belgique par exemple. Progressivement, ce modèle a été abandonné mais historiquement, la présence des notaires auprès des chefs d’entreprise a toujours été marquée. Les entrepreneurs pensent à faire appel à un notaire pour la gestion de leur patrimoine immobilier, de leurs affaires familiales, mais rarement pour le développement de leur entreprise. NCE ne cesse de démontrer que le notaire est pourtant leur interlocuteur privilégié par le biais des différentes rencontres qu’elle organise, que ce soit sur des sujets de création d’entreprise, de protection du dirigeant ou encore de transmission.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
H. F. Parmi les études membres de l’association, certaines fonctionnent comme de véritables départements de droit des affaires de cabinets d’avocats, en accompagnent leurs clients tout au long de la vie des affaires. Tous les notaires ont la fibre entrepreneuriale, s'intéressent à l'entreprise et se comportent comme des chefs d'entreprise (ils le sont de fait).
En quoi le notaire est-il un partenaire stratégique des entrepreneurs ?
H. F. Il connaît les situations personnelles, professionnelles, familiales et financières de son client. Il est doté d’une vision que les autres professionnels du droit et du chiffre n’ont pas : celle du patrimoine professionnel de son client chef d’entreprise d’une part, mais aussi celle de son patrimoine privé. Ce qui l’érige en un interlocuteur privilégié capable de le conseiller sur la gestion de son patrimoine ou de ses actifs, pour se protéger, mais aussi pour protéger son entreprise et sa famille. Grâce à ses compétences juridiques, fiscales et patrimoniales, le notaire intervient de façon complémentaire par rapport aux autres professions du droit auprès d’un dirigeant.
Sur quelles problématiques de droit des affaires l’association NCE est-elle le plus consultée ?
H. F. Les domaines d’intervention de NCE recouvrent l’audit d’entreprise, la création d’entreprise et son développement ou encore sa transmission. Les notaires de l’association sont donc sollicités sur des sujets classiques de droit des sociétés, de droit des affaires, notamment ceux touchant à la cession d’entreprise ou la négociation des protocoles d’accord. Les dirigeants d’entreprises familiales consultent très souvent leur notaire en matière de gouvernance. La mutation des entreprises, de start-up et l’apparition de nouvelles professions, comme celle d’influenceur par exemple, nous amènent à être consultés sur d’autres problématiques juridiques plus spécifiques.
Et depuis peu, cela a-t-il changé ?
H. F. La crise sanitaire a suscité de nouvelles inquiétudes chez certains dirigeants qui nous ont interrogés sur le devenir de leur entreprise ou sur le plan de succession à mettre en place en cas de décès. Inévitablement, des consultations portant sur les baux commerciaux aussi, les mesures de chômage partiel, le PGE ou encore la tenue des assemblées en période de Covid-19 nous ont également occupés.
Selon vous, les notaires sont-ils suffisamment formés au droit des affaires ?
H. F. L’un des objectifs premiers de NCE consiste à les décomplexer vis-à-vis de cette matière. Les membres du réseau reçoivent des formations mensuelles via des conférences interactives sur l’ensemble des problématiques liées au droit des affaires. Ils bénéficient du réseau NCE permettant un échange de bonnes pratiques et une assistance technique en cas de difficultés sur un dossier. Nous souhaitons conserver cette offre attractive pour nos adhérents, mais aussi améliorer le fonctionnement de nos outils collaboratifs. NCE est un vrai espace partagé de communication pour les notaires. Nous avons par ailleurs lancé tout récemment une opération à destination d'étudiants, du 12 mai jusqu'à la fin de l'année universitaire : le Campus Digital NCE. L’association sensibilise même les étudiants, parmi lesquels se trouvent de potentiels futurs notaires.
Pensez-vous que l’interprofessionnalité pourrait développer davantage le prisme "conseil stratégique" dans la profession de notaire ?
H. F. Dans la profession, l’orientation pour un notaire vers le droit des affaires s’effectue après plusieurs années de pratique. S’allier avec d’autres professionnels spécialistes de cette matière pourrait peut-être déclencher ce mouvement plus tôt ou le renforcer.
Propos recueillis par Marine Calvo