Dans le petit monde des juristes d’affaires, tout le monde la connaît. Florence Henriet est celle qui a créé la fonction de business developer dans les cabinets d’avocats en France. Indépendante depuis dix ans, elle fait des étincelles par ses écrits, ses interventions publiques et ses actions confidentielles auprès d’une population de décideurs juridiques. Un savoir-faire multiple pour un esprit unique.

"La vie est une histoire de rencontres et de rendez-vous ratés", écrivait la romancière chilienne Isabel Allende. Un aphorisme auquel Florence Henriet est attachée. Son parcours, ses actions, ses engagements et ses conseils sont le reflet d’une personnalité singulière : pour elle, l’écoute l’emporte sur la parole. Son credo : bâtir sa richesse intellectuelle grâce à celles et ceux qui l’entourent. Au premier chef desquels figurent son mari entrepreneur et ses quatre filles bien sûr, mais aussi l’ensemble des professionnels qu’elle a croisés tout au long de sa carrière jusqu’au pécheur normand qui préside une association dans laquelle elle est active et avec lequel elle discute littérature et gilets jaunes. Impossible de l’oublier lorsqu’on l’a croisée, elle ne se contente pas de laisser un vague souvenir, entretenir ses relations avec sincérité revêtant une grande importance à ses yeux.

La rigueur et l’ardeur

Ceux qui la connaissent le savent bien : Florence Henriet est dotée d’une vision à la fois précise et globale du marché des cabinets d’avocats d’affaires, connaissant jusque dans les moindres détails tout ce qui a trait aux questions d’organisation, de structuration, de relation avec les clients, de positionnement, de développement ou encore d’image. Depuis longtemps déjà, sa zone d’influence s’étend sur l’ensemble du monde des professionnels du droit qui font appel à elle lorsque leur besoin se définit hors du cadre, c’est-à-dire de manière inhabituelle ou lorsqu'ils doivent faire face à une difficulté particulière. Refonder un business model après une séparation d’associés ? Redéfinir l’image d’une structure par rapport à son positionnement ? Donner du sens à une croissance d’effectif trop rapide ? Ressouder un partnership ? Rechercher un expert du business development, piloter un magazine voire rédiger un livre tout entier ? Rien n’est impossible pour Florence Henriet pour peu qu’on lui permette de travailler avec la rigueur et l’ardeur qui la caractérisent. "Pour la préparation du Guide des cabinets d’avocats d’affaires publié en 2016 [aux Éditions du management], j’ai réalisé environ 150 heures d’interview", se souvient celle pour qui il ne faut laisser aucune place au hasard. Un travail titanesque pour lequel elle a identifié et décrit les principaux acteurs du marché par typologie, quitte à créer l’incompréhension – et la déception – chez ceux qui n'y figuraient pas. Un ouvrage dans lequel elle a également livré sa description de l’écosystème cabinets d’avocats d’affaires (médias, classements, associations, think tanks et autres réseaux), fournissant à ses lecteurs le maximum de clés pour les guider dans leur positionnement et leurs actions de communication. "Le marché du droit est tellement spécifique qu’il est impossible de dupliquer une méthode ou des tendances issues d’ailleurs, commente Christophe Roquilly, professeur et directeur de l’Augmented Law Institute à l’Edhec. Florence Henriet y est à la fois légitime est crédible." Les deux experts travaillent aujourd’hui ensemble à la réalisation d’une étude : Droit et ses praticiens vus par les dirigeants, managers et opérationnels.   

Quatre casquettes différentes 

Autre mission hors norme sur laquelle Florence Henriet a été appelée : le Palmarès des cabinets d’avocats du Point pour lequel elle a participé à l’élaboration d’une méthodologie en 2019 puis a siégé dans le jury en 2020. Une mission qui s’inscrit dans la continuité de la publication de ses articles consacrés à la profession d’avocat d’affaires dans la presse spécialisée et de sa nomination au poste de rédactrice en chef du magazine ADN du cabinet August Debouzy. Son secrétaire général Patrick Ramon lui a confié la charge de la publication entre 2016 et 2019 : "Au-delà de sa très belle plume et de sa connaissance du marché des cabinets d’avocats, l’un de ses atouts est son capital sympathie : Florence parvient à déplacer le scénario de base pour creuser, avec curiosité, n’importe quel sujet. Les gens se confient à elle." Respectant une ligne éditoriale tournée vers le droit au service de l’économie et le partage d’idées, elle y a libéré la parole de professionnels de la manière la moins conventionnelle possible.

Rien n’est impossible pour Florence Henriet pour peu qu’on lui permette de travailler avec la rigueur et l’ardeur qui la caractérisent

La variété des interventions de cette diplômée de l’université Paris 2 Panthéon Assas et de l’Institut français de presse s’illustre aussi par son engagement au sein d’un grand nombre d’institutions et associations. Cofondatrice et organisatrice du prix Opéra en 2011, décerné aux meilleures actions de communication des avocats, elle pilote la communication et les relations extérieures de l’institut Droit & Croissance depuis 2012. Membre du conseil d’administration des Assises du droit social de 2017 à 2019, elle est également très impliquée dans deux think tanks majeurs : le Business & Legal Forum et le Global Anticorruption & Compliance Summit notamment depuis 2018 en qualité de directrice de projets. Elle y anime les événements, plusieurs par an. Sa palette de compétences ne s’arrête pas là puisqu’elle a même enseigné à l’École de formation du barreau le développement et le marketing des cabinets d’avocats entre 2011 et 2013. Elle tente de synthétiser : "Finalement, après dix ans d’indépendance, j’ai quatre casquettes différentes : je conseille les cabinets d’avocats sur leur positionnement et leur image, j’écris, j’anime des actions visant à faire évoluer le droit pour quelques organisations et parfois, rarement, je fais de la chasse de business developers."

"Comme des poulets sans tête"

Une confidence qui éclaircit son mode de fonctionnement, principalement basé sur la relation humaine, et où vie personnelle et vie professionnelle s’entremêlent avec aisance. Florence Henriet a la grande faculté de faire tomber les barrières. Creuser le sujet, la personnalité, le besoin et les contraintes lui permet de comprendre le besoin pour ensuite fixer des objectifs clairs. Elle se réfère avec malice à Frédéric Dard : "Tout objectif flou conduit obligatoirement à une connerie bien précise." S’animant lorsqu’elle raconte une histoire, elle jubile à l’écoute de celles des autres, multipliant ainsi ses sources d’inspiration. Sans jamais tomber dans l’expectation. Comme lorsqu’elle navigue dans les eaux de Chausey, un archipel au large de Granville représenté un peu partout au rez-de-chaussée de sa maison en région parisienne. Cette navigatrice considère que s’acclimater aux conditions météorologiques s’apparente à l’adaptation dont il faut faire preuve face à une multitude d’interlocuteurs aux personnalités toutes différentes. Pour innover, la secrétaire du comité des régates de Chausey a besoin d’adhérer aux valeurs de chaque projet qu’on lui soumet, fuyant la complaisance et le politiquement correct.

"J’ai autant appris en discutant avec des chauffeurs de taxi qu’avec des associés à 10 millions de chiffre d’affaires"

C’est d’ailleurs ce qui l’a poussée à ne pas signer dans un autre cabinet en 2010 lorsqu’elle quitte la maison dans laquelle elle a construit sa carrière et sa renommée : "J’ai passé vingt ans à dire que Freshfields était le meilleur, je ne me voyais pas tenir le même discours pour un concurrent." C’est en effet au sein de la firme du Magic Circle que celle qui voulait être avocate "pour la défense des droits" entame son marathon visant à la création des savoir-faire encore balbutiants au sein des cabinets d’avocats en France : la communication, le marketing et le business development. "Même aux États-Unis au début des années 1990, c’étaient encore les prémices", se souvient-elle. Tout comme elle se rappelle d’avoir observé les associés, qui se comptaient à l’époque sur les doigts d’une main, courir "comme des poulets sans tête" après les documents nécessaires à leur pitch, ces démarches commerciales visant à séduire les clients potentiels. C’est alors qu’elle étudie la manière de rationaliser les dossiers de présentation venant au soutien de ces pitchs : description des savoir-faire, des équipes, liste de dossiers déjà finalisés… Puis qu’elle travaille à étoffer le portefeuille clients. Jusqu’à embaucher "des gens bien plus intelligents [qu’elle] pour le faire." Son équipe réunira finalement une douzaine de personnes pour seconder plus de 200 avocats autour de 42 associés.

Ses méthodes ? L’esprit d’équipe d’une part, que ce soit avec ses clients ou depuis plusieurs mois sa partenaire Amélie Lerosier, avec laquelle elle partage de nombreuses missions. Partir de quelque chose d’empirique, d’autre part. Fine observatrice, celle qui a débuté en tant que directrice de cabinet du fondateur de Cora, Philippe Bouriez, aime partir d’un problème identifié pour construire une solution. Elle sait aussi aller chercher les informations et sentir les failles, confiant même passer du temps dans la "faxroom" – qu’on imagine avoir disparu – du cabinet. "J’ai autant appris en discutant avec des chauffeurs de taxi qu’avec des associés à 10 millions de chiffre d’affaires", constate celle qui ne s’est jamais laissée impressionner facilement. Déjà du temps de Philippe Bouriez, elle côtoyait les grands de ce monde, se frottant à leurs exigences et apprenant, tout juste sortie d’Assas, à obtenir ce qu’elle voulait. Sa compréhension des jeux de pouvoir remonte certainement à cette époque.

Pascale D'Amore

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