L’appétit des épargnants pour les SCPI pose questions. Comment les sociétés de gestion gèrent-elles l’important flux de collecte ? Ont-elles travaillé sur la liquidité de ce placement ? Ce secteur a-t-il pris le virage de l’ISR ? Véronique Donnadieu, Déléguée générale de l’Aspim, nous répond.

L'Association française des sociétés de placement immobilier (Aspim) est l’entité qui représente et défend les intérêts des sociétés de gestion de fonds immobiliers non cotés qui gèrent pour le compte d’épargnants et d’investisseurs institutionnels des véhicules d’investissement tels que les Société civile de placement immobilier (SCPI) et les Organismes de placement collectif immobilier (OPCI). En faisant un focus sur les SCPI : le marché compte aujourd’hui 175 véhicules d’investissement gérés par 31 sociétés de gestion pour une capitalisation totale d’environ 60 milliards d’euros.

Décideurs. Vous avez rejoint l’Aspim il y a un peu moins d’un an. Quelles sont vos ambitions pour l’année à venir ?

Véronique Donnadieu. Dans la continuité de ce qui a été impulsé par notre président Frédéric Bol, nous continuons à œuvrer pour une meilleure connaissance de notre activité par les pouvoirs publics, les médias et les investisseurs et concrétiser la contribution de l’immobilier non coté à la création de richesse, à l’emploi et aux territoires, en France. Ce travail se concrétise notamment par la publication d’une étude menée par EY sur l’impact socio-économique de nos fonds et qui outre la contribution à la richesse nationale, illustre combien notre secteur est au croisement de nombreux enjeux structurants pour l’avenir.

La loi Pacte prévoyait certaines dispositions concernant les SCPI qui ont finalement été censurées par le Conseil constitutionnel. Ce texte leur donnait en effet la possibilité de détenir des biens meubles et d’équipement. Le regrettez-vous ? Seront-elles intégrées à un nouveau texte législatif ?

Nous le regrettons d’autant plus que cette censure ne concernait pas le fond des dispositions en elles-mêmes qui étaient légitime puisqu’il s’agissait de permettre aux SCPI de mieux répondre aux besoins des locataires, en évolution constante, en proposant certains services annexes, tout à fait dans le prolongement naturel de l’activité de la SCPI. Ce texte continue de bénéficier du soutien du ministère. Nous travaillons avec le gouvernement pour l’intégrer à un nouveau véhicule législatif.

« Le terme de valeur refuge ne me semble pas approprié pour qualifier le marché des SCPI »

Les SCPI ont collecté plus de 4 milliards d’euros au premier semestre 2019. Avec de tels flux, les sociétés de gestion ne sont-elles pas contraintes d’investir ? Leurs acquisitions ne se font-elles pas dans de mauvaises conditions, alors que les valorisations sont déjà très élevées ?

Les montants collectés témoignent d’un appétit incontestable des épargnants pour ce véhicule d’investissement. Cela ne remet cependant pas en cause la qualité de leur investissement. Les gérants ont, depuis plusieurs années, adapté leur stratégie d’investissement à ces importants volumes. Elles ne sont plus uniquement positionnées sur les marchés français. Leur champ d’action s’étend en Europe et notamment aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique. En 2018, c’est 31 % des acquisitions des SCPI qui s’est effectué en dehors de nos frontières. Cette ouverture permet d’aller chercher d’autres moteurs de performance. Cependant Le marché français offre encore des opportunités. Pour preuve, 13,7 milliards d’euros y ont été investis au premier semestre par les sociétés de gestion.

Le taux de distribution sur valeur de marché (TDVM) moyen des SCPI est passé en l’espace de cinq ans de 5,1 % à 4,35 % l’année dernière. Cette baisse est-elle inéluctable ? Quelles performances anticipez-vous pour 2019 ?

L’immobilier n’a pas échappé au phénomène de compression des taux de rendement depuis cinq ans. La hausse de la valeur du patrimoine a été plus rapide que celle des loyers perçus, mais cette baisse n’est pas inéluctable. On espère une stabilisation du TDVM en 2019. Dans un environnement de taux d’intérêts négatifs, la prime de risque offerte par les SCPI n’a d’ailleurs jamais été aussi élevée.

« Le secteur du bâtiment représente 30% des émissions de gaz à effet de serre »

Durant la crise des années 1990, les épargnants ont eu de grandes difficultés pour vendre leurs parts de SCPI. Les sociétés de gestion ont-elles –travaillé, depuis, sur la liquidité de cet investissement ?

De nombreuses avancées ont été réalisées depuis quinze ans avec, entre autres, le lancement des SCPI à capital variable. Malgré tout, acquérir des parts de SCPI est un investissement de long terme. Les épargnants doivent avoir conscience que ce placement n’apportera pas la même liquidité que des titres cotés. L’Aspim veille cependant à améliorer les règles de fonctionnement de la SCPI pour lui apporter une meilleure liquidité intrinsèque. Nous travaillons actuellement sur des solutions permettant d’offrir une meilleure liquidité. Des acteurs spécialisés sur la blockchain sont également venus nous voir pour apporter de nouvelles solutions. Certains projets sont aujourd’hui bien avancés et pourraient se concrétiser rapidement. 

Les SCPI dépendent fortement des marchés immobiliers et de la conjoncture économique. Pourtant, les sociétés qui les commercialisent communiquent surtout sur la stabilité de l’immobilier, son rôle de « valeur refuge ». Le marché ne mésestime-t-il pas les risques de ce placement ?

Le terme de valeur refuge ne me semble pas approprié pour qualifier ce marché. L’immobilier se trouve, lui aussi, soumis à des cycles qui lui sont propres. Sur une échelle de 1 à 7, le risque inhérent à l’investissement en SCPI est ainsi évalué entre 3 et 4. Le risque de perte en capital est donc bien présent. Cet investissement a un objectif clair : délivrer un rendement régulier sur un horizon de placement supérieur à dix ans, avec l’avantage de présenter moins de volatilité par rapport aux autres classes d’actifs. 

Certains se font écho de risque de bulle immobilière à Paris. Quels sont les retours que vous avez de vos adhérents sur le sujet ?

C’est un risque qui n’est pas anticipé par les acteurs du marché. Des analyses de la Banque de France ont minimisé les perspectives de bulles immobilières à Paris. Les prix reflètent simplement une forte demande.

« Le Label donnera une impulsion pour embarquer tout le secteur vers une démarche ISR »

Un Label « ISR immobilier » va bientôt voir le jour. Que va-t-il apporter, changer ? Les sociétés de gestion proposant des SCPI et OPCI sont-elles aujourd’hui nombreuses à prendre en compte les critères ESG dans leur investissement ?

C’est incontournable, indispensable. Le secteur du bâtiment représente 30% des émissions de gaz à effet de serre et 40 % de la consommation énergétique. Le secteur du bâtiment est aujourd’hui déjà bien appréhendé par la réglementation pour son empreinte « environnementale ». Au-delà de ces questions, nous avons également travaillé sur les aspects sociétaux et de gouvernance. Toutes les sociétés de gestion n’ont pas la même maturité mais elles y viennent et sont incontestablement sur une pente ascendante. Les épargnants sont de plus en plus nombreux à vouloir orienter leur investissement vers des produits vertueux. Et de nombreuses obligations pèsent sur les investisseurs institutionnels en matière d’investissement socialement responsable. En l’absence de standardisation des pratiques, la profession a proposé un référentiel ISR spécifique à l’immobilier. Ce label ISR est soutenu par le ministère de l'Économie et des Finances. L’objectif est de favoriser la visibilité de la gestion ISR et la comparabilité des produits. Nous sommes impatients que ce label soit publié. Il donnera une véritable impulsion pour embarquer tout le secteur vers une démarche ISR.

Quels conseils donneriez-vous à un épargnant qui souhaiterait investir dans des SCPI ?

Il doit être accompagné pour s’assurer que le produit corresponde à ses besoins et son horizon de placement. Le taux de distribution sur valeurs de marché (TDVM), le taux de retour sur investissement (TRI) et le taux d’occupation financier (TOF) sont trois indicateurs majeurs donnant une bonne idée du profil de la SCPI. Il est conseillé d’analyser leur évolution sur plusieurs années. Je recommanderais également aux investisseurs de diversifier leur portefeuille d’investissement.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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