A partir du 2 juin 2016, les banques centrales européennes sont vouées à participer activement au marché européen des obligations « corporate » de catégorie Investment Grade. Cette innovation initiée par la BCE va inévitablement avoir un impact sur le marché, tout comme le plan d’achat d’obligations souveraines avant lui, charge à l’investisseur d’en tirer le meilleur parti…

Le programme d'achat de titres émis par des sociétés (ou CSPP pour «?corporate sector purchase programme?») de la BCE qui vise à favoriser le financement des entreprises et à soutenir l’activité économique va dynamiser durablement l’ensemble du marché «?corporate?».

Plus précisément, la décision de la BCE a pour but ultime de générer directement ou indirectement des effets vertueux pour les entreprises et l’économie européennes par?:

- l’amélioration des conditions de financement des entreprises et leur capacité à investir et ce, y compris sur le segment High Yield,

- le financement des opérations de M&A ou de rachat d’actions favorable au secteur bancaire ainsi qu’à la création de richesse par son effet sur les marchés actions.

 

Resserrement des spreads et quete de rendement

 

Le CSPP aura également pour conséquence de comprimer les rendements, à l’instar de ce qui se produit sur le marché des emprunts d’État. En effet les spreads devraient se resserrer, y compris sur le segment des obligations High Yield. Il s’agit là assurément d’une conséquence voulue par la BCE, les grandes entreprises notées Investment Grade n’étant pas celles qui ont le plus de mal à se financer, le segment High Yield devrait bénéficier de l’intensification de la recherche de rendement des investisseurs. L’ampleur de cet effet mécanique sera toutefois à évaluer au fil du temps en fonction des volumes d’émissions sur le marché primaire, notamment si ceux-ci devaient être supérieurs aux rachats de la BCE.

 

Un aplatissement des courbes de taux qui plaide en faveur du court terme

 

Les rendements des obligations d’entreprises européennes se rapprochent des niveaux historiquement bas atteints au début de l’année 2015 suite à l’annonce du CSPP. Plus de 60?% du marché des obligations d’entreprises Investment Grade offrent des rendements inférieurs à 1?% et certaines obligations s’accompagnent même de rendements négatifs. La courbe des taux s’est ainsi sensiblement aplatie, tout particulièrement sur la partie longue de sorte qu’il n’y a désormais que peu d’intérêt à se positionner sur ce segment.

 

Une accélération des émissions également portée par des refinancements
à moindre cout et de potentielles opérations stratégiques

 

Après un début d'année médiocre, les émissions d’obligations en euro se sont accélérées et ont même atteint (hors émetteurs financiers) 28?milliards d’euros au cours du seul mois de mai. La plupart des émetteurs s’étant tournés vers le marché semblent s’employer à optimiser la structure de leur capital en émettant de la dette à long terme. Les émetteurs éligibles au CSPP ont été les plus actifs en émettant des obligations avec une échéance de près de dix ans. Au cours des mois à venir, nous nous attendons à voir un plus grand nombre d’émetteurs racheter leur dette à plus court terme et émettre du papier à long terme afin de réduire leurs coûts de financement?; selon les estimations de Morgan Stanley, cela pourrait représenter jusqu’à 3,3?% pour un émetteur noté BBB1.

à terme, la réponse pourrait évoluer vers un ré-endettement en vue de procéder à des rachats d'actions et des opérations de M&A financés par emprunt, en particulier compte tenu de la faiblesse des rendements offerts aux liquidités non utilisées aux bilans. Toutefois, en dépit de fortes incitations, les entreprises ne montrent que peu d’empressement à faire cela et devraient continuer ainsi tant que la croissance européenne ne témoignera pas d’une notable accélération.

 

Le risque de volatilité sur le marché des obligations d'entreprises

 

Le programme de la BCE pose question sur le marché relativement peu liquide qu’est celui des corporates puisqu’il pourrait entraîner un fort assèchement de la liquidité et donc de fortes poussées de volatilité. Sur ce point, il y a fort à parier que la BCE soit extrêmement prudente et que le CSPP monte très progressivement en charge, le but n’étant assurément pas de créer un stress sur le marché des corporates mais de favoriser son expansion. Les détails du programme quant à sa montée en charge étant d’ailleurs encore attendus en ce premier jour de juin.

 

Le point de vue du gérant de fonds obligataire

 

Chez Fidelity, nous demeurons positifs à l’égard du crédit Investment Grade européen, ce qui est illustré par la surpondération de la dette des entreprises non financières au sein de nos portefeuilles. à court terme, le programme d’achat pourrait décevoir dans la mesure où les banques centrales ne sont pas habituées à négocier ces instruments et des problèmes de démarrage sont donc probables. De plus, le référendum au Royaume-Uni est imminent et pourrait entraîner un fort regain de volatilité, dès lors, tout élargissement des spreads offrirait l’occasion de renforcer les positions de forte conviction. C’est la raison pour laquelle nous avons dégagé des liquidités et également en prévision d’un marché primaire soutenu.

Dans la mesure où la courbe des taux s’est aplatie, il n’y a désormais que peu d’intérêt à adopter une duration plus longue?; les rendements supplémentaires sont plus attractifs aux niveaux inférieurs de la structure du capital et auprès d’émetteurs notés BB. En conséquence, nous continuons de marquer une préférence pour la dette subordonnée des établissements financiers et avons accru le risque lié à cette classe d’actif depuis l’annonce du CSPP. Nous restons également confiants à l’égard de la dette des émetteurs «?crossover?» qui sont désormais plus incités que jamais à retrouver un statut Investment Grade afin de devenir éligibles aux achats de la BCE. Les coupons plus élevés offerts par ces deux catégories de dette devraient conférer une certaine protection contre la volatilité qui pourrait intervenir au cours des prochaines semaines et offrir d’importants rendements à nos investisseurs. Cette situation est la plus manifeste au sein de notre fonds FF Euro Short Term Bond Fund qui continue de générer un rendement de plus de 1?%, alors même que celui de l’indice est tombé en territoire négatif.

 

David Simner, directeur de la recherche quantitative, Fidelity International

 

1. Source?: Morgan Stanley, European Credit Strategy : Making the best of low yields, 20 mai 2016. Le risque de volatilité sur le marché des obligations d'entreprises

2. David Simner est gérant d’une gamme de fonds obligataires chez Fidelity International don’t les fonds FF Euro Short Terme Bond Fund et FF Euro Corporate Bond Fund.

 

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