C’est enfin le bon timing pour Olivier Cousi : l’avocat qui a fait toute sa carrière chez Gide se lance dans la campagne pour le bâtonnat de Paris. Son niveau de tolérance face à la mauvaise réputation de la profession est notamment dépassé.

En décembre 2014, Olivier Cousi publiait un pamphlet intitulé J’ai l’honneur de ne pas vous demander votre voix. Il y expliquait sa colère face au mal-être d’une profession malmenée à l’époque par la loi Macron. L’avocat, décontracté et apprécié par ses pairs, confiait alors qu’il briguerait le mandat de bâtonnier de Paris, mais pas pour cette fois.

 

« On danse au-dessus d’un volcan »

À présent, les choses ont changé. Le moment est venu de tenter de prendre les rênes d’un Ordre qu’il dit lui-même « désenchanté ». « Ma colère est profonde puisque la profession d’avocat est mal considérée, le rôle de la défense est sous-évalué dans le tissu social. On parle mal des avocats, la ligne entre optimisation fiscale et infraction pénale est de plus en plus ténue et le secret professionnel est contesté de toute part. » Un bon timing pour en découdre sur un nombre d’élèves-avocats trop important, la concurrence menaçante des legal tech, le sentiment d’isolement de ses confrères, les grandes difficultés professionnelles de certains d’entre eux, le déficit du financement de l’aide juridictionnelle, le désintérêt des pouvoirs publics, etc. Conservant son sourire bienveillant, Olivier Cousi enfonce le clou : « On danse au-dessus d’un volcan. »

Il est trop tôt pour définir un programme dans le détail, mais les grandes lignes sont posées. Il fera de l’économie des dépenses de l’Ordre le meilleur moyen de recentrer ses actions sur les confrères. Il juge cependant illusoire de diminuer les cotisations, une mesure qu’il qualifie de démagogue. « Un Ordre puissant doit être respectable et respecté, insiste-t-il, c’est-à-dire qui arrive à se faire entendre par les clients, les avocats et les pouvoirs publics. » Pour redonner à l’Ordre son panache, Olivier Cousi a choisi Nathalie Roret pour binôme. L’ancien membre du conseil de l’Ordre (2010-2012) exerce en droit pénal des affaires et de l’environnement depuis vingt-quatre ans dans le même cabinet, Farthouat Avocats. « Elle a beaucoup de qualités que je n’ai pas », confie Olivier Cousi, qui met l’accent sur l’engagement de Nathalie Roret auprès des personnes qui l’entourent. Capacité d’empathie, forte volonté d’aider, engagement dans ses combats, l’avocate attire, selon son binôme, une sympathie immédiate. Elle tient sa réputation de diplomate des dossiers médiatiques qu’elle a suivis durant des années, comme la défense du P-DG de Buffalo Grill plongé dans le scandale de la vache folle.

 

Fabriquer son métier

Le profil professionnel d’Olivier Cousi est différent. Fils d’avocat, diplômé de Sciences-Po et de droit, il voulait être diplomate, un rêve qui s’effondre lorsqu’il échoue à l’oral de l’ENA. Avec un DEA en régulation des autorités administratives indépendantes, il est accueilli dans le cabinet de Michel-Paul Escande, le pape de la propriété intellectuelle. Puis, son diplôme de l’Institut français de la presse en poche, il intègre en 1985 le cabinet d'Henri Ader qui lui offre la formation nécessaire pour démarrer sa carrière en droit de la presse. L’avocat croise ensuite la route de Frédéric Nouel et rejoint Gide pour se plonger dans le dossier de la création de La Cinq. Il monte ainsi le département médias du cabinet, « fabrique son métier », ce qui lui fait dire, toujours plongé dans sa vision de l’avocature : « Finalement, les avocats ont toujours innové ». Même exercice en 1996 lors de la privatisation de France Télécom. Dans les années 2000, Olivier Cousi part en Afrique pour accompagner l’ouverture des marchés, aider à la rédaction de la réglementation dans trente-cinq pays différents et contribuer à la création des autorités de régulation.

 

« Finalement, les avocats ont toujours innové »

 

« Où avez-vous garé votre Porsche »

Ces dossiers marquants n’ont pas atténué son attrait pour la distraction. Jeune avocat, Olivier Cousi fonde la Ligue d’improvisation du barreau de Paris (Libap) avec Stéphane Lataste, ce qui l’amène à défier des acteurs professionnels au Bataclan les lundis soir. Onzième secrétaire de la Conférence en 1987, il organise une Berryer pour Serge Gainsbourg, « rare et délicat malgré les apparences ».

Une autre rencontre qui marquera sa carrière : Dominique Tricaud. Il partage avec son confrère sa passion de la voile, et la propriété d’un bateau. Aujourd’hui, ils sont tous les deux embarqués dans Avocats Debout, le collectif qui, chaque soir, dispense des consultations juridiques gratuites place de la République à Paris. « Où avez-vous garé votre Porsche », lui lance-t-on alors. De quoi confirmer la mauvaise réputation de la profession dans la cité. La démarche est pourtant sincère, une manière de plonger l’avocat au cœur des préoccupations des citoyens. Parmi les questions banales des manifestants sur les saisies, les droits d’auteur, les licenciements ou le droit fiscal, Olivier Cousi tombe à pic pour se prononcer sur le volet juridique de la coupure par YouTube des diffusions de Nuit debout.

Le candidat souligne la démarche politique et militante d’Avocats Debout, comme il revendique sa participation à Open Law. Il travaille actuellement avec l’association pour la création d’une charte de déontologie des legal tech, afin d’éviter le sous-traitement du conseil juridique aux avocats. « Dans la nouvelle économie numérique, le conseil juridique est le monopole des avocats et des professions réglementées, qui ne sont pas toujours les mieux placés pour offrir un service d’information juridique en ligne, explique Olivier Cousi. Entre les plateformes de services juridiques en lignes et les professionnels du conseil juridique, il y a une complémentarité, Il faut que les uns aident les autres  pour aboutir à une convergence des principes éthiques et de compétence de l'ensemble des acteurs vers la déontologie des avocats, la plus exigeante. C'est par exemple ce que nous essayons de mettre en place dans le cadre d'Open Law. » Il s’adresse alors aux plus jeunes avocats, avec lesquels il aime discuter à la fin de ses cours à l’École de formation. Ceux-ci, en retour, lui confient leurs inquiétudes quant à l’avenir de la profession. « Ils sont trop souvent déçus et résignés, soupire l’avocat, alors que le droit est partout et que de belles perspectives s'offrent à eux dans des domaines extrêmement variés. » Résignés à exercer leur métier dans un contexte de concurrence accrue. Olivier Cousi sait qu’au centre de son programme il mettra le contrôle de la sélection à l’entrée de la profession et incitera à aller chercher du travail ailleurs, en province, à l’étranger et en entreprise. Pour ceux qui restent ? Ils doivent accepter l’idée selon laquelle les cabinets qui recrutent exigent des curriculums vitae au double cursus et spécialisés.

 

Comme l’IBA

Pour les jeunes comme pour les moins jeunes, Olivier Cousi souhaite inscrire le mandat du prochain bâtonnier dans la continuité de celui de Frédéric Sicard et « construire l’unité dans la durée ». Un objectif dont il assure l’efficacité par l’expérience : « L'Ordre peut aider les confrères, le bâtonnier Yves Repiquet m’avait confié la mission de former une réunion de confrères à Paris à l’image de l’International Bar Association, se souvient-il. Nous avons créé Campus en 2007 au Jardin d’Acclimatation, une vrai réussite qui fédère les avocats parce qu’elle apporte du contenu, qu’on s’y amuse et que le rendez-vous est donné chaque année. » Le prochain rendez-vous que l’avocat garde en ligne de mire : les élections du bâtonnat 2018, que Frédéric Sicard hésite encore à fixer la semaine 48 ou celle d’après, pour cause de primaires à la présidentielle. Ce qui laisse encore quelques mois au ticket Cousi/Roret pour convaincre ses confrères de l’intérêt de sa candidature. Quant à son adversaire le plus dangereux, impossible de se prononcer pour le moment, mais de manière certaine, Marie-Aimée Peyron s’engage avec Basile Ader. Kami Haeri devrait également se présenter, tout comme l’inévitable Jean-Louis Bessis.

 

Pascale D’Amore

Prochains rendez-vous

02 octobre 2024
Sommet du Droit en Entreprise
La rencontre des juristes d'entreprise
DÉJEUNER ● CONFÉRENCES ● DÎNER ● REMISE DE PRIX

Voir le site »

02 octobre 2024
Rencontres du Droit Social
Le rendez-vous des acteurs du Droit social
CONFÉRENCES ● DÉJEUNER  

Voir le site »

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2024