Projet porté depuis fin 2014 par Hubert Flichy, le Centre d’arbitrage national du travail (CNAT) a peaufiné les derniers détails de son entrée en scène.

Décideurs. Comment est née l’idée d’un centre d’arbitrage dédié au droit du travail ?

Hubert Flichy. La création est d’abord issue du constat des difficultés de fonctionnement des juridictions sociales et de la difficulté pour elles de régler certaines affaires, spécialement en matière de contentieux mixtes entre les dirigeants d’entreprise et les salariés. Les contentieux prud’homaux prennent aujourd’hui plusieurs années, ce qui est un drame pour les salariés qui aspirent à une nouvelle vie professionnelle. Un autre constat était celui des difficultés, et de la violence parfois, des contentieux collectifs. Le recours à l’arbitrage offre à tous ces conflits une solution rapide et plus apaisée. Depuis longtemps, des arbitrages ad hoc ont été menés en matière sociale, mais de manière très confidentielle. L’idée de développer l’arbitrage tout en l’institutionnalisant, sans toutefois le généraliser, est ainsi née.   

 

 

Décideurs. Qu’en est-il de la légalité du recours à l’arbitrage en droit du travail, les conseils prud’homaux disposant d’une compétence exclusive pour trancher les litiges entre employeurs et salariés ?

H. F. L’exclusivité prévue par le code du travail signifie seulement que parmi les juridictions étatiques, seul le conseil de prud’hommes peut régler un contentieux entre salarié et employeur, à la différence de ce qui a existé à l’époque où le tribunal d’instance et le tribunal de commerce étaient également compétents pour statuer sur ces litiges. Mais les parties au procès prud’homal ont toujours eu la possibilité d’une part de transiger et, d’autre part, de confier leur litige à l’arbitrage, soumis aux dispositions classiques du code de procédure civile. Le compromis, signé postérieurement au litige, est donc parfaitement valable et opposable aux deux parties. Quant à la clause compromissoire insérée dans un contrat de travail international, elle n’est pas nulle mais seulement inopposable au salarié. Il pourra donc choisir de se soumettre ou non à l’arbitrage, la clause étant opposable à l’entreprise.

 

 

Décideurs. Le CNAT prend ses quartiers dans les locaux de l’Association française de l’arbitrage. Où en est-il dans son développement ?

H. F. L’AFA nous a proposé d’héberger le CNAT, nous permettant de limiter les frais, ce qui était important compte tenu de la jeunesse du projet. Le Centre est désormais opérationnel. Les statuts, le règlement d’arbitrage et les tarifs sont élaborés. Ces documents seront bientôt accessibles puisque le site internet du Centre est en cours de création. Le règlement a été rédigé avec mon confrère Henri-José Legrand et le professeur Thomas Clay, qui sont les vice-présidents du Centre. Plusieurs confrères ont également été sollicités. Nous avons par ailleurs reçu près de 270 soutiens au projet, dont beaucoup d’avocats et quelques universitaires.

 

 

Décideurs. Que prévoit le règlement quant aux frais de l’arbitrage ?

H. F. Le vrai sujet, au sein du règlement, a été la tarification, car elle devait être raisonnable pour ne pas être dissuasive et s’adapter aux types de litiges que nous couvrons. À titre d’exemple, pour un litige d’un montant de 200 000 euros, les frais administratifs s’élèvent à 1 900 euros et les honoraires à 3 000 euros pour un arbitre unique. Nous sommes ainsi loin des tarifs pratiqués dans des grands centres internationaux. Les parties ne supportent pas les frais à parts égales puisque la TVA est déductible pour l’une et pas pour l’autre. Le système prévu est donc pour trois quarts à la charge de l’employeur et le quart restant à celle du salarié.

 

 

Décideurs. Qui sont les arbitres du CNAT ?

H. F. Nous n’avons pas de liste préétablie, ni figée. Tous les membres du conseil d’administration ont vocation à devenir arbitres. Les parties choisissent qui elles veulent. En pratique, nous ferons souvent appel à d’anciens magistrats lorsqu’un arbitre unique, ou le troisième membre du tribunal, devra être désigné par le centre. Mais c’est une question à laquelle nous réfléchissons encore car faire appel à des professionnels autres que juristes peut être délicat. L’étiquette « pro salarié » de certains professionnels pourrait en effet poser problème au regard de l’indépendance et de l’impartialité de l’arbitre.

 

 

Décideurs. Ce centre national est-il ouvert à l’international ?

H. F. En créant le CNAT, l’idée est de pouvoir régler les litiges entre les dirigeants et les salariés mais aussi les litiges au sein des groupes internationaux. Ils seront peut-être même parmi les premiers à solliciter le Centre. Les pays anglo-saxons sont en effet très favorables à l’arbitrage en droit du travail. Il en va de même en Israël, où les juridictions – qui ressemblent de très près aux conseils prud’homaux français – n’ont pas du tout été réfractaires à la création, en parallèle, d’une procédure d’arbitrage pour statuer sur les litiges relevant du droit social.

 

 

Décideurs. À quand le premier arbitrage du CNAT ?

H. F. J’espère le plus vite possible. Le Centre a déjà été approché par des confrères et nous organisons, en janvier 2016, une grande manifestation en vue de célébrer sa création.

 

 

Propos recueillis par Alice Mourot

 

 

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