Qui est la nouvelle présidente de l’UJA et quels sont ses projets pour les jeunes avocats du barreau de Paris ? Entretien.

Décideurs. Quelle avocate êtes-vous ?

Aminata Niakate. J’ai 34 ans. J’exerce aujourd’hui en droit des sociétés et en fiscalité des entreprises dans mon propre cabinet, créé fin 2011. Je suis membre du barreau pénal et assume des commissions d’office en droit pénal et en droit des étrangers pour apporter un aspect plus humaniste à mon exercice professionnel. Je ne me destinais pas au métier d’avocat mais les avocats rencontrés à l’occasion d’un stage m’ont encouragée à passer le barreau. Après cinq ans passés chez Cygler & Pérais (devenu Cygler & Associés) comme stagiaire, juriste salariée, puis avocate, j’ai intégré une structure un peu plus grande en droit des affaires, SBKG, où je suis restée un an. J’ai ensuite décidé de m’installer pour pouvoir consacrer un peu plus de temps à mon engagement politique chez Europe Écologie Les Verts et à mes missions au sein de l’UJA.

 

Décideurs. Un renouvellement chaque année, avec un nouveau président connu à l’avance. Pourquoi ?

A. N. Nous avons une sorte de Dauphinat à l’UJA de Paris avec un premier vice-président élu en assemblée générale en même temps que le président par tous les adhérents de l’UJA. Il a vocation à être candidat à la présidence l’année suivante et à préparer son mandat pendant son année première vice-présidence. C’est au stade de cette élection qu’il peut y avoir de la concurrence et des challengers. Un an de présidence peut paraître très court mais la première vice-présidence allonge à deux années complètes la durée d’un engagement très intense et chronophage à un moment clé de la vie professionnelle des jeunes avocats. Il est très difficile de s’engager plus longuement. Il est souvent arrivé qu’un président de l’UJA voie son contrat de collaboration rompu ou son association compromise en raison de son engagement à l’UJA.

 

Décideurs. Quels sont les objectifs de votre mandat ?

A. N. J’ai à cœur de poursuivre l’engagement de l’UJA (association à vocation syndicale) pour les jeunes avocats. Nous voulons continuer à être des militants de terrain qui défendent les collaborateurs lorsqu’ils rencontrent des difficultés dans leur cabinet, qui aident les jeunes confrères à construire leur projet professionnel, leur donnent des outils pour développer leur clientèle personnelle, les accompagnent au stade de l’installation et de l’association.

Nous voulons également être lanceurs d’alerte en matière de libertés, développer des relations privilégiées avec nos confrères étrangers, réfléchir à la formation des futurs avocats parisiens…

 

Décideurs. Quelle relation entretenez-vous avec l’Ordre ?

A. N. L’UJA interpelle régulièrement l’Ordre et le bâtonnier sur les questions qui intéressent les jeunes avocats. Elle a organisé le débat des candidats au bâtonnat en juin dernier. Nous présentons chaque année des candidats au conseil de l’ordre pour porter au sein de l’institution ordinale la voix des jeunes avocats.

Il y a un profond malaise et une contestation grandissante de l’institution ordinale. De nombreux confrères, en grande précarité, attendent des réponses de l’Ordre à leurs difficultés. Il doit accompagner le développement des cabinets et parfois apporter aux confrères des réponses sociales quand cela est nécessaire. Nous échangeons régulièrement avec le bâtonnier actuel et ses représentants à l’Ordre et nous leur présentons nos travaux et propositions sur tous les sujets sur lesquels nous nous investissons. J’espère que Frédéric Sicard maintiendra la réunion trimestrielle qu’organise le bâtonnier actuel avec tous les syndicats de la profession et ces traditions d’échanges avec les syndicats.

 

Décideurs. Vous avez créé votre propre cabinet très tôt. Comment éviter l’installation synonyme de voie de garage ?

A. N. L’installation doit être une décision et une démarche qu’il convient de préparer. Lorsque l’installation n’est pas un choix, qu’elle est motivée par une impossibilité d’association ou une collaboration qui se passe mal, elle est le reflet d’échec. Si quelques collaborateurs n’envisagent pas l’installation, l’immense majorité des confrères a l’âme libérale et développer sa clientèle personnelle ou ouvrir son propre cabinet est une entreprise parfois périlleuse.

L’installation est un passage difficile puisqu’il faut assumer des charges financières assez lourdes sans garantie de chiffre d’affaires pendant les premiers mois, ce qui exige de provisionner ou de s’endetter. Et il faut aller chercher les clients un par un.

L’UJA est là pour accompagner les confrères à ce stade de leur vie professionnelle. Elle propose des formations et des ateliers, une journée du jeune avocat (la prochaine aura d’alleu lieu à l’EFB le 15 octobre prochain) pour donner aux confrères les clés de l’installation et de l’association, des « petits trucs ». À titre d’exemple, il m’aura fallu attendre ce type de rencontres pour regretter d’avoir distribué pendant des années la carte de visite du cabinet dans lequel j’étais collaboratrice plutôt que de m’en créer une et de la distribuer !

Il faut aussi apprendre à développer et à exploiter ses réseaux, explorer les nouveaux marchés du droit, entamer la révolution technologique de la profession, améliorer la transparence sur nos honoraires, etc. Nous sommes des entrepreneurs et, à la sortie de l’EFB, nous ne sommes pas assez formés à la tenue d’un bilan, à la gestion de notre trésorerie, à la communication, au management, au développement de notre clientèle, à la gestion des ressources humaines, etc.

Nous envisageons de mettre en place de nouvelles formations sur le développement de la clientèle personnelle pendant la collaboration. Nous voulons réfléchir à la question de l’apport d’affaires. Les avocats sont très souvent des apporteurs d’affaires pour leurs confrères.

 

Décideurs. Quelle est votre position sur l’avocat en entreprise ?

A. N. L’entreprise a des besoins en droit et est légitime à solliciter des conseils juridiques sous la protection d’un secret professionnel. L’avocat dont les correspondances et consultations sont couvertes par le secret professionnel est donc le mieux à même de répondre à ces besoins au sein de l’entreprise, sous réserve qu’il puisse rester véritablement indépendant. La FNUJA propose un statut d’avocat libéral en entreprise pour répondre à ce besoin. Nous allons participer à ces travaux et réfléchirons aux meilleures garanties d’une indépendance véritable pour l’avocat en entreprise.

En revanche, je ne suis pas favorable à la création d’un legal privilege pour les juristes d’entreprise. Cela reviendrait à créer une sorte de sous-secret professionnel protégeant de manière morcelée quelques actes isolés et non l’intégralité des échanges entre l’entreprise et son conseil. Le secret professionnel est déjà attaqué de toute part – avec la loi sur le renseignement notamment –, il est dangereux d’ouvrir cette boîte de Pandore et de prendre le risque que ce legal privilege des juristes d’entreprise ne devienne la norme pour les avocats au dépriment d’un secret professionnel plus protecteur pour les justiciables et les entreprises.

 

Décideurs. Et sur l’ouverture du capital des cabinets à des non-avocats ?

A. N. Il est certain que les cabinets d’avocats ont besoin d’investissements, de financements. Les jeunes avocats ne disposent pas forcément d’un pécule familial à disposition ou d’un patrimoine. Les banques peuvent être aussi très exigeantes, plus que des investisseurs parfois. L’action de groupe peut être un bon exemple d’application concrète de ces sources de financement : sans capitaux externes, il est inenvisageable pour de nombreux cabinets d’engager ce type de procédures très coûteuses. Et nous sommes, à l’UJA, ouverts à la réflexion sur cette question. Si l’ouverture du capital à des non-avocats préserve l’indépendance intellectuelle des avocats, nous y pourrions être favorables. Si l’ouverture du capital des cabinets doit être une réalité demain, chaque avocat devra bien évidemment rester libre de choisir s’il souhaite ou non y recourir.

 

Décideurs. Quelle action de Valence Borgia, à qui vous succédez, souhaitez-vous saluer ?

A. N. Valence Borgia est, avec le laboratoire de l’égalité, a l’initiative de la signature par l’Ordre, le CNB et d’autres représentants de professions libérales du pacte pour l’égalité femme-homme dans les professions libérales. C’est un immense progrès. Rien que pour avoir réuni l’Ordre et le CNB sur ce sujet, je suis très admirative !

 

Propos recueillis par Pascale D’Amore

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