État des lieux, après dix-huit mois d’existence, de la commission affaires publiques du barreau de Paris.

Le passage en force de la loi Macron a balayé d’un revers de 49-3 les efforts de lobbying déployés par les avocats. Exit les soixante-cinq rencontres avec les parlementaires, les deux auditions devant la commission spéciale, les trente-sept amendements, les six contributions et les deux-mille courriers envoyés aux parlementaires. Les avocats se battent pour se faire entendre mais se heurtent parfois à un mur, à l’instar de l’absence totale de concertation au sujet de la loi renseignement, « vendue comme une lutte contre le terrorisme alors que c’est une violation des libertés fondamentales » selon Nicolas Corato, directeur des affaires publiques. Leur influence a encore été très limitée dans le cadre de la loi Justice du 21ème siècle – présentée en conseil des ministres fin du premier semestre 2015 – une loi « faite par et pour les magistrats » analyse le directeur des affaires publiques… En dépit des déconvenues, la commission affaires publiques dévoile ses coulisses et rappelle que le lobbying par et pour la profession d’avocat est bien en marche !


Esprit revanchard


Nicolas Corato affirme en effet qu’« un contact est renoué avec les pouvoirs publics ». Aurait-il été rompu ? Il est vrai que le lobbying n’a pas toujours eu le vent en poupe. C’est en 2008 seulement qu’un rapport sur ce sujet, déposé devant l’Assemblée nationale par Jean-Paul Charié, invite à « favoriser le lobbying au lieu de le craindre ». Et si l’activité de lobbying est aujourd’hui beaucoup moins décriée, la profession d’avocat souffre d’un contexte politique délicat, confrontée à « l’esprit revanchard de la gauche » après les années fastes sous le mandat de Nicolas Sarkozy, comme l’indique Joshua Adel de l’agence Proches. Néanmoins, la commission affaires publique a su donner une nouvelle orientation à sa manière d’influer sur les lois. Partant du constat que « ce n’est plus dans l’univers traditionnel que se font les décisions » selon Nicolas Corato, le lobbying dépasse désormais les seuls ministères de la Justice et de l’Intérieur pour couvrir un champ politique beaucoup plus vaste (Éducation nationale, Économie, Santé et Droit des femmes, Travail et Emploi, etc.). L’intervention des avocats est ainsi étendue à d’autres interlocuteurs pour mieux se faire entendre.


Méthodologie


La commission affaires publique s’est adjoint les services d’une agence conseil en stratégies d’influence. L’agence Proches accompagne le barreau de Paris dans sa stratégie de lobbying depuis la création de la commission. Car si l’avocat dispose des connaissances techniques, le processus de lobbying a besoin d’une méthodologie. À ce titre, les consultants forment une passerelle entre les idées des avocats à porter et les parlementaires. Alexia Goloubtzoff, consultante, pointe du doigt un problème qui ne réside pas dans la prise de contact avec les parlementaires mais dans la prise de position des avocats qui devrait se faire très en amont. En effet, dans le processus d’élaboration de la loi, les avocats n’interviennent principalement que lors de la première lecture, entre la commission parlementaire et la séance publique. Ils devraient pourtant agir plus tôt, au niveau du Conseil d’état et du Conseil des ministres : « la bonne gestion du temps législatif est un prérequis pour l’action de lobbying » selon la consultante, d’où l’importance du recours à des professionnels.


Invités à être proactifs


Leïla Aichi, sénatrice invitée par le barreau de Paris à s’exprimer sur le sujet, considère « qu’il est important de faire du lobbying en rencontrant les présidents des groupes politiques et des commissions », et de se battre contre les textes liberticides. Le député des Hauts de Seine Thierry Solère souligne également la nécessité d’entendre les avocats et les invite « à être proactifs ». En 2008, le rapport de Jean-Paul Charié relevait : « Dans un monde de plus en plus complexe, comment réussir une politique sans associer à sa définition ceux qui la mettent en œuvre ? ». Le lobbying de la profession d’avocat s’impose aujourd’hui comme une véritable nécessité. Le public s’est enfin interrogé sur le lobbying des experts-comptables : « serait-il meilleur que celui des avocats ? ». Ce lobbying existe depuis dix-huit ans. Le lobbying de la profession d’avocat lui, est jeune, mais les acteurs déterminés à le faire vivre.

 


Photographie : conférence Campus du 7 juillet « Affaires Publiques, loi Macron, loi Renseignement : entrez dans les coulisses du lobbying de la profession d’avocat ». De gauche à droite : Louis Degos (avocat, délégué du bâtonnier aux affaires publiques), Leïla Aichi (sénatrice), Thierry Solère (député de la 9ème circonscription des Hauts-de-Seine), Pierre-Olivier Sur (bâtonnier de l'Ordre des avocats à la cour de Paris)


AM

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