Premier cabinet français en termes de rentabilité, modèle de solidité et d’excellence, Darrois Villey Maillot Brochier traverse une nouvelle phase de son existence. Encore une fois, l’équipe est préparée et très bien armée pour maintenir le haut niveau de la structure.
Une tribune de Jean-Michel Darrois dans la presse, des départs d’avocats, une nouvelle gérance, des nominations d’associés, Darrois Villey Maillot Brochier fait parler de lui plus qu’à l’habitude. Rumeurs et questions se multiplient quant à l’organisation de la succession du plus prestigieux cabinet d’avocats d’affaires français. Élément de réponse fondamental : point de succession à l’horizon, mais une continuité.

Beaucoup de bruit
D’abord il y a eu en décembre le départ pour Freshfields d’Hervé Pisani, expert reconnu en M&A, après dix ans passés chez Darrois. Il est aussitôt propulsé à la tête du département corporate. Puis, quelques jours après, sept avocats dont un partner annoncent leur nouvelle association avec Olivier Loizon, en provenance de Cleary Gottlieb. Sous la houlette de David Scemla, associé expert en M&A et private equity, le cabinet Scemla Loizon Veverka & de Fontmichel ouvre ses portes. Le mouvement est inédit chez Darrois et, au sein du cabinet, les avocats se disent surpris par cette annonce. Les associés de Darrois gardent tout de même la tête haute, et avancent qu’ils n’auront pas de mal à remplacer les départs puisque le cabinet ne perd pas un pôle tout entier, les compétences étant dispersées. Plusieurs embauches sont en cours : «?Nous ne recruterons pas poste par poste, précise Didier Théophile, associé cogérant, nous allons essentiellement accueillir des avocats en début de carrière pour reconsolider nos équipes en corporate et contentieux.?» L’annonce fait tout de même beaucoup parler, inquiète certains, en rassure d’autres, notamment les cabinets qui ont récemment subi des départs : ça arrive même chez Darrois.

«?Il n’y aura pas de successeurs?»
La seconde source de causeries : l’entretien accordé par Jean-Michel Darrois aux Échos le 23?janvier dernier au cours duquel il annonce : «?Je transmettrai le solde de mes parts à la fin de cette année.?» La question qui suit logiquement cette déclaration : à qui ? Les deux associés gérants du cabinet, Didier Théophile et Olivier Diaz, souhaitent préciser : «?À ceux qui se posent la question de la cession des parts de Jean-Michel Darrois, la réponse est simple : il n’y a pas de cession de clientèle ni de part du cabinet. Nous fonctionnons par rémunération en pourcentage, système dont on sort l’année de ses 65 ans.?» 65 ans est donc l’âge à partir duquel les associés se retirent peu à peu du mode de rémunération par pourcentage, pour passer à un système de rémunération fixe. C’est le cas pour Philippe Villey et Alain Maillot (qui restent très actifs). Ce système, applicable à tous, a été imaginé il y a une dizaine d’années par les fondateurs eux-mêmes et inscrit ensuite dans les statuts. Aucune critique ne sera donc acceptée, ni de la part des avocats du cabinet, ni du marché. «?Notre mode de fonctionnement et nos bases de rémunération, très classiques par ailleurs, nous sont personnels. Notre cuisine interne n’intéresse personne, insiste Olivier Diaz. Un cabinet a besoin de fondateurs, mais pas de successeurs. La bonne activité de la structure peut ensuite se contenter d’une direction, un cap maintenu par des gérants qui assurent le bon fonctionnement de l’équipe.?» Voilà qui est dit.

Une gestion à deux têtes
Le relais est passé, en juillet?2011, à Didier Théophile et Olivier Diaz nommés cogérants pour une durée de deux ans. Ils succèdent à Emmanuel Brochier qui avait pris les rênes du cabinet en 2008. Il y a une logique dans ce passage de pouvoir puisqu’il correspond à la transition d’une génération à une autre. Une gestion à deux têtes donc, aux pouvoirs équivalents, mais aux tâches réparties de fait. Olivier Diaz est en charge du développement stratégique du cabinet, notamment à l’étranger, tandis que Didier Théophile gère les affaires courantes. Plus généralement, l’autonomie et la personnalité de chacun des associés doivent être préservées, quitte à maintenir une organisation minimaliste. Sur cet aspect organisationnel, la taille réduite du cabinet est primordiale. Point de fluidité chez les grandes firmes internationales, point d’harmonisation des méthodes de travail sans superviseur. Les associés vont maintenir la souplesse de management qui consiste à ne pas affecter les collaborateurs dans des pôles et à travailler en groupe sur les dossiers transversaux. Au quotidien, explique Didier Théophile, «?nous encourageons nos avocats experts en M&A à plaider et nos avocats en contentieux à s’intéresser aux opérations?». Il y a, à cet égard, aussi peu de frontière que possible entre le contentieux et les transactions, tant en termes de dossier que d’équipe.

Une identité pérennisée
Ce qui a fait la force de Darrois Villey Maillot Brochier continuera à la faire : son positionnement. Jean-Michel Darrois a été l’un des premiers avocats à comprendre le rôle stratégique des opérations financières pour le développement de l’activité des avocats d’affaires. Il a forgé le cabinet sur une expertise de pointe en corporate et en contentieux des affaires. Les dossiers sur lesquels il s’est rapidement positionné et la renommée de sa clientèle lui donnent raison (lire encadré). Le cabinet grossit en ne s’écartant jamais des sentiers réservés aux meilleurs.
Didier Théophile est convaincu que cette stratégie est toujours la mieux adaptée au cabinet : «?Nous ne sommes ni un cabinet de niche, ni un cabinet full service. Nous sommes positionnés sur le transactionnel et le contentieux d’importance stratégique, ce qui fait de nous un acteur bien identifié sur le marché. Nous allons maintenir ce positionnement qui nous définit intrinsèquement.?»
Le nom même est véhicule de ce positionnement. Darrois est devenu une marque. Les clients du cabinet, qui travaillent depuis longtemps déjà avec la nouvelle génération d’associés, connaissent leur technicité et reconnaissent leurs qualités au-delà de la réputation du cabinet. La pérennité de la structure est assurée.

Des expertises haut de gamme
Entretenir le haut niveau des prestations est un objectif constant. La nouvelle génération d’associés s’y attache, comme en témoignent les importants dossiers à leur actif. Olivier Diaz, arrivé chez Darrois il y a douze ans, a incontestablement pris la suite des fondateurs en intervenant sur des opérations financières complexes. Avec François Sureau, une signature phare pour les opérations du secteur public, il a développé des relations avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Il s’est ainsi occupé avec Pascale Girard de la souscription d’actions de préférence et du rapprochement entre la filiale foncière de Groupama et la CDC Icade. Il est aussi le conseil de Bouygues (opération de rachat pour un montant supérieur à 1,2?milliard d’euros) et de la famille Hermès (regroupement au sein d’une holding familiale). En 2011, il est également intervenu sur l’investissement de la CDC au capital de La Poste pour un montant d’un milliard d’euros. Martin Lebeuf s’est lui positionné sur la restructuration de la dette de TDF (quatre milliards d’euros), opération phare de 2011, et sur un des plus importants financements de l’année concernant Astorg (dans sa cession de Geoservices pour un enjeu de 1,070?milliard d’euros). L’expertise est approfondie du côté de Pierre Casanova et Benjamin Burman en qualité de conseils des fonds de LBO sur un segment mid et larg-cap, et avec Pascale Girard, pour les opérations sur sociétés cotées. Pour soutenir ces opérations, le pôle fiscal prend de plus en plus de poids, grâce à la technicité de Yann Grolleaud. Bertrand Cardi, un ancien de Linklaters qui a rejoint le cabinet en février?2010, s’est illustré sur de grands mouvements internationaux, notamment pour Casino.
L’équipe se distingue également lors d’opérations à fort potentiel contentieux, sous la houlette d’Emmanuel Brochier (avec Cyril Bonan) du côté litiges et de Matthieu de Boisséson (accompagné de Pierre Duprey et Christophe Ingrain) en arbitrage international. L’équipe s’est notamment est intervenue dans l’arbitrage entre Danone et le chinois Wahaha.
Le parti du cabinet est maintenant de mettre en lumière les jeunes talents pour qu’ils franchissent le stade de la reconnaissance par leurs pairs et les clients. Pierre Duprey, en arbitrage international, Daniel Villey, à la frontière des opérations et du contentieux, et Yann Grolleaud, en droit fiscal, sont par exemple des associés qui interviennent sur des dossiers de plus en plus importants et dont les expertises sont maintenant reconnues. Le droit de la concurrence est également porté à un haut niveau, à l’image de l’intervention d’Igor Simic lors de la cession de Yoplait pour une valeur de 1,6?milliard d’euros (il était conseil de Sodiaal). L’enjeu est d’assurer la constance de leur exposition et de l’étendre à tous les associés du cabinet. Un travail de longue haleine qui se révèle être un bon outil de développement du business et d’équilibre entre les avocats au sein du cabinet.
Le cabinet procède également à la reconnaissance des compétences internes grâce à la cooptation. Ainsi, en juillet?2011, Hugo Diener, expert en M&A, private equity et contentieux des opérations, a été promu associé. En janvier?2012, c’est au tour d’Olivier Huyghues Despointes de se voir proposer l’association.

Attentif aux évolutions du marché
L’avenir du cabinet se construira sur ces bases de la compétence. Pour autant, les associés ne sont pas rigides. Au contraire, ils restent très attentifs aux évolutions du marché et entendent bien faire évoluer la structure. Pour preuve : l’effectif du cabinet est passé de dix-sept à soixante avocats en moins de dix ans pour répondre aux attentes des clients sur les opérations transactionnelles de haut niveau. Aujourd’hui, ce chiffre permet de servir idéalement le positionnement stratégique de Darrois Villey. «?Nous restons cependant à l’écoute de nos clients et de l’évolution de leurs attentes.?» De la stratégie d’évolution des entreprises dépendra aussi la direction du cabinet dans l’avenir. Mais les associés restent sereins. Ils se recentrent sur ce que veulent les avocats et dans quel environnement ils veulent travailler. «?Nous ne nous installerons pas dans un pays ou sur une nouvelle pratique sous prétexte qu’un client nous le demande. Nous voulons être des conseils avant d’être des fournisseurs de services?», insiste l’un des cogérants. Darrois est assurément un cabinet d’opération autant que de client.
Il tient à sa rentabilité. Avec un nombre réduit d’associés, Darrois affiche depuis dix ans un chiffre d’affaires par associé compris entre deux et trois millions d’euros. Un autre cap à tenir.

Objectif international
Le prochain axe de développement du cabinet sera celui de l’international. Le cabinet a en effet tout intérêt à profiter de sa renommée en France et à l’étranger pour étendre son réseau de partenaires. Olivier Diaz consacre maintenant une partie de son temps à nouer des relations avec des cabinets étrangers qui ressemblent à Darrois, à l’image de Wachtell, Lipton, Rosen & Katz, un des premiers cabinets américains indépendants. Il se fixe comme premier objectif l’Europe, l’Amérique latine et l’Asie. Les associés ont fait le choix de sélectionner un nombre réduit de partenaires par pays, aucun partenariat n’engageant à l’exclusivité. Cette stratégie permet de se garder des conflits d’intérêts et évite de devoir faire appel à un cabinet partenaire qui ne «?performerait?» pas dans la matière ciblée. «?Cette stratégie nous semble la mieux adaptée à notre activité. Nous sommes intéressés par l’efficacité pour nos clients, pas par l’effet d’affichage d’un réseau?», tempère Olivier Diaz. Le cabinet développe donc sa capacité à accompagner ses clients dans leurs opérations à l’étranger : filtrer les réponses adaptées, réaliser l’opération et organiser une stratégie victorieuse. Le positionnement du cabinet demeure cette fois encore dans les opérations complexes à la frontière entre le transactionnel et le contentieux, comme des joint-ventures qui révèlent des relations conflictuelles entre partenaires. La nouvelle génération d’associés est préparée à tous égards à la passation de relais d’activité. La stratégie d’avenir est déterminée, l’expertise demeure. Misons que Darrois sans Jean-Michel Darrois restera Darrois.

Darrois, histoire d’un cabinet d'avocats
L’histoire du cabinet tient ? l’évolution de la carrière de Jean-Michel Darrois. Après des études au lycée Janson-de-Sailly et Sciences-Po, il obtient son DESS de droit public à Assas mais est recalé à l’ENA : il embrasse alors la profession d’avocat, métier qu’avait exercé sa mère. Grâce à Bernard Dupré, un ami avocat de ses parents, et Gilles Dreyfus, avocat de stars, il rencontre le gotha. Il met ainsi le nez dans la fiscalité et la procédure de divorce de Johnny Hallyday. Puis, avec des amis, il fonde son cabinet avenue Victor-Hugo. Chacun à sa propre clientèle et spécialité. Ambitieux et visionnaires, ils s’installent à Hongkong, une première pour un cabinet français. En 1987, sa rencontre avec Philippe Villey est déterminante. Il quitte son premier cabinet pour fonder avec son nouvel ami et Emmanuel Brochier, son collaborateur, une nouvelle structure. Philippe Villey en fin technicien et Jean-Michel Darrois en négociateur redoutable se positionnent sur le secteur du textile, en pleine crise. Les dossiers et les rencontres stratégiques s’enchaînent. Ils travaillent sur la vente d’Yves Saint Laurent à Elf-Sanofi, rencontrent Carlo de Benedetti alors à la tête de la holding Cerus, conseillent Suez, puis Nestlé. Les deux associés se spécialisent en opérations financières complexes, sur des OPA médiatiques parce qu’hostiles. Le nombre de collaborateurs croît. Puis les collaborateurs deviennent associés.
La constance dans le développement : voilà qui caractérise bien l’entreprise. Pour preuve : le cabinet n’a jamais déménagé, il a seulement envahi l’immeuble entier. Aujourd’hui, l’histoire s’écrit autrement : de nouveaux auteurs emmenés par de nouveaux sujets d’interaction. On attend avec impatience le prochain tome.


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