Pour la première fois en dix a, la firme britannique Clifford Chance vient de perdre son titre de leader des cabinets d'avocats londonie et voit se multiplier les départs d’associés sta, notamment à Paris : Claude Lazarus en concurrence, Marcus Billam et Frédéric Peltier en corporate...

Pour la première fois en dix ans, la firme britannique Clifford Chance vient de perdre son titre de leader des cabinets d'avocats londoniens et voit se multiplier les départs d’associés stars, notamment à Paris : Claude Lazarus en concurrence, Marcus Billam et Frédéric Peltier en corporate... Le géant du magic circle serait-il en perte de vitesse ?

À l’heure où de nombreuses firmes internationales décident, malgré un contexte économique fragile, d’anticiper la sortie de crise en réalisant des mouvements audacieux - la géante fusion transatlantique entre Hogan & Hartson et Lovells l'illustre - Clifford Chance semble s’être retrouvé bloqué dans une position défensive. La firme aux quelque 3 000 avocats accuse des départs successifs d’associés, notamment dans son bureau parisien, et la stratégie suivie par l’équipe dirigeante se révèle difficilement lisible.


Une structure fragilisée par la crise

Construit autour d’activités phares – comme la banque et la finance, le capital investissement et l’immobilier – le cabinet né au cœur de la City a été touché de plein fouet par la crise financière et économique. À l’issue de deux années 2008 et 2009 chaotiques, Clifford Chance a dû procéder à des licenciements massifs, aussi bien à Londres qu’au niveau global, et revoir sa stratégie internationale. Des fermetures de bureaux (Rotterdam) aux licenciements massifs de collaborateurs et d'associés ont été organisés, mettant à mal la culture maison. Au point de voir des piliers de la firme partir avec une clientèle prestigieuse pour répondre aux appels de cabinets plus ambitieux ou plus rentables.

Les résultats financiers, eux, accusent le coup. En 2009, le chiffre d’affaires global est passé de 1,5 milliard de livres sterling à 1,2 milliard, et le chiffre d’affaires par associé a, lui, chuté de 37 % pour atteindre 733 000 livres sterling. Certes, les restructurations ne sont pas l’apanage de Clifford Chance : de nombreux cabinets

internationaux, anglais ou américains, ont dû réduire leur voilure (cf. tableau 1), et revoir leurs plans à l’international.  Mais pour Clifford Chance, le plan de sortie de crise semble encore introuvable ou plus laborieux.

Le constat de telles difficultés se vérifie d’autant plus à Paris, où Clifford Chance a perdu, en un peu plus d’un an, plusieurs de ses grands noms (cf. tableau 2). Parmi eux, Claude Lazarus, le premier expert de la concurrence en France avec Robert Saint-Esteben, a décidé de rejoindre la firme américaine Howrey. Le bureau de la place Vendôme a également perdu deux de ses stars en corporate. Marcus Billam, qui a conseillé Vivendi sur sa récente acquisition de l'opérateur brésilien GVT, a rejoint Allen & Overy, concurrent direct de Clifford Chance et également membre du magic circle. Frédéric Peltier s’est, lui, lancé dans l’aventure entrepreneuriale en rejoignant Viguié Schmidt Peltier Juvigny.
Au delà de ces départs, le cabinet enregistre encore un chiffre d'affaires par avocat s'élevant à 528 571 euros, loin derrière Allen & Overy ou un autre membre du magic circle, Freshfields Bruckhaus Deringer, dont le chiffre d'affaires atteint 610 811 euros.

Si l’avenir du bureau parisien conduit à certaines interrogations, rappellons toutefois les forces vives qu'il conserve. Clifford Chance demeure l’un des plus grands acteurs internationaux, et garde, sur Paris, une large palette de métiers animés par de bons, voire très bons acteurs du droit.


De beaux fondamentaux

Le domaine bancaire et financier reste une forteresse de premier plan avec, en financements d’acquisition, le talent d'un partner de poids, Thierry Arachtingi.
L'activité restructuring figure aussi parmi les métiers forts de Clifford Chance, à l’appui de l’associé recruté en juin 2008 chez White & Case Reinhard Dammann.
L'immobilier et la fiscalité sont respectivement conduits par les équipes exceptionnelles de Francois Bonteil, « emprunté » à Jones Day en 2004, et d'Éric Zeller, Éric Davoudet et Alexandre Lagarrigue. Autre secteur d'excellence de Clifford Paris : le droit public et les PPP. L’associé David Préat est de toutes les opérations majeures, notamment dans le domaine des transports.
Le groupe contentieux fait également partie des expertises appréciées de Clifford Chance avec des associés comme Jean-Pierre Grandjean, spécialisé en droit pénal des affaires et arbitrage international, et Patrick Hubert, qui a pris la direction du département concurrence à la suite du départ de Claude Lazarus.
Outre ces métiers plus classiques, Clifford Chance s’est hissé parmi les incontournables de la place dans le domaine du droit des sports, sous la houlette de Yves Wehrli (également managing partner de l’équipe parisienne) épaulé par Victoriano Melero.



En fusions acquisitions, la situation est plus trouble. D'un côté, le bureau peut compter sur la sagesse appréciée de Thierry Schoen, et sur la rising star qu'est Laurent Schoenstein, excellent négociateur et technicien. De l'autre, le fait de perdre ses talents et de n'avoir que deux associés visibles sur ce marché stratégique, est un challenge déterminant que le cabinet doit relever.
À titre de comparaison, Bredin Prat  – un cabinet deux fois plus petit en termes d'effectifs – compte, lui, quelques quinze associés en fusions acquisitions. Ses concurrents directs (Freshfields, Linklaters ou encore Allen & Overy) ont également su conserver, ou bâtir, une position solide en musclant considérablement leurs équipes M&A et corporate .
Un premier pas a d’ores et déjà été franchi début mai 2010 avec la cooptation de six associés pour le département corporate au niveau global. Et surtout avec le recrutement, à Londres, de l'associé M&A Tim Lewis précédemment chez Macfarlanes.

Clifford Chance demeure indéniablement une bonne, voire excellente signature dans de nombreux métiers, connue et reconnue au niveau mondial. Sa structure et son modèle de rémunération - le lockstep - mériterait éventuellement d'évoluer. Ce modèle, en effet, ne lui permet pas d’attirer les plus belles pointures du M&A et du private equity, et la met à la merci des firmes pratiquant une compensation financière basée sur la méritocratie.
Sur un marché parisien particulièrement mouvant et ultra-concurrentiel, le bureau parisien de Clifford Chance, dirigé par Yves Wehrli, doit relever un défi de taille, celui de la sortie de crise. Le cabinet a peut-être perdu une manche. Mais pas la guerre. La crise lui permet – ou le force – à se recentrer, à se repenser. 

Mai 2010

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