Un arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 février 2010, rendu da l’affaire « Cœur-Défee », a surpris bon nombre d’observateu en rétractant, à la demande du créancier financier, le jugement du tribunal de commerce de Paris qui avait ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société propriétaire de l’eemb

Un arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 février 2010, rendu dans l’affaire « Cœur-Défense », a surpris bon nombre d’observateurs en rétractant, à la demande du créancier financier, le jugement du tribunal de commerce de Paris qui avait ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société propriétaire de l’ensemble immobilier « Cœur Défense » et de sa société-mère. Cette décision – déférée à la Cour de cassation – sonne-t-elle le glas de la procédure de sauvegarde ?

La procédure de sauvegarde a constitué une innovation majeure introduite par la loi du 26 juillet 2005, dite de sauvegarde des entreprises. Son esprit est de traiter en amont les difficultés des entreprises, sans attendre qu’elles se trouvent en état de cessation des paiements et ainsi, bien souvent, dans des situations déjà fortement compromises. Depuis son introduction, elle a rencontré un véritable succès et les tribunaux de commerce ont su, dans l’esprit de la loi de 2005, faire preuve de pragmatisme pour faire bénéficier de la procédure de sauvegarde nombre de sociétés en difficulté. Ce souci d’une certaine « largesse » dans l’accueil des débiteurs demandant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde a même conduit le législateur à modifier l’article L. 620-1 du Code de commerce par l’ordonnance du 18 décembre 2008, cet article disposant désormais que la procédure est ouverte aux personnes qui, sans être en état de cessation des paiements, font état de difficultés qu’ils ne sont pas en mesure de surmonter. La précédente rédaction prévoyait, elle, que les difficultés rencontrées devaient être de nature à mener à l’état de cessation des paiements.


LE « TOUR DE VIS » DE LA COUR D'APPEL DE PARIS SUR LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE LA PROCEDURE.


Or, dans l’affaire qui nous intéresse, c’est à un véritable « tour de vis » que la cour d’appel de Paris s’est livrée quant à l’appréciation des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde. On rappelle que l’ensemble immobilier « Cœur Défense » (le plus grand ensemble immobilier de bureaux en Europe) est détenu par la société Hold, filiale de la société de droit luxembourgeois Dame Luxembourg. En synthèse, le financement de l’acquisition a été réalisé à l’aide de deux prêts à taux variable, logés dans un fonds commun de titrisation, pour un montant de 1,6 milliard d’euros. Confrontées à un renchérissement important du coût de la couverture du contrat de crédit face au risque de change, en raison de la faillite de la banque Lehman Brothers, et à la menace de leur créancier de se prévaloir d’un « cas de défaut », les deux sociétés ont saisi le tribunal de commerce de Paris et obtenu l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à leur bénéfice.
Le fonds commun de titrisation a contesté le jugement devant le tribunal, par la voie de la tierce-opposition, invoquant notamment le fait que les conditions légales d’ouverture de la procédure de sauvegarde n’étaient pas remplies et qu’en réalité les débiteurs avaient instrumentalisé la procédure pour éviter l’application stricte de la convention de crédit, en particulier le pacte commissoire portant sur les titres du capital de la société Hold détenus par Dame Luxembourg.
Le tribunal a rejeté cette demande mais la cour d’appel de Paris, saisie par le fonds commun de titrisation, a suivi l’argumentation proposée en retenant essentiellement que les débiteurs ne justifiaient pas avoir été en difficultés pour poursuivre leurs activités mais avaient seulement fait état de circonstances rendant plus onéreuse l’exécution de leurs obligations contractuelles.
Surtout, la cour d’appel a rappelé la primauté du principe de la force obligatoire des conventions, l’un des piliers du droit privé français, en jugeant qu’il n’appartient pas à un débiteur « de modifier unilatéralement les contrats de prêts qu’il a souscrits, ni davantage, en l’absence de réelles difficultés affectant son activité, de solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à seule fin de faire échec à l’impossibilité juridique dans laquelle il se trouve d’imposer unilatéralement une telle modification au prêteur, en obtenant indirectement, mais nécessairement, du juge, par le seul effet de l’ouverture de la procédure sollicitée, la suspension de clauses contractuelles qu’il n’a pas réussi à faire modifier d’un commun accord avec son cocontractant ».
En d’autres termes, la cour d’appel a sanctionné ce qui lui est apparu comme un dévoiement de la procédure de sauvegarde et, dans l’attente de la décision de la Cour de cassation qui a été saisie d’un pourvoi, on est en droit de se demander quel sort pourrait être réservé à de nombreuses demandes d’ouverture de procédure de sauvegarde, notamment dans le cadre de LBO en détresse…


UNE PROCEDURE QUI CONSERVE UNE FORTE ATTRACTIVITE.

A bien y regarder toutefois, le rappel à l’ordre de la cour d’appel de Paris ne doit pas décourager les dirigeants de sociétés en difficulté de demander la protection offerte par la procédure de sauvegarde.

 Il faut bien évidemment justifier du caractère « insurmontable » des difficultés rencontrées, ce qui semble normal dès lors qu’une telle procédure permet à la société concernée, alors même qu’elle ne se trouve pas en état de cessation des paiements, de bénéficier de la radicale règle de suspension des poursuites, très rigoureuse pour ses créanciers. En outre, la décision de la cour d’appel de Paris constitue une bonne opportunité de rappeler l’intérêt des procédures de prévention des difficultés des entreprises, à savoir le mandat ad hoc et la conciliation.

Sans offrir le niveau de protection de la procédure de sauvegarde, ces procédures s’avèrent toutefois très utiles pour entamer et mener à bien, dans un cadre sécurisé, les négociations entre le débiteur qui n’est pas en état de cessation des paiements (ou qui l’est depuis moins de 45 jours s’agissant de la conciliation) et ses principaux partenaires, au premier rang desquels bien évidemment les créanciers bancaires et financiers.

Juin 2010

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