Virage européen pour Wragge & Co
L’arrivée du cabinet britannique Wragge & Co à Paris s’impose comme l’un des projets les plus ambitieux de l’année. Avec une équipe de trente-cinq avocats – dont dix associés − issus du cabinet français Lefèvre Pelletier & Associés, la firme opère une percée remarquable sur le marché français, après s’être considérablement renforcée en Allemagne.
Peu de cabinets britanniques non natifs de la City peuvent se targuer d’avoir acquis une jolie notoriété à la fois à Londres et en Europe continentale. Né en 1834 à Birmingham – second centre urbain du Royaume-Uni − Wragge & Co semble avoir relevé ce défi haut la main en ouvrant, en avril dernier, un bureau parisien avec une équipe de trente-cinq avocats. Pourtant, jusqu’à la fin des années 1980, le rayonnement du cabinet reste limité à la région des Midlands. |
La firme intervient alors principalement en droit commercial et en droit immobilier − pour une clientèle issue des secteurs de la métallurgie, de la manufacture et des banques − mais également en droit public, conseillant de nombreuses collectivités locales et autres institutions publiques de la région.
Une ascension fulgurante L’arrivée de John Crabtree à la tête de la firme en 1993 va radicalement transformer la physionomie du cabinet provincial. Sous son mandat, Wragge & Co s’installe à Londres à l’appui de l’absorption, en 2000, d’une boutique de niche spécialisée en droit de la propriété intellectuelle : Needham & Grant. Rapidement, le cabinet gagne, avec ses cent cinquante avocats, ses galons d’acteur du marché londonien, un marché hautement concurrentiel. Aux côtés des géants de la City, la firme s’impose dans les domaines du droit immobilier – où Wragge & Co dispose d’une équipe dédiée d’une vingtaine d’associés − de la propriété intellectuelle, du droit social (plus particulièrement dans le domaine des retraites), du private equity, du corporate, des grands projets et du droit public. Le cabinet conseille de nombreuses sociétés du FTSE 100. Le chiffre d’affaires explose, passant de 12 millions de livres sterling en 1991 à 77,8 millions en 2002, soit une augmentation de près de 650 % en onze ans. Wragge & Co effectue alors une ascension fulgurante dans le classement des meilleurs cabinets britanniques établi par le magazine The Lawyer, passant du 68e au 26e rang. |
Une ambition internationale
À l’appui de cette solide base anglaise, John Crabtree décide d'emmener le cabinet sur la scène internationale. Et le voyage commence de l’autre côté de l’Atlantique où la structure, sans être localement implantée, source près de 20 % de son chiffre d’affaires global. Trois à cinq associés partent ainsi chaque année sillonner le territoire américain à la recherche de dossiers. De quoi prouver la volonté, et les capacités, de Wragge & Co à exporter sa marque à l’étranger.
À partir des années 2000, le nouveau senior partner du cabinet Quentin Poole va accélérer l’internationalisation du cabinet en appliquant, dans un premier temps, une stratégie adoptée à Londres : celles des fusions avec des cabinets de niche locaux. Outre l’ouverture d’un bureau de liaison à Bruxelles, Wragge & Co s’installe à Munich en se rapprochant d’une boutique spécialisée en IP, l’une de ses activités reines au Royaume-Uni. Au-delà du Vieux Continent, Wragge & Co pense également à l’Asie, où le cabinet s’installe à Canton, en Chine. Là aussi, la firme développe une forte activité en propriété intellectuelle. Mais le cabinet va rapidement concentrer ses efforts sur l’Europe continentale.
Priorité à l’Europe continentale Témoin de la transformation de la firme d’origine régionale, Quentin Poole revient sur le projet du cabinet : « Notre objectif n’a jamais été de planter le drapeau Wragge & Co partout dans le monde. Nous savons exactement là où nous voulons être. » Et les priorités se situent en Europe. Outre le Royaume-Uni, le cabinet originaire de Birmingham veut renforcer sa présence en Allemagne, et s’implanter en France. « Des places économiques et financières européennes de premier plan », souligne le senior partner. Le premier chapitre de ce nouveau plan stratégique s’ouvre en 2003 avec la signature d’un partenariat avec l’un des plus importants cabinets indépendants allemands, Graf von Westphalen. Désormais, la firme anglaise est non seulement présente à Munich, mais également à Francfort, Berlin, Hambourg et Cologne. Et peut intervenir, au-delà de la propriété intellectuelle, sur tout type de dossier, le cabinet allemand étant full service. À Paris en revanche, Wragge & Co a choisi d’appliquer une toute autre méthode. |
La percée parisienne
Pour son arrivée sur le marché parisien en avril dernier, la firme britannique a frappé un grand coup en recrutant une équipe de trente-cinq avocats – dont dix associés − auprès d’un acteur historique du droit immobilier en France, le cabinet Lefèvre Pelletier & Associés (LPA. Lire l'encadré ci-dessus). Si Wragge & Co a bien changé de stratégie en ne fusionnant pas avec une boutique locale, la structure anglaise connaissait déjà bien l’équipe : LPA faisait partie de ses correspondants en France. Simon Lowe, associé spécialisé en corporate au sein de la firme française et l’une des recrues de Wragge & Co, était d’ailleurs chargé des relations entre les deux cabinets. Formés chez LPA, les dix associés auraient pu créer leur propre cabinet, à la manière d’un Altana ou d’un Akléa*, mais ils ont été particulièrement séduits par le projet international de Wragge & Co.
Aujourd’hui co-managing partner du bureau parisien avec Simon Lowe, le spécialiste de la fiscalité Pierre Appremont explique : « Nous avons trouvé chez Wragge & Co une véritable culture de l’international. La part du chiffre d’affaires à l’étranger est significative : plus de 20 % du chiffre d’affaires global. Nous voulions faire partie de ce projet. ». L’équipe a également totalement adhéré aux valeurs du cabinet, celles du travail en synergie notamment. « Nous avons particulièrement apprécié la culture single firm de Wragge & Co. Chez LPA, nous travaillions déjà ensemble sur de nombreux dossiers, et partagions des clients. Finalement, le mariage s’est fait très facilement, de manière évidente », résume Jérôme Patenotte, l’un des dix associés recrutés, et expert en corporate et private equity. Une chose est sûre : le bureau parisien est déjà très actif. Wragge & Co Paris bénéficie non seulement d’une offre complète en immobilier – avec des stars du financement immobilier comme Henry Ranchon, David Blondel, des experts en fiscalité immobilière à l’image de Pierre Appremont, et avec de jeunes associés prometteurs comme Églantine Lioret – mais intervient également en M&A et capital investissement, activités menées par les associés Jérôme Patenotte, Simon Lowe et Pierre-Emmanuel Chevalier −, restructuring (avec l’associé Laurent Jourdan), contentieux et IP/IT (avec l’appui de Philippe Rousseau). |
Un positionnement rapide...
Ce recrutement de qualité permet au cabinet d’assurer « un positionnement rapide et solide sur un marché aussi stratégique que la place de Paris », résume le senior partner Quentin Poole. Laurent Jourdan tempère : « Afin de renforcer notre présence à Paris, de nouveaux associés devraient prochainement nous rejoindre afin de compléter notre offre de compétences. Parmi les activités que nous voulons couvrir : le droit public des affaires, et le droit social. » |
Ces objectifs devraient faire grimper les effectifs du bureau à une cinquantaine d’avocats d’ici la fin de l’année.
Si la firme britannique, particulièrement active en droit immobilier, a dû procéder à plusieurs licenciements à cause de la crise, Wragge & Co reste toutefois en course, non seulement outre-Manche, mais également en Allemagne et en France. Sa force ? Des activités supports basées à Birmingham, et non à Londres, lui permettent plus de souplesse en termes de coûts. Après l’ouverture remarquée du bureau parisien, l’objectif de Wragge & Co est de se hisser parmi les vingt premiers acteurs du marché britannique. Un challenge qui devrait être très rapidement réalisé, aux vues du déménagement dans de nouveaux locaux prévu à Birmingham l’an prochain…
Juin 2010
*En novembre 2009, onze anciens associés de Salans et de Proskauer créaient à Paris le cabinet full services Altana. Fin 2008, une quinzaine d’associés du Français
Bignon Lebray fondaient le cabinet Akléa.