Médica : le troisième âge a la cote
Avec son introduction en Bourse, le spécialiste de la prise en charge de personnes âgées dépendantes réalise l’augmentation de capital qui lui permet de gagner en flexibilité financière. Même avec un prix d’introduction fortement décoté, l’entreprise et BC Partners se félicitent de l’opération qui doit donner au groupe les moyens de se développer. Retour sur une opération réussie.
En 1968, alors que les baby-boomers étaient occupés à manifester et penser le monde de demain, Pierre Burel, fondateur de Médica, ouvrait sa première maison de retraite. Plus de quarante ans plus tard, l’heure est au papy-boom. Les révoltés d’hier sont devenus un marché d’avenir pour les institutionnels. Les quelques 6 400 salariés et 11 000 lits du groupe dirigé par Jacques Bailet en témoignent. Face à des marchés encore hésitants et volatiles, la visibilité affichée par le secteur de la dépendance offre un cadre rassurant pour les investisseurs. Mais quels sont les éléments qui ont permis de placer le papier Médica dans un contexte rendu électrique par la crainte de défaut grec.
La question de la diminution de l’endettement
A l’été 2009, BC Partners et le management de Médica partagent le même constat. Pour permettre au groupe de se développer, la question de la diminution de l’endettement doit être traitée. Dans cette optique, actionnaires et dirigeants décident de consulter les banquiers sur la solution d’une augmentation de capital via une introduction en Bourse. A l’époque, les marchés boursiers sont orientés à la hausse. En octobre, BNP Paribas, Crédit Suisse et The Royal Bank of Scotland sont mandatés comme joint-book-runners pour l’ « IPO » (NDLR : introduction en Bourse). Pour cela, il met en place un dual-track (cf. encadré). |
Compte tenu des conditions de marché « exécrables », dixit Jacques Bailet à l’époque, Bridgepoint décide de livrer Médica à BC Partners pour une valeur d’entreprise de 750 millions d’euros. Belle opération pour le sortant qui réalise au passage une confortable plus-value.
Depuis l’acquisition de BC Partners en 2006, le groupe a poursuivi son développement entamé en 1999, au moment de la reprise par la CDC. Jacques Bailet aime à le rappeler : « Nous gérons aujourd’hui près de cent cinquante établissements contre vingt-deux en 1999. »
En termes d’activité, le chiffre d’affaires a été multiplié par sept depuis 2000, et a atteint 480 millions d’euros en 2009. La marge d’Ebitdar est stable depuis 2004 autour de 26,5 %. Le résultat net est lui plombé par les charges d’intérêts de la dette LBO. On ne peut que saluer le succès industriel de Médica qui a su, en dix ans, capter la croissance d’un secteur en pleine concentration, et en voie de professionnalisation. Valérie Vitter Mouradian, managing director chez The Royal Bank of Scotland, estime que « l'environnement LBO pousse encore plus le management à avoir des systèmes de gestion performants et flexibles ». à l’heure actuelle, le groupe fait partie du trio de tête du marché de la dépendance, derrière Orpéa et Korian. Mais comme l’ajoute Isabelle Thizy, executive director chez The Royal Bank of Scotland, « il s’agit d’un secteur en croissance, qui nécessite des besoins de financements élevés pour qui veut capter cette croissance ». |
Du côté de TBU-3 (fonds gérés par BC Partners, notamment pour le compte d’Axa Private Equity), le principal actionnaire, Jean-Baptiste Wautier, associé-gérant chez BC Partners, a conscience de ce paramètre et précise « qu’après être rentré en 2006 pour développer, et participer à la concentration du secteur, la décision a été prise, en accord avec le management, de donner au groupe les moyens de ses ambitions. Pour cela, il était nécessaire de lever du capital primaire pour réinjecter des fonds et décharger l’entreprise d’une partie de son endettement ».
Dans cette opération, le désendettement est annoncé comme l’objectif premier du groupe dès le début du projet d’introduction en Bourse. Pour Damien Girault, director chez Credit Suisse, « Médica a su s’imposer comme un des leaders d’un secteur en croissance, qui bénéficie d’une réglementation stable et d’une démographie favorable. Au regard de la stabilité du management, et du bon track record du groupe en termes de marges, la question centrale n’était pas tant de convaincre les investisseurs sur la qualité du papier mais sur son prix ». Tout l’enjeu pour les banques est donc de placer le titre dans un contexte boursier encore fragile et qui n’a presque plus vu d’introduction depuis près de dix-huit mois. |
Débouclage et rétrocession
Du point de vue juridique, Séverin Robillard, associé chez Linklaters, estime « qu’il s’agissait d’une opération d’introduction en Bourse classique mais complexe. En effet, la structure du capital mise en place lors du LBO rendait impossible le respect des règles imposées par l'Autorité des marchés financiers en matière de fourchette de prix d'introduction. Il a donc fallu procéder au débouclage de la structure de LBO en deux temps afin de respecter tant les contraintes réglementaires, que le fonctionnement des titres émis ».
Courant janvier, dans la phase finale du placement, l’ensemble des parties - management, banquiers et actionnaires - décident de fixer la fourchette de prix d’introduction entre 16 et 19,5 euros, ce qui doit permettre de lever 275 millions d’euros.
La crise de la dette grecque
Mais un événement majeur va venir perturber l’opération. Avec les premiers doutes sur la dette grecque, les marchés deviennent nerveux. Stéphanie Arnaud, director chez BNP Paribas, précise qu’entre le premier jour de l’offre, le 26 janvier, et le dernier, le 8 février, « la volatilité de l’indice CAC 40 est passée de 18 % à 27 % ». Dans le même temps, poursuit-elle, « les introductions de Walton et Travelport ont été annulées, tandis que celle d’Helikos, en Allemagne, a été chahutée avec un cours en baisse de 8 % à l’issue de son premier jour de cotation ».
C’est dans ce contexte mouvementé que les parties décident de baisser le prix des titres à 13 €, soit une décote de près de 20 % par rapport à la fourchette basse initiale. Dans le même temps, et pour garantir la levée de fonds, BC Partners accepte d’offrir plus de titres pour lever la même somme. L’effet dilutif est donc plus important que prévu pour le fonds.
Une décote pour garantir la levée de fonds
Pour Jacques Bailet, « la baisse de prix a permis de répondre pleinement à la demande des investisseurs : l’opération a été trois fois sursouscrite et l’option de surallocation intégralement exercée, ce qui a permis de lever 275 millions d’euros. L’opération est donc un succès et permet de ramener le ratio dette nette sur Ebitda de sept à quatre fois ». Jean-Louis Auteroche, managing director chez BNP Paribas, ajoute que « ce ratio d’endettement est non retraité de l’immobilier, et permet au groupe d’afficher l’une des meilleures structures du secteur ».
En termes de valorisation, à 13 euros par action, Médica atteint 955 millions d’euros, soit 10,3 fois l’Ebitda. Au moment de l’introduction, l’option de surallocation a été exercée et BC Partners a ainsi cédé 15 % des titres nouvellement émis, pour environ 38 millions d’euros. Post-IPO, la participation de BC Partners reste conséquente, à 45,1 % du capital. Le fonds sort donc en douceur, et a ainsi envoyé au marché le signal implicite qu’il avait des anticipations supérieures à 13 euros à l’avenir pour le titre. Ce point a sans doute permis de rassurer les nouveaux entrants au capital et contribuer au succès de l’offre publique.
La réduction de l'endettement et du coût de la dette Du côté de l’entreprise, Jacques Bailet peut se féliciter d’avoir réduit l’endettement, à 332 millions d’euros, et diminuer le coût moyen de la dette de 7,8 % à 6,4 %. Certes, comme le dit Olivier Méary, managing director chez The Royal Bank of Scotland, « le remBoursement anticipé de la dette s'est traduit par un accroissement des marges d'intérêt d'environ 50 points de base supplémentaires en moyenne sur la dette pour les prêteurs », mais l’objectif initial du groupe est atteint. |
D’ici 2012, Jacques Bailet prévoit de consacrer « 220 millions d’euros à l’investissement, dont 55 millions d'euros seront alloués à la maintenance des établissements, afin d'accompagner les objectifs de croissance du groupe de 13 à 15% sur la période. » Il entend également « maintenir le niveau de marges et continuer à réduire le taux d’endettement qui passera d’ici à 2012 à trois fois l’Ebitda, contre quatre aujourd’hui ». La politique en matière de dividendes vise, poursuit-il, « à servir dès 2011, 20 % du résultat net consolidé au titre de l'exercice 2010 ».
C’est sûre d’elle mais prudente que Médica s’est présentée devant les marchés. Au final, l’objectif est atteint tant pour les banquiers, qui ont placé le titre, que pour BC Partners, qui amorce sa sortie, mais surtout pour Médica, qui se donne les moyens de son développement.
Pour autant, plusieurs lectures sont possibles. D’un côté, les cassandres pointeront du doigt la décote du prix d’introduction et l’effet dilutif qu’a du assumer le fonds. Toutefois, six semaines après son introduction, avec un cours autour des 14,5 euros, rien ne permet de dire que l’entreprise ait été bradée.
D’autres y verront au contraire le succès de la première offre publique de l’année, qui a été trois fois sursouscrite à la fin de la première journée de cotation.
Enfin, tous s’accorderont sur cette tendance qui voit les entreprises à l’affût de solutions de désendettement.
Mais, comme le dit Damien Girault de Crédit Suisse, « les marchés de la dette sont aujourd’hui assez attractifs, tandis que les marchés de capitaux souffrent encore d’un manque de visibilité. 2010 sera donc une année de fenêtres pour qui veut s’introduire en Bourse ». Reste à bien se positionner lors de leur ouverture…