Avec des ressources limitées, la start-up française a fait la démonstration d’une intelligence artificielle sobre, transparente qui apprend de l’humain et grâce à laquelle l’humain apprend. Une nouvelle levée de fonds devrait lui permettre de percer dans différents secteurs.

 

En mars 2022, NukkAI réalisait un exploit : battre des champions du monde de bridge grâce à l’intelligence artificielle. Un jeu où les joueurs ne connaissent pas la répartition des cartes entre les trois autres, d’où des prises de risques et du bluff de leur part qui, jusque-là échappaient aux machines, lesquelles n’arrivaient pas à se distinguer face à des pro. La start-up française a ainsi tenu le pari qu’elle s’était engagée à relever face à ses investisseurs. Plus encore, NukkAI a fait la démonstration qu’elle était capable de mobiliser une intelligence artificielle sobre et transparente. À titre de comparaison, l’entreprise a consommé 200 000 fois moins de ressources informatiques qu’AlphaGo, programme qui s’est illustré au jeu de go, qu’elle considère pourtant comme plus simple étant donné qu’il se joue à jeu ouvert.

Au-delà du big data

Au commencement de cette aventure, Véronique Ventos, chercheuse, et Jean-Baptiste Fantun, polytechnicien passé par les cabinets ministériels. Les cofondateurs de NukkAI se sont donné pour mission d’exploiter les différents domaines de l’intelligence artificielle. Si pour la plupart d’entre nous l’IA se résume au deep learning - qui connaît une véritable expansion avec les données récoltées par les Gafa -, celui-ci ne représente qu’une partie des technologies pour faire tourner les machines et s’avère très énergivore. "Le big data utilise un volume énorme de données et trouve des liens de corrélation entre elles, explique Véronique Ventos, cofondatrice et directrice de la recherche de NukkAI. On ne sait pas pourquoi cela fonctionne mais la machine finit par trouver des patterns."

NukkAI utilise sa boîte à outils pour développer de nouveaux projets dans le "monde réel"

Le deep learning possède bien des avantages mais n’est donc pas sans limites. D’où l’idée de NukkAI  pour qui l’IA doit être perçue comme un cerveau qu’il serait dommage de cantonner à un seul type de raisonnement pour résoudre des problèmes. L’idée est de combiner les forces afin d’obtenir les meilleurs résultats de la manière la plus sobre possible. NukkAI ne s’interdit pas de recourir au deep learning mais elle le combine à un autre domaine de l’IA très prisé auparavant : l’approche symbolique orientée sur la sémantique.

Une IA collaborative

De quoi s’agit-il ? Des experts dans un domaine - en l’occurrence Jean-Baptiste Fantun et Véronique Ventos tous deux joueurs de bridge – donnent à l’outil du vocabulaire et éventuellement un début de règle. Ils lui fournissent une base de connaissances. La machine apprend de l’humain. Pour le bridge, la sémantique a été couplée à un réseau de neurones (deep learning). Le raisonnement de la machine est totalement transparent et permet d’en apprendre plus sur ses résultats. Ce que Véronique Ventos qualifie d’"IA collaborative avec l’humain".

Le bridge a servi de "bac à sable" à NukkAI qui utilise sa boîte à outils pour développer de nouveaux projets dans le "monde réel". À commencer par l’aéronautique. Elle a ainsi signé un contrat avec Transavia afin d’optimiser les processus d’appariement des équipages, véritable casse-tête pour les compagnies aériennes et qui coûtent des fortunes. La start-up s’essaie également à l’éducation et pourrait aussi se faire un nom dans les secteurs de la défense ou de la finance. Jusque-là très économe, NukkAI, envisage une levée de fonds importante prochainement au niveau de sa maison mère avant de créer des "bébé NukkAI", c’est-à-dire des filiales dans ses différents domaines d’activité. La start-up n’a pas fini de faire parler d’elle.

Olivia Vignaud 

 

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