Présent dans le monde entier par l’intermédiaire de ses neuf enseignes de textile à petits prix, le groupe propriétaire des magasins Zara ne connaît pas la crise. Histoire d’un suiveur de tendances devenu leader du marché … mais aujourd’hui confronté à de nouveaux défis.
La dernière apparition publique de son fondateur a beau remonter à 2001, le groupe Inditex est loin d’être discret sur le marché de la confection textile, dont il est le leader en Europe et le numéro deux à l’échelle mondiale, juste derrière Gap. La société mère de la marque de prêt-à-porter Zara, mais aussi de Pull & Bear, Massimo Dutti, Bershka, Stradivarius, Oysho, Zara Home et Uterqüe, a publié en 2010 un chiffre d’affaires de 12, 5 milliards d’euros, en hausse de 13 % par rapport à l’année précédente, et un bénéfice net de 1 732 millions d’euros. Elle compte 5 044 boutiques et emploie 100 138 personnes.

Une belle réussite pour Amancio Ortega (cf. photo) qui a cédé cette année à son vice-président Pablo Isla les rênes de l’empire industriel qu’il a fondé puis dirigé pendant près d’un demi-siècle. Fils de cheminot espagnol devenu magnat du textile de la Californie à la Chine, et septième fortune mondiale, il doit en grande partie sa réussite à une approche novatrice de la chaîne logistique du prêt-à porter, déclinée dans toutes ses enseignes, et devenue un cas d’école.

Et Zara créa la fast-fashion

Le business model du groupe repose sur un pilier simple : le souhait d’adapter l’offre aux désirs de la clientèle. Cela implique une rapidité d’exécution exceptionnelle. De quinze jours, précisément, temps nécessaire à Inditex pour concevoir et mettre en vente un nouveau produit, là où il faut compter plus de six mois dans les industries traditionnelles.

Cet exploit est rendu possible par un système de production vertical et totalement intégré, de la production à la distribution. L’étape de la création est rapide, car chaque modèle est directement inspiré de modèles de haute couture. L’approvisionnement en tissu, la production et la distribution sont ensuite assurés par des entreprises détenues en majorité par le groupe. Une solution plus chère que l’externalisation, mais qui permet de répondre rapidement aux éventuelles évolutions de la demande, et de limiter ainsi le risque d’échec des collections. Grâce à une politique de sous-approvisionnement des stocks et de production en petites séries, les produits qui échouent peuvent ainsi être abandonnés, et ceux qui marchent relancés. le taux de renouvellement des articles atteint des niveaux records : une douzaine de collections sont élaborées chaque année, et de nouvelles pièces arrivent dans chaque point de vente deux fois par semaine.

Ainsi, lorsqu’il ouvre la première boutique Zara en 1974 dans le centre de la Corogne, en Espagne, Amancio Ortega invente un nouveau modèle économique : celui de la fast-fashion, qui raccourcit les cycles traditionnels de la mode. Des articles diversifiés, proposés en nombre limité à des prix attractifs incitent les consommateurs à augmenter la fréquence de leurs visites en boutique… et donc de leurs achats. Le succès rencontré par ce modèle inédit à l’époque est tel que l’enseigne se développe rapidement, dans la majorité des villes espagnoles puis à l’étranger : au Portugal, aux États-Unis et en France.

La multiplication des marques

C’est donc une entreprise déjà multinationale qui entreprend dès les années 1990 de diversifier son portefeuille de marques. Une démarche qui « repose sur une croissance organique », d’après le département communication du groupe. L’enseigne Pull & Bear, lancée en 1990 a en effet été entièrement imaginée et créée par le groupe Inditex en 1991, dans l’objectif de proposer des vêtements décontractés aux jeunes citadins. De même pour Bershka (1998), qui cible un public plus jeune ; Oysho (2001), qui applique la philosophie du groupe au secteur de la lingerie ; Zara Home (2003), qui propose du linge de maison et des articles de décoration ; et enfin Uterqüe (2008), qui se focalise sur les accessoires de mode.

Toutefois, Inditex a également procédé par le passé à quelques opérations de croissance externe, répondant toutes à « une approche opportuniste. » Les magasins Massimo Dutti, crées en 1985, ont ainsi été rachetés par Inditex entre 1991 et 1995, car leur positionnement moyen-haut de gamme présentait des complémentarités avec celui de Zara. L’autre acquisition majeure du groupe est celle de Stradivarius, qui depuis 1999 complète l’offre déjà vaste d’Inditex à destination d’un jeune public féminin.

Développées en interne ou rachetées, toutes les enseignes ont un dénominateur commun : elles appliquent à la lettre la recette qui a fait le succès de Zara. Produits tendance, abordables, et renouvelés rapidement grâce à l’intégration verticale de la chaîne logistique leur garantissent un essor commercial rapide auprès des cibles qu’elles visent respectivement. Chacune maintient cependant « une indépendance totale des offres commerciales », explique le département communication : « chaque concept possède son propre style, sa propre image, son propre agencement de magasins, ses collections ». L’objectif : éviter la cannibalisation des marques entre elles. De nombreux observateurs ont en effet identifié ce risque comme l’une des limites potentielles au développement futur du groupe. Une limite qu’Inditex tente de repousser en dépassant le marché du textile pour s’imposer, par exemple, dans le domaine de l’équipement de maison et celui des accessoires de mode.

Mode sans frontières

Inditex tente également de dépasser les frontières. Depuis ses premiers pas hors de la péninsule ibérique, le groupe a pénétré un nombre impressionnant de nouveaux marchés. D’abord prudent et essentiellement européen, ce mouvement s’est accéléré depuis 1998 tout en s’orientant de plus en plus vers les régions émergentes. Aujourd’hui présent dans 77 pays sur les cinq continents, l’empire du textile continue de se renforcer dans chacun d’entre eux : le seul premier semestre de l’année 2011 a vu l’ouverture de 177 magasins dans 35 pays différents. Mais Inditex prévoit également des développements dans les prochains mois « en Afrique du Sud, à Taïwan, en Géorgie, en Azerbaïdjan et au Pérou. »

Dans chaque pays, le modèle de développement est le même. La marque Zara est la première à s’implanter, au départ via un nombre réduit de magasins. Cette première étape permet de préparer l’implantation des autres marques du groupe et la multiplication progressive du nombre de points de vente, sans jamais perdre de vue « la stratégie de développement des concepts Inditex, qui est d’avoir ses propres magasins. » Mais là encore, quelques exceptions viennent confirmer la règle : « sur certains marchés spécifiques, le groupe a élargi son réseau grâce à des accords de franchise avec les principales sociétés locales de distribution», qui représentent à l’heure actuelle moins de 10 % des points de vente. Autre cas particulier, celui de l’Inde, où Inditex a choisi de développer les magasins Zara par le biais d’une coentreprise résultant d’un accord de joint-venture avec le groupe industriel local Tata.

Cette stratégie de développement global a largement fait ses preuves, puisque les ventes des magasins internationaux représentent 74 % des ventes totales, et que ce ratio est en constante progression. Est-il pour autant possible de la poursuivre à l’infini ? Un obstacle de taille pourrait s’y opposer : la structure centralisée d’Inditex, qui exige que tous les articles passent par les centres logistiques situés en Espagne. En effet, si ce système garantit la flexibilité de la production, il rallonge les délais et augmente les coûts d’approvisionnement des points de vente situés dans les régions les plus éloignées, comme l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine. Or ces zones, et en particulier l’Asie, sont précisément celles ou la concurrence dans le secteur textile se fait de plus en plus féroce. Mais face à ce nouveau défi, le groupe demeure confiant : « nous avons suffisamment de capacité logistique pour les années à venir », affirme le département communication, qui annonce également une poursuite des investissements en matière de logistique « afin de continuer à livrer efficacement l’ensemble des magasins dans le monde ».

Chiffres-clés (au 1er janvier 2011)
9
enseignes commerciales
5 044
établissements, dont 710 franchisés, dans 77 pays
9
centres de distribution en Espagne
Une centaine
de sociétés liées aux activités de création de fabrication et de distribution
100 138
employés
30 000
modèles par an
12 527
euros de chiffres d’affaires, et un bénéfice net de 1 732 euros

Le tour de la chaîne de production en 15 jours
J-15 Création du modèle en s’inspirant des vêtements de luxe et des attentes des clients
J-13 Coupe informatisée dans une usine du groupe
J-5 Confection par un sous-traitant, finition dans une usine du groupe
J-3 Expédition depuis l’un des centres logistique espagnols, par camion ou avion.
J Mise en vente en boutique


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