Virginie Lleu, fondatrice et directrice générale de L3S Partnership, revient pour Décideurs Magazine sur l’égalité femmes hommes dans le domaine de la santé digitale.

Décideurs. Quelle est la raison d’être de L3S Partnership ?

Virginie Lleu. La raison d’être de L3S Partnership est la santé et le capital humain. Nous travaillons principalement sur des sujets qui touchent à l’innovation thérapeutique. En tant que psychologue clinicienne, je suis, bien sûr, sensible au monde du soin. Nous exerçons un beau métier car cela nous donne la possibilité de recruter des talents qui vont accompagner le développement des nouvelles technologies en santé. En outre, il nous arrive de contribuer à changer la trajectoire de vie des gens que nous rencontrons.

Comment se porte le marché du recrutement ?

En deux ans, la demande a évolué. Les grands groupes pharmaceutiques ont structuré leur activité avec des équipes internes de Talent Acquisition et nous sollicitent moins. En revanche, nous constatons l’émergence de start-up, notamment dans le domaine du digital, avec lesquelles nous sommes de plus en plus amenés à travailler. Les recrutements externes ont été moindres en 2020. En effet, ce sont les ressources internes qui ont été sollicitées, à cause de l’effet Covid et du besoin de traiter les sujets en urgence.

Dans le contexte de la crise sanitaire, les attentes des collaborateurs ont-elles changé ? Et vos manières de travailler ?

En effet, des changements notables se sont produits. Pour les plus jeunes collaborateurs, la possibilité de télétravailler est devenue un critère primordial : 90 % de nos clients mettent en place des accords qui vont en ce sens. Chez L3S  Partnership, nous avons instauré une ou deux journées de télétravail par semaine. La localisation est également un sujet important : les entreprises doivent avoir une certaine souplesse et adopter des modèles de travail plus adaptés à leurs salariés. Concrètement, la pandémie et la crise que nous traversons encore ont clairement accéléré la digitalisation des organisations. Cela sera pérenne. Nous avons mis en place un baromètre quant à la transformation digitale des entreprises de santé depuis 2019, avec le cabinet Atawao Healthcare. Ce baromètre indique qu’en 2020, une prise de conscience générale a eu lieu sur la nécessité de développer des outils digitaux afin de mieux communiquer auprès des professionnels de santé, et digitaliser le processus de soin. La maturité des entreprises de santé sur le digital est encore globalement jugée insuffisante et il faut, pour la développer, pouvoir attirer des talents hors pharma avec un projet clair et ambitieux, une véritable valeur intrapreunariale, une rémunération intéressante et un laboratoire attractif en termes d’innovation...

Au-delà des compétences demandées, il est important de recruter des candidats possédant l’agilité et les soft skills nécessaires pour leur permettre de s’adapter aux start-up. Le challenge, ensuite, est de savoir retenir ces profils et les faire évoluer.

"Il y a une prise de conscience de tous sur la nécessité de développer les outils digitaux pour mieux communiquer auprès des professionnels de santé et digitaliser le processus de soin"

En octobre 2021, vous avez participé à un webinaire sur l’impact de la santé digitale et le rôle qu’y tiennent les femmes. Justement, digital et santé sont au cœur de tous les questionnements, alors quelle place pour les femmes ?

Le caractère et la personnalité des femmes s’accordent bien avec le digital : elles sont reconnues pour leurs qualités d’écoute et leur capacité à dialoguer – ce qui favorise la proximité avec les équipes et encourage plus naturellement le travail collectif. Les hommes sont, en revanche, plus individualistes. Les femmes managers, grâce à cette façon de travailler, favorisent le leadership et l’essor de l’intelligence collective au sein de leurs équipes, ce qui influe positivement sur les performances de l’entreprise. Le confinement a mis un frein à l’évolution de l’égalité femmes-hommes au travail. En effet, les femmes en ont davantage subi les conséquences et, surtout, la frontière entre vie professionnelle et vie privée a disparu.

Cependant, je reste convaincue que le digital représente, pour les femmes, un véritable accélérateur professionnel. En  2017, une étude de Roland  Berger révélait que si les femmes augmentaient leur rythme d’adoption des technologies digitales, l’égalité femmes-hommes pourrait être une réalité d’ici vingtcinq  ans dans les pays matures. La transformation digitale se muerait alors en transformation sociale.

On sait que l’industrie du futur sera essentiellement numérique, or, dans ce secteur, les talents féminins sont encore trop sous-représentés avec moins de 20 % du leadership. C’est un sujet qu’il faut traiter très tôt, dès l’école primaire, pour inciter les jeunes filles à embrasser des carrières scientifiques et technologiques – on dénombre seulement 32 % de femmes ingénieures – mais elles sont majoritaires dans le domaine médical, alors imaginez !

"Le caractère et la personnalité des femmes s’accordent bien avec le digital"

Quel futur voyez-vous pour la santé digitale et l’égalité femmes-hommes ?

Certaines entreprises ont entamé leur marche vers l’égalité. Sanofi, par exemple, s’est fixé un objectif de 50/50 sur les profils dirigeants de son entreprise, à horizon 2025, afin d’accélérer cette évolution. On constate par ailleurs, le développement de la FemTech : un écosystème de start-up spécialisées répondant aux besoins spécifiques des femmes, comme l’endométriose, la ménopause, la maternité, et utilisant le digital. Il n’y a que très peu d’investissements dans la santé féminine car certains sujets sont encore tabous ou mal connus. Pourtant, d’ici  2025, ce marché représentera 50  milliards de dollars. Je fais confiance à la nouvelle génération pour prendre conscience de cela.

Et quels sont vos projets pour L3S ?

Nous souhaitons étoffer l’équipe de consultants et de chargés de recherche, renforcer notre activité de board  members indépendants pour continuer à accompagner nos clients start-up dans leur développement. Nous devrions également lancer une nouvelle activité qui sera officielle à la rentrée de septembre. Stay tuned !

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