Zoom : ces entreprises qui s’engagent pour l’emploi
Toute crise convoie son lot d’interrogations auxquelles pouvoirs publics et acteurs économiques essaient tant bien que mal d’apporter une réponse. Et celle de la Covid-19 n’échappe pas à la règle. Des propositions du Medef au prêt de main d’œuvre encouragé par l’Institut Montaigne, en passant par la variante du Compte personnel de formation de transition portée par Élisabeth Borne : la question de la reconversion professionnelle occupe tous les esprits. Nombreux sont les acteurs du secteur privé qui s’engagent, à l’échelle de leur territoire, de leur secteur d’activité et de leurs moyens, pour la favoriser.
Innovations sociales et digitales
Face à l’ampleur prévisible de la crise économique et sociale qui s’amorce déjà, l’innovation est de mise. Des précurseurs, comme "Job Hopps", ont montré combien la technologie constitue un outil précieux pour renforcer la résilience du marché de l’emploi. Développée en interne par le groupe Hopps, spécialiste de la logistique et du courrier, cette application créée en 2018 révolutionne le travail à temps partiel. Elle permet à un salarié de trouver une seconde activité compatible et proche géographiquement de la première. Un clic suffit pour postuler à une offre, un autre pour transmettre l’annonce à une personne qui cherche également un complément de revenu.
Construire des ponts entre entreprises en difficulté et entreprises qui recrutent.
Dans la même veine, Wanted, la jeune pousse de Jean Meyer qui vise à court-circuiter les chasseurs de têtes, a récemment lancé la plateforme Switch. Les startups en difficulté peuvent y inscrire leurs talents pour les mettre en contact avec des entreprises qui, elles, recrutent activement. Un dispositif réservé à des populations "digital natives" ? Pas nécessairement. Mi-juin, la très traditionnelle UIMM, le syndicat patronal des entreprises industrielles de la métallurgie, a inauguré sa propre plateforme. L’outil a pour objectif de répondre à des besoins spécifiques en facilitant le prêt de main d’œuvre au sein d’un même bassin d’emploi.
Territoires de résistance
L’échelle du bassin d’emploi semble en effet la plus pertinente, car les ponts entre des structures aux besoins en recrutement contrastés se construisent d’abord sur le terrain. C’est bien l’approche cultivée par la société Hydres, à la manœuvre depuis plusieurs mois pour constituer un front commun d’Entreprises Unies, du nom de la plateforme de matching entre salariés licenciés et organisations recruteuses. Pour Philippe Soler, son fondateur, "la pédagogie autour de l’offboarding semble porter ses fruits". Les entreprises "ne réfléchissent plus en concurrentes". Elles comprennent l’intérêt de s’engager ensemble en faveur de l’emploi. La démarche a progressivement pris de l’ampleur dans la région Centre Val de Loire et l’Occitanie, grâce notamment au relais d’associations et syndicats patronaux locaux.
Les entreprises "ne réfléchissent plus en concurrentes".
Partout en France, la "résistance" s’organise. Elle laisse apercevoir le chemin parcouru depuis 2008 et l’échec des plans monolithiques et descendants. À l’époque, ce sont les territoires qui se sont imposés comme de véritables laboratoires d’expérimentation, d’innovation et, in fine, de relance. À Marseille, Saint-Denis, Bordeaux, Rouen, Grenoble, etc, le Collectif pour une économie plus inclusive déploie des groupes de travail. Le principe ? Aborder la problématique des transitions professionnelles "sous l’angle de l’efficacité locale au niveau des bassins d’emploi plutôt qu’au niveau national ou catégoriel". Ainsi, la plateforme de mobilité territoriale, conçue avec l’appui d’organisations syndicales et patronales, a-t-elle vocation à "fluidifier les parcours inter-entreprises au sein d’un territoire". Il semble bien qu’à l’ère de la responsabilité sociale, la relance rime avec l’engagement.
Marie-Hélène Brissot, Marianne Fougère