H. Manoukian (Moovone), "Le dialogue humanise le monde du travail"
Décideurs. Comment expliquez-vous l’essor actuel des solutions de coaching ?
Hugo Manoukian. Le coaching est en voie de démystification et, pourtant, il revient de loin. Processus intime et très cher pour les uns, équivalent aux séances de psy et antithèse de la formation pour les autres, réservé aux personnes en situation de burn-out pour d’autres encore : les idées reçues à son sujet pullulent. Mais, grâce au digital, il a pu entrer dans les entreprises et se démocratiser sans compromis sur la qualité. Par ailleurs, on a tous et toutes besoin, à certains moments de nos vies professionnelles, d’un regard extérieur. Et, les organisations n’échappent pas à la règle. Aussi, trouvent-elles dans le coaching un partenaire stratégique pour libérer le potentiel humain et accompagner le changement des mentalités et des pratiques.
Justement que faudrait-il réinventer en priorité ?
La crise de la Covid-19 confirme l’importance de repenser l’accompagnement des collaborateurs au sein des entreprises. Aujourd’hui, plus encore que par le passé, le « one size fits all » ne répond pas aux besoins, forcément multiples et spécifiques, des individus. Il s’agit donc de ne pas retomber dans le piège des formations uniformisées qui proposent d’apprendre mécaniquement ici telle recette de management, là telle posture formatée de leadership. Aller vers plus de personnalisation, cela suppose au contraire de disposer d’un espace rien qu’à soi pour évoquer son caillou du moment, c’est-à-dire l’élément qui empêche d’avancer plus vite.
"Le coaching est en voie de démystification".
Les entreprises vous demandent-elles d’intervenir sur de nouvelles thématiques ?
Je ne vous surprendrais pas en disant que les managers restent des managers et que les collaborateurs font face aux mêmes défis qu’avant. Le gros challenge demeure, pour les individus et les entreprises, de maintenir la performance malgré les changements radicaux déjà engagés ou à venir. Des programmes comme "Gagner en leadership et fédérer", "Communiquer avec efficacité" ou "Prendre du recul et avoir une vision stratégique" comptent toujours parmi les incontournables. Néanmoins, on observe un engouement croissant pour des sujets jusqu’alors peu traités. Parmi ces axes nouveaux figurent notamment l’"organisation et la gestion du temps" ou, bien sûr, le "management à distance". Les managers désirent également "savoir communiquer des décisions difficiles aux équipes".
"Pour parer à la déshumanisation ambiante, il convient de ne pas faire l’impasse sur la verbalisation".
Quels conseils donneriez-vous à ceux devant précisément gérer des situations d’offboarding ?
Dans un premier temps, il peut s’avérer utile de se raccrocher à une brique comportementale et humaine. Un diagnostic émotionnel peut permettre de sonder le ressenti de la personne par rapport au départ de membres de son équipe, de trouver du sens à cette idée. Mais, rien ne vaut la préparation. Grâce à un travail sur l’assertivité, l’empathie, la communication non violente ou les techniques de feedback, le manager va trouver en lui les ressources et la confiance suffisantes pour porter le message de la meilleure façon qui soit, c’est-à-dire alignée avec lui-même.
Vous évoquez l’importance de l’humain. Mais, comment s’adapter à un monde du travail en voie de déshumanisation du fait du masque et de tous les autres dispositifs de distanciation ?
La période n’est agréable pour personne. Les locaux de l’entreprise ne redeviendront pas humains seulement parce que, du fait du retour au bureau des collaborateurs, des voix y résonnent mais seulement lorsqu’ils seront devenus objet de dialogue. Ce dernier, en effet, humanise le monde en général, le monde du travail en particulier. Il est un agent de liaison, d’intégration et d’échange. Aussi, pour parer à la déshumanisation ambiante, convient-il de ne pas faire l’impasse sur la verbalisation des inquiétudes, incompréhensions et autres points de blocages. Il faut veiller plus que jamais à poser la question de savoir comment chacun et chacune vit la chose. En somme, est venu le temps de la concertation.
Propos recueillis par Marianne Fougère