Ersilia Vaudo Scarpetta, un peu plus près des étoiles
Il est des tropismes bien ancrés dont on ne se débarrasse pas aisément. Prenons, par exemple, la culture latine forcément machiste. Ne mène-t-elle pas la vie dure aux femmes qui embrassent une carrière scientifique ? Pourtant, science et cuisine ne sont pas incompatibles. La petite Ersilia l’a appris à ses dépens le jour où, à 7 ans, elle a ajouté des cuillères de NaCl et non de C6H12O6 au gâteau qu’elle préparait. Sa mère, chimiste avait, en effet, pour habitude d’indiquer sur les bocaux les formules chimiques de leur contenu. Un militantisme du quotidien pour encourager sa progéniture à étudier les sciences.
D’un étonnement l’autre
Pourtant, la jeune fille hésite longtemps entre philosophie et physique. Si elle rejoint le camp de la seconde, c’est pour "cette forme de curiosité et d’étonnement inhérente à la science". Ersilia Vaudo Scarpetta a étudié la mécanique quantique et la relativité générale en philosophe. Elle a ainsi compris combien nous étions des privilégiés, puisque "capables de nous interroger sur l’espace nous entourant" et "de nous efforcer à trouver des réponses".
Des questions, l’astrophysicienne a eu le temps d’en formuler au cours de sa carrière. Son diplôme de physique en poche, Ersilia Vaudo Scarpetta a travaillé pour un laboratoire de l’Université La Sapienza de Rome avant de rejoindre, en 1991, l’Agence spatiale européenne (ESA) pour qui elle a notamment géré les relations avec la Nasa. Exerçant des fonctions prestigieuses comme celle de secrétaire exécutif du Groupe consultatif scientifique et technologique de la mission Exo-Mars, elle a également participé à la création du European Space Policy Institute. Un parcours tourné vers une seule direction :"l’émerveillement de regarder et comprendre le ciel."
Un peu plus près des étoiles
Ce dernier s’assombrit quand Ersilia Vauda Scarpetta évoque l’existence d’un "dream gap" qui pousse les filles à intérioriser le préjugé selon lequel elles ne pourraient pas devenir scientifiques, dirigeantes ou encore astronautes. Et même lorsque certaines femmes parviennent à prendre place à bord de navettes spatiales, les stéréotypes sont mis en orbite avec elles. Ersilia Vaudo Scarpetta rappelle ainsi qu’un kit de maquillage avait été préparé pour l’Américaine Sally Ride, la première américaine à se rendre dans l’espace...Or, pour Ersilia Vaudo Scarpetta, l’avenir de l’espace est indissociable d’une plus grande diversité. En sa qualité de responsable de la diversité au sein de l’ESA, elle œuvre à rendre le monde de l’aérospatiale plus inclusif, convaincue qu’ "on ne peut être excellents qu’avec des talents de tous horizons".
"On ne peut être excellents qu'avec des talents de tous horizons"
Si elle encourage les filles à étudier les mathématiques, elle applaudit des deux mains quand Mattel propose un modèle de Barbie astronaute. Des initiatives comme celle-ci doivent permettre aux "filles de croire en elles-mêmes, de regarder le ciel et de rêver haut".
Contempler le ciel malgré les nuages, telle pourrait donc être résumée la philosophie d’Ersilia Vaudo Scarpetta. Car, se risquer à jeter un œil du côté de l’espace transforme inéluctablement notre vision du monde. Il suffit pour s'en convaincre de se souvenir combien le premier cliché de la Terre pris depuis la Lune a bouleversé notre perception de la pla-nète bleue. "Une fois qu’on laisse sa vision du monde s’élargir, on n’est plus les mêmes." Et il devient possible de relativiser les faits que l’on croyait pourtant immuables, y compris les clichés les plus tenaces.
Marianne Fougère