M.Le Coz (Mazars) : "Nous sommes très prudents avec le 100 % télétravail "
Décideurs. Quelles innovations RH avez-vous mis en place pendant la crise ?
Mathilde Le Coz. Nous travaillons sur l’innovation RH depuis six ans, notamment autour de la digitalisation, avec une vingtaine de start-up. À l’annonce du confinement, nous étions déjà bien outillés, il ne restait plus qu’à s’adapter d’un point de vue managérial. En faisant évoluer nos processus, nous avons surtout été confirmés dans nos choix. Onboarding digital, signature électronique, mesure de la satisfaction des collaborateurs à distance sont des solutions que nous utilisions déjà et qui ont permis de maintenir notre activité durant la crise, sans impacter la capacité de production. Notre principale préoccupation était de maintenir le lien social. Chez Mazars, certains collaborateurs sont des ressources mutualisées, ils ont plusieurs managers et le bureau est en quelque sorte leur cocon. Durant le confinement, un référent avait pour unique mission d’écouter, coacher, discuter et créer du lien. Les managers opérationnels le font habituellement, mais compte tenu du contexte exceptionnel, ce référent, un manager plus expérimenté, s’est vu confier cette tâche. Ce dernier constituait en quelque sorte la courroie de transmission de l’information, il devait appeler chaque semaine son équipe et s’entretenait ensuite avec un membre du comité de direction et moi-même. Cette innovation devrait perdurer car les jeunes générations ne voient plus les managers comme un supérieur hiérarchique, mais comme quelqu’un qui va les pousser à évoluer. C’est un travail difficile et faire changer les mentalités demande du temps. Dissocier les rôles a permis de libérer les managers qui se sont permis de créer du lien.
Et le rapport au bureau ?
Nous sommes très prudents avec le 100 % télétravail. D’ailleurs, les collaborateurs le refusent. Nous venons de vivre l’épreuve du feu, celle qui nous a montré l’importance de la transformation digitale. Nous avons constaté que la façon dont on organise le travail n’est pas cohérente avec le monde d’aujourd’hui, ce qui nous amène à nous poser la question suivante : pourquoi venir au bureau ? Pourquoi est-ce qu’il m’a manqué ? L’espace de travail où je suis doit apporter de la valeur à la fonction que j’accomplis. Quel environnement est optimal en fonction de la tâche ? À l’avenir, je viendrai au bureau pour cocréer, innover.
La crise a-t-elle eu un impact sur les recrutements ?
Nos processus de recrutement étaient déjà tous en grande partie digitalisés ou ont été adaptés en conséquence, de l’entretien digital à l’onboarding. L’audit étant un métier réglementé, il n’a pas été impacté par la crise. Nous avons donc continué à beaucoup recruter, même pendant le confinement.
Dans « le monde d’après », à quoi faut-il être vigilent ?
Je crois que le risque de désengagement est important. La capacité à créer de l’informel et du lien social est fondamental au travail, or cela va s’avérer plus compliqué avec le télétravail généralisé.
Le risque de désengagement est important
Le lien, l’informel n’étaient pas portés individuellement par le manager, cela se créait de manière autonome, dans l’entreprise. Or aujourd’hui, c’est le manager qui va devoir porter cette capacité à créer du lien.
Roxane Croisier