Mercredi, le président de la République recevait les partenaires sociaux à l’Élysée pour leur faire part des premières orientations issues de la concertation lancée début juin pour "sauver l’emploi". L’occasion peut-être d’acter le déconfinement du dialogue social.

La crise sanitaire n’a ménagé rien ni personne, pas même les relations entre les partenaires sociaux et l’exécutif. Appelés à la rescousse dès les premiers jours, les syndicats ont très vite eu le sentiment d’être relégués sur le banc de touche, comme si le "gouvernement avait confiné le dialogue social", pour reprendre la formule du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.

Décrets, ordonnances, mesures d’urgence : la méthode employée par le gouvernement demeurait très verticale et augurait, aux yeux des leaders syndicaux, peu de changements pour le "monde d’après".  À cela s’ajoutent les décisions qui, comme le chômage partiel individualisé ou la réduction des délais de consultation des CSE, ont été accueillies avec circonspection. Sans parler de toutes celles qui, comme l’appel au rétablissement de l’ISF, sont restées lettre morte.

L’union fait la force

Pourtant, depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, jamais les partenaires sociaux n’ont été autant consultés. Pas une semaine ne passe sans qu’ils soient convoqués au ministère du Travail ou conviés à se concerter pour "sauver l’emploi". Ainsi, les voix qui s’élèvent contre la tentative gouvernementale de faire de la communication sur le dos du dialogue social risquent de ne recueillir que peu d’écho. Ne serait-ce pas surtout parce que leur voix ne porte pas que syndicats et patronat ne parviennent pas à se faire entendre ?

En effet, pour Laurent Berger, le point faible des organisations syndicales françaises ne réside pas tant dans leur échec à parler d’une seule et même voix que dans leur incapacité à se parler entre elles. Contrairement à leurs homologues européennes, elles se montrent réticentes "à travailler, à agir ensemble". Une telle absence de dialogue intersyndical les "affaiblit et laisse un boulevard à des comportements verticaux de la part du gouvernement", regrette celui qui préside aussi la Confédération européenne des syndicats.

Le combat pour l'emploi "ne se gagnera qu’avec les entreprises, leurs salariés et l’ensemble des partenaires sociaux"

Cette analyse n’a pas tardé à résonner chez les premiers concernés. Dans un courrier commun daté du 22 juin, les dirigeants de la CFDT, de la CFE-CGC, de la CFCT, de l’UNSA, du MEDEF, de la CPME, de l’U2P et de la FNSEA ont fait part au président de la République de leur volonté d’engager un travail de réflexion. Convaincus qu’ils doivent jouer un rôle majeur dans la relance économique, les partenaires sociaux expliquent vouloir être associés aux discussions sur la sortie de crise comme aux débats portant sur les enjeux sociétaux de demain. Car, d’après eux, la relance "nécessite la cohérence et l’équilibre des politiques économiques, sociales et environnementales". Cela suppose de la bâtir sur le socle "d’une économie durable", seule à même de redonner du sens et au travail et au capital. Dans leur texte, les leaders syndicaux ne perdent pas de vue que "le combat numéro 1 reste l’emploi". Il faudra sans doute beaucoup d’imagination et d’innovation non seulement pour en sauver certains mais aussi pour "moderniser les protections sociales existantes". Ce combat, rappellent-ils, "ne se gagnera qu’avec les entreprises, leurs salariés et l’ensemble des partenaires sociaux".

Sauver l’emploi

"S’écouter les uns les autres pour mieux se faire entendre", tel est donc le nouvel état d’esprit adopté pour réenchanter le dialogue social. Et, au regard des premiers arbitrages sur les dispositifs de chômage partiel, il pourrait déjà s’avérer payant. Les annonces faites par Emmanuel Macron, lors de sa rencontre mercredi avec les leaders syndicaux et patronaux, donnent à penser que l’exécutif souhaite ne plus faire la sourde oreille face aux revendications des partenaires sociaux. Laurent Berger comme Geoffroy Roux de Bézieux se sont ainsi montrés satisfaits que l’indemnisation des salariés ne baisse pas au 1er juillet mais à compter du 1er octobre. À partir de cette date, le chômage partiel classique sera pris en charge par l’État à hauteur de 72% du salaire net contre 84% précédemment. Il sera valable pour trois mois renouvelables une fois, avec une compensation à hauteur de 60% pour les entreprises.  

Le "combat pour l’emploi" que désirent mener, ensemble, les partenaires sociaux se retrouve également au cœur du nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée. Inspiré d’un texte de la métallurgie, celui-ci doit permettre d’indemniser les salariés des secteurs les plus en difficulté à hauteur de 84% du salaire net avec un reste à charge de 15% pour les entreprises. D’une durée maximale de deux ans, ce système fait une place au dialogue puisqu’il requiert un accord collectif majoritaire ou de branche.

"faire en sorte que dans les entreprises, on négocie vraiment ces maintiens d’emploi par le biais du chômage partiel"

Le front commun contre le chômage n’a, heureusement, pas mis fin au pluralisme des opinions et des positions. L’UNSA a ainsi pointé l’absence d’annonce sur l’emploi des jeunes, alors même qu’"il y a urgence pour éviter une fracture générationnelle". François Hommeril (CFE-CGC) a, pour sa part, raillé des "annonces un peu cheap". Quant à Philippe Martinez (CGT), il a regretté que les dispositifs ne soient "aucunement contraignants pour les entreprises". Mais, une ambiance particulière régnait mercredi dans les salons de l’Élysée. Désormais, observe Laurent Berger, il y a la volonté "de faire en sorte que dans les entreprises, on négocie vraiment ces maintiens d’emploi par le biais du chômage partiel plutôt que les plans qu’on commence à connaître de suppressions d'emplois". Signe pour l’UNSA de la réalité "d’une mobilisation autour d’un objectif commun : maintenir l’emploi pour une relance économique juste".

Marianne Fougère

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