Vincent Avanzi : le poète
Quand il parle poésie, Vincent Avanzi parle vite ; très vite, même. Et lorsqu’il dit ses textes, ce n’est pas avec le lyrisme de l’auteur torturé mais avec l’enthousiasme du coach inspiré. Peut-être parce qu’avant de s’inventer une vocation de poète au service des organisations, Vincent Avanzi faisait du slam. Et puis du rap aussi. Peut-être parce qu’il y a quelques années encore, il occupait un poste de cadre supérieur dans une grosse entreprise, avec bonus annuels et « chemin tout tracé », avant qu’un tour du monde en solitaire ne lui donne envie d’autre chose. Peut-être parce que, aujourd’hui, il fait de la poésie comme d’autres militent pour le climat : pour éveiller les consciences et influer sur les comportements. Pour agir sur le réel en montrant une autre voie. Celle qu’il appelle « la voie royale » et qui, explique-t-il, doit permettre de « faire converger les dons de chacun et les besoins du monde pour dessiner un avenir idéal. » Ambitieux… Et surtout, en rupture totale avec l’imagerie populaire du poète contemplatif à tendance neurasthénique. Vincent Avanzi, lui, n’entend pas s’indigner mais influer, et comme levier d’action il a choisi les mots. Pas ceux qu’on scande ou qu’on affiche ; ceux qu’on déclame et qui inspirent.
Harmonie intérieure
Il en est convaincu : la poésie a le pouvoir de mettre en mouvement ; d’éveiller et de révéler. Raison pour laquelle il y a cinq ans il décide de sortir des chemins balisés que lui garantissaient un diplôme de l’ESCP suivi d’un passage par Ernst & Young et de débuts prometteurs chez Microsoft pour aller chercher en territoire inconnu autre chose que « la performance, l’exigence et l’excellence ». Ce triptyque indissociable du monde de l’entreprise qu’il a banni de son vocabulaire ,« trop anxiogène» selon lui. Un séjour en Asie a modifié sa perception de la réussite. « Là-bas, j’ai découvert une philosophie de vie fondée sur la notion essentielle d’harmonie ; avec soi, les autres, la nature…, explique-t-il avant de reconnaître : J’en avais besoin ; j’étais sur des rails. »
Lorsque, quelques années plus tard il s’embarque pour un nouveau tour du monde, c’est pour en faire un véritable voyage initiatique, avec retraite dans une université spirituelle au Guatemala, ascension du Kilimandjaro, pèlerinage sur les traces de Mandela, exploration de la biodiversité aux îles Galapagos… « Je voulais comprendre comment il était possible de se changer soi pour changer le monde », résume celui pour qui l’expérience agira comme un déclic. « Lorsque je suis revenu, dix mois plus tard, j’avais changé de paradigme, déclare-t-il. J’étais passé du « je » au « nous » ; et de la musique à l’écriture ». La suite va s’imposer d’elle-même.
Co-écriture du monde
« J’avais compris que, pour s’accomplir, il fallait partir de soi, de ses dons et de ses envies, cultiver sa zone de talents, explique-t-il ; cela implique de rechercher non plus l’excellence mais l’exception. Cette singularité qui donne à chacun une utilité publique. » Il en est convaincu, c’est ainsi qu’il deviendra possible d’engager l’individu au service du collectif. « De penser co-écriture du monde de demain », en connectant les besoins de celui-ci aux talents de chacun. Les siens étant désormais identifiés: passion pour la poésie, compétences business et ouverture aux autres.
Vincent Avanzi s’engage dans une reconversion aussi inédite que radicale. Sous le titre de « Chief Poetic Officer », il investit le territoire, peu concurrencé il est vrai, des conférences et de l’écriture poétiques en milieu professionnel. « Heureusement, je maîtrisais les codes de l’entreprise », concède-t-il en reconnaissant avoir dû se livrer à un sérieux travail d’évangélisation avant qu’une conférence donnée au salon des entrepreneurs n’ait raison des résistances culturelles. « Elle était intitulée « Comment la poésie peut changer votre stratégie d’entreprise » et visait à montrer comment des mots bien juxtaposés peuvent engendrer de l’action, se souvient-il. Je m’attendais à un auditoire clairsemé, ça a été un succès. Cela m’a littéralement propulsé ». Au point de lui ouvrir les portes des entreprises du CAC 40 et même du Sénat où, dans le cadre d’une conférence sur le bien-être au travail, il récitait en octobre dernier sa « Symphonie du cap-humanisme », invitant dirigeants et décideurs à « passer du Cap-italisme au Cap-humanisme, du taux de croissance au taux de conscience ».
Déclics de conscience
Loin de l’incantation de communicant, Vincent Avanzi parle de « conviction intime ». « Ce n’est pas une méthode de plus, martèle-t-il. J’habite mon message ». Un message pour « leaders éclairés » qu’il décline aujourd’hui sous toutes les formes de l’expression corporate. De l’écriture de discours pour dirigeants aux clôtures de conventions annuelles en passant par le coaching de comités de direction, les ateliers de créativité individuels, le team-building, le personnal branding ou encore le story-telling. Si les formats changent, l’ambition, elle, ne varie pas. « Il s’agit toujours de créer des déclics de conscience, explique Vincent Avanzi pour qui le processus tient en trois temps : Libérer l’inspiration et la parole, reconnecter chacun à soi-même et aux autres, puis mettre en mouvement… ». Et à ceux tentés d’y voir un rôle de composition, celui-ci rappelle qu’il ne fait, au contraire, que renouer avec la vocation première du poète. « En grec ancien « poésie » signifie création, action de faire ; souligne-t-il. D’ailleurs dans l’antiquité, le poète se situait au centre de la cité, il donnait à voir un idéal, il projetait vers l’avenir. » C’est ainsi que lui-même se définit : à la fois porteur de rêves et acteur du changement. Déterminé à « ré-enchanter le monde en aidant l’individu à se réaliser et les entreprises à se réhumaniser ». Hors cadres.
Caroline Castets