À la recherche de la paix économique
L’événement est à l’initiative de l’une des chaires de l’école, baptisée « Mindfulness, paix économique et bien-être au travail ». Un titre volontairement éloigné du vocabulaire professionnel habituel puisqu’il entend en bousculer les codes. Pour Dominique Steiler, son fondateur, l’objectif est en effet « de construire une autre représentation, avec d’autres valeurs et un champ lexical propre ».
Expériences
La journée fut l’occasion de nourrir les réflexions autour de cette ambition, et de présenter des exemples de réalisations concrètes. Les entreprises partenaires de la chaire ou membres de sa communauté de pratique ont exposé la façon dont elles essaient de s’inscrire dans une démarche de paix économique. Antoine Raymond, PDG d’Araymond, a par exemple présenté le programme de « servant leadership » développé au sein de son groupe. Le dirigeant de Samse a décrit le processus de libération de son organisation. Au cours de la soirée ont été présentés les huit projets choisis par un jury composé de personnalités du monde politique ou économique parmi les 75 dossiers de candidature. Les lauréats bénéficieront d’un accompagnement de dix heures par GEM. Parmi les réalisations ainsi mises à l’honneur, celle de la mairie de Kingersheim, qui propose aux employés de se former à la pleine conscience, à l’intelligence émotionnelle, et à la psychologie positive, ou encore un vaste programme d’innovation managériale de Veolia baptisé « Osons l’entreprise heureuse ». La soirée de clôture fut aussi l’occasion d’une table ronde de réflexion et de prospective sur l’enjeu de « paix économique ».
Utopie ?
La chaire s’est donné pour mission d’imaginer « un contrepoint à l’hyper-compétition outrancière qui génère tant de dégradation en confondant augmentation du PIB et amélioration de notre bien-être » rappelle le document présentant la chaire dirigée par Dominique Steiler. Le philosophe Patrick Viveret a souligné l’ampleur de ce constat d’échec en évoquant « une guerre économique qui nous mène vers l’abîme, insupportable socialement et dans nos rapports avec la nature ». Pour lui, cette analyse impose de « revenir à la racine même de l’économie ». Il invite notamment à remettre en question la notion de bénéfice et de valeur. « Il faut se donner le droit de revisiter des mots-clés comme valeur, bénéfice, économie ou écologie…poursuit-il, cette libération est essentielle pour faire face aux résistances culturelles. » « Si l’activité d’une organisation a pour effet de détruire un écosystème vital, par exemple, il est exclu de considérer par ailleurs qu’elle a créé de la valeur. » Et de faire référence au concept qu’il avait proposé dans son rapport « Reconsidérer la richesse » : celui de dépôt de bilan social ou environnemental.
Cette conception plutôt radicale serait-elle utopique ? Pour Fouad Abdelmoumni, militant des droits de l’homme et économiste marocain « bien sûr que la paix économique peut sonner comme une utopie. Mais rappelons que l’humanité est sortie de l’esclavage, du féodalisme…poursuit-il. Le besoin de conflictualité extrême est derrière nous. » Pour lui, les initiatives présentées par les entreprises, ou récompensées par un trophée dans le cadre de l’événement « sont loin d’être la réponse à tous les problèmes. Mais, souligne-t-il, elles font appel à la capacité de régulation de l’être humain et permettent d’avancer dans l’accord comme dans la divergence. » Un optimisme résolument partagé par l’ensemble des intervenants.
Marie-Hélène Brissot