P.Courbebaisse (FFP) : "Les entreprises ne se sentent pas accompagnées dans la mise en place de la réforme"
Décideurs. Que pensez-vous du compte personnel de formation (CPF) ?
Pierre Courbebaisse. C’est la première fois qu’un dispositif de formation avec un accès direct, sans intermédiaire, est créé. Il responsabilise l’individu et lui laisse une plus grande liberté dans le choix de sa formation. À mes yeux, il présente toutefois une contrainte : le CPF est mobilisable uniquement sur une formation certifiante. Or, l’entreprise cherche parfois à renforcer les compétences de ses collaborateurs et pas systématiquement à les certifier. À la FFP, nous pensons que le CPF devrait être utilisable pour les formations qualifiantes pas uniquement certifiantes, et plus particulièrement dans le cas où l’employeur abonde le CPF de son salarié. Cette réflexion devra être relancée dans les années à venir.
La monétisation du CPF est-elle une bonne chose ?
Nous l’avons soutenue. Elle apporte plus de lisibilité pour les bénéficiaires et permet de tenir compte de l’innovation dans les modalités pédagogiques qui est décorrélée de la notion d’heure de formation. Cependant, nous sommes très vigilants dans la période de transition actuelle aux dysfonctionnements dans les prises en charge par les différents financeurs. Certains n’ont pas encore entièrement intégré le passage à la monétisation dans leur système ce qui freine la mobilisation de certains dispositifs d’accès à la formation.
Au-delà du renforcement de l’accès individuel à la formation qui est quelque chose de positif, nous nous préoccupons de l’accès pour les entreprises aux dispositifs de développement des compétences. En réalité, les organisations se demandent si elles ont toutes les informations sur la réforme, elles ne se sentent pas préparées, ni accompagnées. Par exemple, une toute petite minorité sait qu’elle peut proposer de l’apprentissage. Un autre point qui inquiète les entreprises concerne la mutualisation des contributions qui est désormais réservée aux entreprises de moins de 50 salariés. Autrement dit, les entreprises de plus de 50 salariés ne pourront plus financer leur plan de développement des compétences sur les fonds mutualisés. Il aurait fallu a minima relever le seuil de mutualisation aux entreprises de 250 salariés. Ces entreprises ne sont pas forcément dotées de services RH et formation et ont aussi besoin d’un accompagnement à l’investissement dans la formation de leurs collaborateurs.
Où en sont les Opca dans leur transformation en Opco ?
C’est un peu prématuré pour le savoir… Une certaine inquiétude est tout de même visible. Les Opca sont préoccupés par leur réorganisation interne et leur fusion en Opco. Pourtant il ne faut pas que cela se fasse au détriment du bon fonctionnement des prises en charge des dispositifs d’accès à la formation qu’ils gèrent en 2019. Le risque de provoquer un « trou d’air » dans l’activité du secteur est important et se dessine déjà. À terme, les Opco seront recentrés sur les petites entreprises et l’alternance, ainsi que sur la gestion prévisionnelle des emplois et c’est extrêmement positif. Il reste que la temporalité n’est pas facile car regrouper les branches, travailler en filières, monter des GPEC ensemble, demande du temps.
Roxane Croisier