S.Tranchant (Bridgestone) : « Nous avons déployé un modèle intégré de mise à l’emploi sur les métiers les plus critiques »
Décideurs. Comment expliquer la pénurie de profils à l’origine de B Campus ?
Sébastien Tranchant. Durant la crise automobile issue du choc Lehman Brothers, les entreprises industrielles ont mis en sommeil leur capacité à recruter, former de manière flexible et réactive sur des métiers parfois très pointus. Ces entreprises, lorsque l’activité redémarre, peinent à atteindre leurs objectifs industriels par manque de main-d’œuvre formée au bon moment. Bridgestone France, notamment la division manufacture à Béthune, est l’une d’elles. Avec ceci de spécifique : contrairement aux usines de fabrication automobiles, nous ne disposons d’aucun réservoir de compétences « prêt à l’emploi » sur notre bassin d’emploi. En effet, alors que le territoire permet à une main-d’œuvre qualifiée sur des métiers identiques de naviguer entre les sites Renault, Peugeot et Toyota, Bridgestone est le seul manufacturier pneumatique dans un périmètre de 170 kilomètres.
Quel a été l’élément déclencheur de l’initiative ?
En juillet 2016, nous n’avons plus été en mesure d’honorer notre production quotidienne. Pourtant les indicateurs sont au vert : le carnet de commandes progresse, les équipements suivent, la matière première est là. Après une analyse complète, il est apparu qu’il manquait dix assembleurs quotidiennement, ce qui correspond à 2 000 pneus non produits par jour. La situation était critique quand on sait que ce métier est le « poumon » de l’usine. À ce moment précis, aucune solution de court terme n’était envisageable : une formation de six mois reposant sur du compagnonnage aurait amputé davantage la production d’une partie de ses ressources, pour un résultat incertain. En juillet 2016 a ainsi émergé le besoin de définir un modèle robuste de mise à l’emploi dans notre société et de relancer nos capacités à attirer, former, fidéliser des compétences. Le projet dépasse le cadre d’une université des métiers.
Combien de personnes sont formées par an ? Sont-elles toutes recrutées par Bridgestone ?
Depuis la mise en route du programme B-Campus Assemblage en février 2017, cinquante personnes ont été formées. Ce modèle intégré de mise à l’emploi est parfaitement déployé sur le métier le plus critique, celui d’assembleur, et a permis de recruter plus de cinquante jeunes. À terme, ce programme couvrira cinq métiers essentiels représentant 80 % de notre personnel de production.
Ce projet est-il repris plus largement dans le groupe ? Quels sont les projets de développement de B Campus ?
Ce projet a reçu un écho très favorable dans le groupe, à la fois pour l’efficacité du modèle mais aussi pour sa contribution sociétale puisqu’il permet de trouver un emploi à des publics qui auparavant n’accédaient pas à ces métiers industriels. Aujourd’hui, nous poursuivons le déploiement sur Béthune, partageons nos pratiques au sein de groupe. Nous envisageons d’introduire de nouvelles technologies au service de la formation, telle que la réalité virtuelle.
Propos recueillis par Roxane Croisier