Ces entreprises qui développent les savoirs fondamentaux de leurs salariés
Emmenée par Thierry Lepaon, ancien secrétaire général de la CGT, la délégation interministérielle à la langue française pour la cohésion sociale a commandé à l’institut CSA Research une étude sur les impacts de l’illettrisme dans le monde du travail. Le sondage publié en septembre 2017 révèle une situation préoccupante. Ce fléau concerne 51 % des entreprises privées et des administrations. Il constitue un risque professionnel autant physique –mauvaise lecture de consignes de sécurité par exemple – que psychologique, car générateur de stress. Commentant ces chiffres, Thierry Lepaon soulignait dans Le Figaro que l’évolution des métiers impose plus encore qu’auparavant la maîtrise des savoirs de base. « Les exigences professionnelles liées à la lecture et à l'écriture se sont accrues pour beaucoup de métiers (…) Les employeurs cherchent désormais des employés capables de formaliser leurs activités, notamment au moyen d'outils numériques, et de faire preuve d'une certaine pluri-compétence. »
Face à cet enjeu de taille, quelques entreprises réagissent. Elles mettent en place pour leurs salariés des parcours de formation destinés à consolider leurs savoirs fondamentaux, y compris digitaux.
Développer l’employabilité
Le groupe Stef, spécialiste du transport et de la logistique du froid présent dans sept pays européens, a lancé un vaste programme de maîtrise des savoirs fondamentaux (expression écrite, orale et calcul) sur la base du volontariat durant les heures de travail. Il se décline en modules d’une trentaine d’heures, dispensés par un organisme de formation partenaire. « Nous sommes l’une des rares entreprises en France à créer de l’emploi peu qualifié, explique Jean-Luc Chameyrat, directeur des ressources humaines. Nous voulons donner à nos collaborateurs la possibilité d’acquérir des compétences supplémentaires pour accroître leur employabilité et leur donner la possibilité d’évoluer au sein du groupe. » 98 % des apprenants ont atteint les objectifs du programme mis en place sur 84 sites en France et à l’étranger.
Lutter contre la fracture digitale
On le sait, les compétences digitales sont aujourd’hui aussi fondamentales que la lecture et l’écriture. Cela concerne le salarié mais également le citoyen, à l’heure où les démarches administratives s’accomplissent en ligne. Le premier employeur de France, Carrefour, a récemment choisi de s’atteler à cette question, en lançant en 2017 un projet baptisé le « bus digital ». Un car aux couleurs de l’enseigne, équipé de matériel numérique, parcourt le territoire. Installé sur le parking des magasins, il accueille par petits groupes leurs collaborateurs pour dispenser sur une journée des formations au digital. Pour les participants – certains confessent n’avoir jamais ouvert d’ordinateur – la session permet de dépasser craintes et blocages, de se familiariser avec les outils et d’apprendre à naviguer sur internet.
Miser sur la détection
Si ces initiatives se multiplient, elles restent insuffisantes. Pour Thierry Lepaon, c’est aujourd’hui sur les actions de détection que les entreprises doivent agir pour repérer les salariés en difficulté. Il recommande d’impliquer davantage les institutions de prévention les représentants du personnel et la médecine du travail. En somme, placer la maîtrise des savoirs fondamentaux au cœur la responsabilité sociale des entreprises.
Marie-Hélène Brissot